France \ Société Les victimes, grandes absentes des procès liés au proxénétisme

C’est un procès de plus en plus commun qui s’est tenu au Tribunal de Grande Instance de Paris du 25 juin au 3 juillet. Près de 12 jeunes hommes sont accusés de proxénétisme aggravé sur une vingtaine de victimes, mineures pour la plupart. Un phénomène appelé « proxénétisme de cité » qui touche des personnes de plus en plus jeunes à la recherche « d’argent facile ». Les autorités s’inquiètent de l’ampleur du phénomène qui a de lourdes conséquences pour les victimes et parfois pour les accusés.
Elles avaient entre 14 et 18 ans lorsqu’elles sont entrées dans les mailles de ce réseau de prostitution. Comme fréquemment dans ce type de procès aucune ne s’est présentée au procès. C’est par la voix de trois associations que leurs droits ont été défendus, Agir Contre la Prostitution des Enfants (ACPE), Equipes d’Action Contre le Proxénétisme et d’aides aux victimes (EACP) et le Mouvement du Nid. Après une semaine d’audition devant la cour, les 12 accusés écoperont de peine allant de six mois avec sursis à trois ans et demi de prison ferme.
« Ma fille a disparu, je ne sais pas où elle est« , explique la mère d’une des victimes lors du procès. Ils ne sont que deux parents à être présents et à s’être constitués partie civile. Cette mère de famille affirme que les accusés ont menacé sa fille et que c’est pour cela qu’elle a disparu. « Dans la majorité des dossiers, les victimes sont dès le début des procédures judiciaires menacées de représailles par les prévenus qui le plus souvent assistent aux procès, libres », explique-t-on à l’ACPE. Lors du procès qui s’est tenu du 25 juin au 3 juillet, trois des prévenus qui étaient déjà incarcérés ont eu le droit de sortir du box des accusés durant plusieurs audiences.
Victimes ou non ?
Mais la peur n’est pas la seule raison qui justifie l’absence de ces filles. La honte vis à vis de leurs familles ou encore de leurs amis joue aussi un rôle. Mais surtout, les filles ne se sentent pas forcément « victimes ». « Elles ne considèrent pas ce qu’elles ont fait comme de la prostitution. Pour elles, l’imagerie de la prostitution est associée à la prostitution qui se fait sur le trottoir, dans le bois etc. Elles se définissent plus comme des « escorts », terme qu’elles considèrent plus gratifiant« , assure l’ACPE. Elles ont comme modèle des femmes comme Zahia qui revendique fièrement d’avoir été « escort » alors qu’elle était mineure et qui est devenue une célébrité.
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Sur les 22 victimes une dizaine ont été entendues par la police et le juge d’instruction. Elles ont toutes assurées être « consentantes« . « Oui, je suis consentante. Je fais ça en échange de la moitié de la somme donnée par le client« , explique l’une d’entre elles aux policiers. Bien que les filles soient « volontaires » au départ, elles sont par la suite dans un « engrenage » avec souvent de la violence psychique et/ou physique.
Cette absence lors des procès a des conséquences pour les jeunes filles et pour le verdict. « Lors des audiences, les magistrat.e.s ne peuvent mesurer la gravité des séquelles des victimes, aussi l’absence de témoignages lors de procès rend les affaires moins concrètes et permet difficilement de se rendre compte des violences que les jeunes filles ont subies« , assure l’ACPE. C’est pour ces raisons que les associations comme l’ACPE se portent partie civile lors de ces procès. « Au travers du procès et du verdict, les jeunes filles peuvent réussir à se reconnaître comme victimes et commencer leurs processus de reconstruction. Aussi, c’est un moyen d’alerter le grand public du phénomène, parce que les procès sont des moyens de mobiliser facilement les médias« , explique un membre de l’ACPE.
 
Chloé Buron, 50-50 Magazine

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