Société Sa vie à contre-Coran

Djemila Benhabib est l’auteure de Ma vie à contre-Coran. Pour elle, il est impossible de transiger avec l’islam radical, fondamentalement opposé aux valeurs républicaines. Interview.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire Ma vie à contre-Coran, qui raconte votre vie de lutte contre l’intégrisme, de l’Algérie jusqu’au Québec ?
Honnêtement, c’est la conjoncture actuelle au Québec : les gens sont inquiets de l’intrusion du religieux dans la sphère publique. Moi, je suis de culture musulmane et je pense comme eux, je m’inscris dans ce combat contre l’intégrisme musulman.

Considérez-vous que le dialogue n’est pas possible avec les islamistes ?
Non, parce que ce sont deux systèmes de valeur fondamentalement antinomiques : soit on s’inscrit dans les valeurs républicaines d’égalité, de laïcité, soit on se réfère au système religieux. Jeter des ponts entre les deux est impossible. Cette nouvelle forme d’islam est inquiétante parce qu’elle est revendicative, clairement dans le prosélytisme, loin de l’islam que j’ai connu, fait de modestie et d’humilité. Mon grand-père était religieux, vice-président du tribunal d’Oran, et il n’a jamais revendiqué de salle de prière !

À Montpellier, la mairie a désigné l’association qui gère une des mosquées. Est-ce une bonne piste pour contrôler ?
Le problème, c’est que dans les mosquées, on ne fait plus de religion, mais de la politique. J’étais à La Courneuve, il y a quelques temps, dans une petite mosquée ; il y avait tellement de monde que les rues étaient bloquées ! Occuper l’espace public est d’une illégalité absolue. Je préfère que l’on construise des théâtres que des mosquées, qu’on construit de plus en plus en France : est-on en train de créer de nouveaux croyants ? Et tous les attentats perpétrés en France, ils se sont préparés où ? Dans les mosquées. Ce climat m’inquiète, je préfère que l’islam se vive à la maison.

Votre position sur le voile est aussi radicale ?
Je viens en France depuis quinze ans et, cette fois-ci, j’ai constaté une prolifération de voiles islamiques comme je n’en avais jamais vu. Tariq Ramadan (1) a fait des dégâts et on l’a laissé faire. Le voile, en Algérie, à l’école, jusqu’à mes 15 ans, personne ne le portait. Le problème c’est qu’il est contraire à la valeur fondamentale de l’égalité. À l’école c’est réglé, c’est interdit, et dans la rue, je ne veux pas m’immiscer dans la vie des gens, mais cela me semble dégradant : et pour la femme qui serait une tentatrice et pour l’homme qui ne pourrait pas maîtriser sa libido ! C’est infantilisant.

Que répondre à celles qui disent que c’est leur choix ?
Que c’est par les femmes, par le voile que le projet islamiste s’empare de la société. Derrière le voile, il y a l’oppression, la polygamie, la lapidation et tout le reste. En Iran, ce sont quatre-vingts coups de fouet si on ne le porte pas, mais regardez bien les images qui nous parviennent de là-bas : le voile est de plus en plus en arrière sur les têtes des femmes, elles résistent ! C’est pour les Iraniennes, les Saoudiennes ou les Afghanes qu’il faut se battre. Et ici, ça se banalise ! À Saint-Michel j’ai vu des burqas, c’est du délire !

Comment les autorités doivent-elles réagir ?
Notre classe politique n’a pas apporté de solution adéquate à ce que vivent les jeunes, l’ascenseur social est en panne. Du coup, ils préfèrent se réfugier dans ces discours politico-religieux réconfortant de victimisation. En arriver à avoir des gens qui disent « je suis musulman » et non pas « je suis français » c’est effrayant, on n’arrive plus à semer un rêve dans la tête des jeunes. La solution : il faut fermer la porte à l’islamisme politique, le disqualifier même s’il s’est déjà infiltré.

Propos recueillis par Y. PHILIPPONNAT

Djemila Benhabib a vécu en Algérie et en France, elle réside actuellement au Québec où elle est fonctionnaire du gouvernement fédéral canadien. Elle est particulièrement attentive aux stratégies menées par les islamistes : distribuer largement une manne financière aux associations, terroriser les musulmans non radicaux, accuser d’islamophobie quiconque s’oppose à leurs positions. Elle a publié Ma vie à contre-Coran. Une femme témoigne sur les islamistes, vlb éditeur, 2009.

(1) Tariq Ramadan est le petit-fils du fondateur des Frères musulmans. Islamiste, il tient en Europe un discours policé.

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