Articles récents \ Culture \ Cinéma Lindy Lou, jurée n°2

En ce 10 octobre, journée internationale contre la peine de mort, un documentaire de Florent Vassault nous invite à suivre le cheminement abolitionniste de Lindy Lou. Vingt ans après avoir voté la mort pour le prévenu dans un jury populaire du Mississippi et après avoir visité le condamné pendant les mois précédant son exécution en 2006, elle est partie à la rencontre des autres juré.e.s pour savoir si, comme elle, ces faits les ont hanté.e.s depuis. Une belle réflexion sur la justice et le sens de la peine de mort dans un monde où des milliers de personnes sont encore dans les couloirs de la mort.

Lors d’un procès qui s’est tenu en 1996 dans le Mississippi, Lindy Lou contribua à la condamnation à mort puis à l’exécution, en 2006, de Bobby Wilcher. Le remords et le doute qui ne l’ont pas quittée depuis cette semaine de procès peu équitable (les avocats du meurtrier avaient eu connaissance du dossier quelques heures seulement avant le procès et leur incompétence à défendre l’accusé y fut notoire) vont la conduire, en compagnie du réalisateur, à rendre visite à chacun.e des juré.e.s afin de les questionner sur ce que cette semaine de procès a laissé comme trace dans leur vie, vingt ans après.

Pour environ la moitié d’entre eux, cette expérience a été traumatisante et les a marqué.e.s à jamais. En 2006 Lindy Lou avait même souhaité rencontré le condamné pour lui demander pardon d’avoir prononcé sa condamnation à mort. Bouleversée par cette rencontre avec un homme qui n’avait reçu aucune visite depuis 14 ans et qui attendait la mort avec impatience, elle poursuivra leurs échanges pendant les 3 derniers mois du condamné. Elle en sortira transformée !

Le documentaire montre que lors du procès, chacun.e s’est muré.e dans son désarroi et s’est plié.e silencieusement aux attentes supposées du groupe ainsi qu’aux injonctions d’une « justice » qui leur a dicté leur acte en leur mentant sur les alternatives possibles à la condamnation à mort. Il révèle aussi le fossé infranchissable entre les classes sociales, au travers des portraits que le réalisateur fait des maisons des juré.es et de celle de la famille de l’assassin (qui avait 19 ans au moment des faits en 1982).

Une remise en question de la peine de mort aujourd’hui

Ni militante ni pasionaria, simple et lumineuse, Lindy Lou a cheminé doucement vers l’abolitionnisme dans un milieu très conservateur qui lui est hostile et cache son absence d’empathie pour autrui et de réflexion sur le sens de la peine derrière la volonté divine et le refus de toute explication sociologique sur les trajectoires de vie de chacun.e.

De nombreux États recourent encore à la peine de mort à l’issue de procès plus ou moins expéditifs et partiaux, que ce soit en criminalisant ses pauvres ou pour se débarrasser de ses opposant.es, ou même en condamnant des innocent.e.s. Des milliers d’être humains croupissent pendant des années dans des couloirs de la mort où règnent souvent la violence et l’arbitraire. Ce film nous offre une réflexion sensible et nuancée sur cette question. De quel droit un État peut-il ôter la vie d’un être humain ? Et comment ne ferait-il pas violence aussi à celles et ceux derrière lesquel.le.s il se cache pour justifier pareille sentence ?

Le film de Florent Vassault nous parle des membres des jurys populaires, mais on pourrait aussi s’intéresser aux familles des condamné.e.s et à celles et ceux qui travaillent dans la justice ou les prisons (comme Bergers et bouchers, une fiction d’Oliver Schmitz basée sur un fait réel qui s’est produit dans une prison d’Afrique du sud).

En ces temps où la peste brune se répand dans un monde de barbarie politique, Lindy Lou est un film à voir et faire voir pour faire progresser et consolider l’abolition de la peine de mort dans le monde, mais aussi nos réflexions sur la justice et le sens de la peine, pour que générations après générations, partout, les lois s’améliorent. Lindy Lou souhaite aujourd’hui partager son expérience et la faire ricocher dans les esprits de chacun.e. Venue de son lointain Missouri pour accompagner la sortie du film en France, ne la manquez pas si elle passe près de chez vous !

 

Marie-Hélène Le Ny 50-50 magazine

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