Société Le Conseil constitutionnel abroge la loi sur le harcèlement sexuel

Ce matin, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré non conforme la loi sur le harcèlement sexuel et l’a immédiatement abrogée.

La question émanait de Gérard Ducray, ancien secrétaire d’Etat, ancien député du Rhône, élu municipal, condamné pour harcèlement sexuel à l’encontre de trois femmes en mars 2011. Le Conseil constitutionnel a abrogé l’article 222-33 du code pénal définissant le délit de harcèlement sexuel.

La question de constitutionnalité portait sur l’imprécision de cet article qui disposait : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Outre le fait que les peines encourues sont trois fois moindres que pour un vol et qu’aucune circonstance aggravante n’est prévue (notamment l’abus d’autorité), les imprécisions de la loi contraignent les juges à rechercher systématiquement des attouchements sexuels et la preuve de l’intentionnalité « d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » pour prononcer des condamnations.
Il est donc facile pour un accusé de harcèlement de se défendre d’avoir voulu en obtenir.

Néanmoins, malgré ses imperfections, cette loi constituait le seul outil au service des femmes pour porter plainte pour harcèlement sexuel.

On comprendra l’intérêt du condamné de l’abrogation d’un tel délit – la condamnation de Gérard Ducray est de fait annulée… Mais c’est la première fois qu’une association de victimes et un condamné demandent la même chose, en matière de harcèlement sexuel…

L’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) demande en effet, dès le vote de la loi en 1992, une modification du code pénal précisant l’article 222-33 :

« Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. Le harcèlement sexuel est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Tout en ajoutant des circonstances aggravantes :

« L’infraction définie à l’article 222-33 est punie de 5 ans d’emprisonnement et ou de 75 000 euros d’amende : lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport à la personne harcelée ; lorsque qu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ; lorsqu’elle est commise sous la menace d’une arme ou d’un animal ; lorsque l’auteur ou les auteurs profitent de l’état de vulnérabilité notamment économique ou de sa déficience physique ou psychique. »

L’association préconise également une modification dans le même sens concernant le code du travail.

Mais malgré ses critiques répétées, l’AVFT aurait souhaité une abrogation différée de la loi par le Conseil constitutionnel pour éviter le vide juridique avant le vote d’une nouvelle loi.

Plusieurs organismes (*) se sont joints à l’AVFT pour réagir par un communiqué, proposé à la signature et exigeant une nouvelle loi : « Jusqu’au vote, le cas échéant, d’une nouvelle loi, les victimes sont abandonnées par la justice. Le message d’impunité ainsi adressé aux harceleurs est révoltant. »

Catherine Capdeville – EGALITE

(*) Premiers signataires : Marche mondiale des femmes, Femmes solidaires, AVFT, Collectif national droits des femmes, Collectif féministe contre le viol, Elues contre les violences faites aux femmes, le Clasches, AG de féministes et de lesbiennes, Union syndicale Solidaires, Association droits des femmes XXe, L’Egalité c’est pas sorcier, la CLEF, la Gauche anticapitaliste…

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