Articles récents \ Monde Sara Garcia Gross : "au Salvador quand une femme tombe enceinte elle perd son droit à la vie."

Sara Garcia Gross fait partie du groupement citoyen pour la dépénalisation de l’avortement, les droits sexuels et reproductifs au Salvador. Un pays catholique où les femmes risquent jusqu’à 40 ans de prison en cas d’avortement.
 
Quelle est la situation politique au Salvador ?
La Salvador est gouverné par un parti de gauche et qui a impulsé une série de d’actions politiques en relation avec les droits des femmes. Mais Sur la thématique de l’avortement il y a eu un silence assez fort même si il a été le premier parti à présenter une proposition de loi, après 20 ans de pénalisation. Ce même parti a retardé le débat en introduisant d’autres sujets prioritaires pour lui. Ce qui a généré que les groupes fondamentalistes puissent être toujours très forts et très influents.
Parmi les fondamentalistes, il y a l’Église catholique. Des papes se sont-ils rendus au Salvador comme ils se sont rendus si souvent au Mexique ?
Oui parmi les fondamentalistes, Il y a la hiérarchie de l’église catholique mais aussi des groupes en lien avec l’Opus Dei qui ont organisé des campagnes de décrédibilisation et de diffamation sur notre travail sur les droits sexuels et reproductifs.
Jean Paul II est venu au Salvador qui avait alors une position totalement anti avortement. Il y a même des rues qui portent sont nom. Actuellement, il y a un processus de canonisation de Mgr Romero (1), qui avait déjà été déclaré saint par le peuple, il n’y avait donc pas besoin que la hiérarchie de l’église le reconnaisse. Le mouvement fondamentaliste profite de la figure de Mgr Romero pour promouvoir des messages anti-avortement.
Que dit la loi sur l’IVG aujourd’hui au Salvador ?
Actuellement dans le code pénal, il est établi que l’avortement est interdit dans tous les cas. Dans la constitution, il est établi que la vie est protégée à partir du moment de la conception et pour nous cet article 1 signifie qu’au Salvador quand une femmes tombe enceinte elle perd son droit à la vie.
Qu’en est-il de la contraception ?
Au niveau du ministère de la Santé, il y a une politique visant à proposer des moyens de contraception aux femmes, mais il continue à y avoir des obstacles pour y avoir accès surtout pour les femmes les plus jeunes. Si elles veulent des contraceptifs, on va les questionner « Qui sont vos parents, pourquoi ne sont-ils pas là, pourquoi voulez vous des contraceptifs auxquels vous n’avez pas droit ? » La pilule du lendemain, n’est autorisée uniquement que dans les cas de violences.
Y a-t-il beaucoup de femmes en prison aujourd’hui au Salvador ?
Dans le registre que nous tenons, il y a 24 femmes emprisonnées, condamnées pour avoir avorté. Il y a des peines de prison allant juqu’à trente ans effectivement. Cela a démontré une inégalité d’accès à la justice. On leur refuse la présomption d’innocence, on leur attribue la présomption de culpabilité. Notre mouvement a identifié toute une série de préjudices dans ces cas de femmes pénalisées pour cause d’avortement. Elles ont le droit à un avocat mais avec beaucoup d’irrégularités. Dans de nombreux cas dont nous nous occupons, quand nous arrivons sur l’affaire, la définition de cette affaire se transforme en homicide. C’est pour cela que les peines sont très lourdes. Récemment nous avons accompagné le cas de Téodora qui a eu une peine de trente ans et de Térésa qui a eu une peine de 40 ans. C’est elle qui a eu la peine la plus lourde. Térésa ne savait même pas qu’elle était enceinte.
Que fait votre organisation ?
Nous avons trois axes forts.
L’un est la défense juridique pour les femmes en prison surtout en promouvant la campagne 17 et plus. Le deuxième axe, c’est le travail sur le changement de mentalité par rapport à l’avortement. Le troisième axe, est l’influence politique pour arriver à changer la législation.
Qu’est ce que la Campagne 17 et plus ?
En 2014, nous avons recensé le nombre de femmes qui étaient en prison pour avortement. Toutes étaient jeunes et vivaient dans des conditions de pauvreté, des conditions de vie très difficiles. A cette époque, elles étaient 17 d’où le nom de la campagne.
Avez-vous des contacts avec l’Uruguay qui est le seul pays d’Amérique Latine ayant légalisé l’avortement ?
Oui, nous avons des contacts avec des collègues et nous avons reçu, il y a peu de temps, un député qui avait participé à tout le processus de dépénalisation de l’avortement. Nous avons aussi des contacts avec le Mexique, car dans la ville de Mexico, l’avortement est légal et autorisé.
Et en Europe ?
Nous avons des relations avec la Suède car c’est le pays qui a accordé l’asile politique à Térésa. Elle a été obligée de fuir le pays parce que le procureur voulait la condamner de nouveau. Il a été établi par le gouvernement suédois qu’il était dangereux pour Térésa de retourner au Salvador tant que les lois ne changeaient pas.
 
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine
 
1 Óscar Romero, est mort assassiné le 24 mars 1980 en pleine messe, alors qu’il est archevêque de San Salvador (Salvador). Il est reconnu comme un défenseur des droits humains et particulièrement des paysans. Sa béatification est célébrée le 23 mai 2015 à San Salvador, sous le pontificat du pape François.
 
Cette interview a pu être réalisée grâce au Planning Familial.
 
 
 

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