Articles récents \ Sport Île de France Pour les femmes d’Aubervilliers, il faut une vraie égalité dans la pratique du sport

Le 21 juin 2018, la Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF) organise un colloque pour clôturer le projet « TouteSport ! » qui s’est déroulé d’octobre 2016 à juin 2018. L’objectif du colloque est de présenter les actions menées dans ce cadre, qui visent à inciter les femmes des quartiers politique de la ville (QPV) à la pratique sportive. La Fédération a coordonné cette action dans sept villes de France. Le CIDFF de Seine Saint Denis a participé à cette action. Sa directrice, Celine Foulc, et deux participantes d’Aubervilliers, Assia et Ouafa, ont participé à une des tables rondes. Elles ont démontré les liens importants entre vie sociale, recherche d’emploi et pratique d’un sport.
Celine, comment avez-vous rencontré Assia et Ouafa lors de la mise en place du projet à Aubervilliers?

La Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles nous avait demandé de mettre en place l’action TouteSport. J’ai rencontré Assia et Ouafa de deux façons différentes. Je connaissais Assia puisqu’elle était accompagnée par le service emploi pour sa recherche d’emploi. En revanche, j’ai rencontré Ouafa pour lui proposer l’action TouteSport, par l’intermédiaire de la Fabrique de Santé d’Aubervilliers, un de nos partenaires importants.
Je leur ai expliqué que c’était une action visant à  connaitre leur positionnement sur l’accès des femmes au sport. Nous voulions savoir si elles rencontraient des freins à la pratique du sport. Il nous fallait aussi diagnostiquer les difficultés rencontrées par les femmes à la pratique de certaines activités et comprendre comment nous pouvions les aider.
Il y a une question de coût. Les inscriptions peuvent être assez chères selon le sport. Ce qui est ressorti de notre enquête, c’est qu’elles se sont toutes fédérées en un groupe et donc ce n’était pas tant le sport qui comptait au début, il s’agissait de faire quelque chose ensemble. Grâce au soutien financier de la fondation Chanel et du FNCIDFF, elles ont toutes décidé de s’inscrire à un club de sport pour pouvoir aller ensemble à la salle de sport, partager ces moments et créer un lien entre elles. Le club de sport permettait aussi d’avoir des horaires qui convenaient à toutes. Au fur et à mesure des activités qu’elles ont continué sans moi, elles se sont aussi vues à l’extérieur.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à porter ce projet ?
En fait, c’était le lien entre sport et insertion professionnelle. L’hypothèse de départ était qu’il y avait des freins communs entre le fait de faire du sport et d’être en recherche d’emploi. Il fallait savoir quels ponts pouvaient être faits entre les deux.
A travers le sport on pouvait aider les femmes autrement qu’en utilisant les moyens classiques que l’on connait. Ce groupe a fait lien pour soutenir Assia pour sa reprise d’emploi dans un contexte difficile pour elle.
Assia, quelle est votre expérience entre insertion professionnel et pratique du sport?
Le sport m’a aidé à retrouver confiance en moi, à reprendre contact avec d’autres personnes. Et en même temps, ces personnes m’ont aidée dans mon insertion professionnelle, elles m’ont aidée à garder ma fille. C’est simple, si ces personnes n’avaient pas fait cela pour moi, je n’aurais pas pu intégrer ce travail.
C’est tout un cercle qui s’établit et qui rend les choses plus faciles.
Par quel sport avez-vous commencé ?
Pour moi, c’était la course à pieds, je me sens très bien en courant. En salle, nous avions des coaches et nous avions des activités que parfois je ne pouvais pas faire, c’était intense mais j’y allais quand même pour faire autre chose comme la cardio et courir sur le tapis. Mais à l’extérieur, j’aime beaucoup courir, cela m’a beaucoup aidé.
Quelles sont vos réflexions entre la pratique du sport et la confiance en soi?
Je dis à toutes les femmes de trouver un moyen de se libérer. Je pense que le sport c’est l’idéal parce qu’il n’y a pas de barrière, nous avons plein d’endroits où nous pouvons faire du sport même toutes seules. Je pense que le sport nous permet d’avoir une présence, nous reprenons courage avec le sport.
Parfois nous ne sommes pas bien, nous les femmes, et nous ne pensons pas à faire du sport, nous allons plutôt nous cloîtrer chez nous, regarder la télévision toute la journée, alors qu’il y a un autre moyen plus efficace pour se soigner. Le sport nous donne une sensation de bien-être apaisé.
Et vous Ouafa, quels sports avez-vous pratiqué et quels bénéfices en avez-vous tiré?
Je fais du renforcement musculaire et du vélo. J’encourage tout le monde, toutes les filles à faire du sport.
Avant, j’étais triste et angoissée. Aujourd’hui c’est autre chose, j’ai confiance en moi et je peux faire beaucoup d’activités, je ne me rabaisse plus.
Je pratique le sport tous les jours, sauf le week-end. Je pars faire du sport, même le soir.
Le sport permet de retrouver sa place dans l’espace public. Cela me redonne confiance en moi, et me permet de prendre la parole. Avant, je n’étais pas comme cela, je ne pouvais pas parler en public, j’avais honte. Le sport c’est l’énergie qui nous fait vivre pleinement.
Assia et Ouafa, comment voyez-vous la question de l’égalité femmes/ hommes et la pratique du sport?
Ouafa: je ne sais pas, pour moi femme et homme c’est pareil, c’est l’égalité, je ne peux pas dire c’est un homme donc il peut faire plus que moi, déjà dans la salle on était avec des hommes et j’étais pareil que les hommes, je soulevais les poids comme eux.
Assia: un homme se permet plus de pratiquer du sport parce qu’il travaille, les barrières financières comptent beaucoup lorsque l’on vient d’un pays étranger et que l’on n’a aucune ressource et que son mari travaille on ne peut accéder à rien. Je ne trouve pas qu’il y a d’égalité. Les soutiens sociaux se font selon les revenus du couple et si le couple n’est pas soudé, on se retrouve dans des situations très délicates …
Il faut qu’il y ait une vraie égalité, même si les gens sont en couple, il faut que la situation des femmes soit traitée différemment. Quand on a des enfants et qu’on gère un foyer il faut être reconnue, il faut un équilibre.
Céline, quelles conclusions tirez-vous de ce projet?
Le sport c’est aussi y avoir accès tout.e.s petit.e.s, c’est ce que la ministre des Sports, Laura Flessel, a rappelé dans son intervention au colloque. Il faut garantir l’accès au sport dès le jeune âge et donc l’accès à l’espace public. C’est une principe qui doit aussi être soutenu par l’Education Nationale comme l’a rappelé la ministre.
Nous espérons que cette action va pouvoir perdurer parce que la question se pose après avoir donné les clefs des possibles à toutes les participantes. De plus, nous avons vu les effets positifs. Maintenant, nous espérons que cette action va former une dynamique.

Propos recueillis par Brigitte Marti 50-50 magazine

Photo de Une (de gauche à droite)
Céline Foulc, Ouafa, Assia

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