Société Avance et tu seras libre

Rencontre avec Jacques Gaillot, l’évêque exclu qui se bat contre les exclusions.

« La foi guide toujours l’évêque rebelle et il n’obéit toujours qu’aux ordres de l’Évangile. » écrivent Elizabeth Coquart et Philippe Huet en avant-propos de l’ouvrage Avance et tu seras libre de Mgr Gaillot. Il y revient sur quinze ans de lutte auprès des exclus de la société.

Dans un agenda surchargé, rempli de sa petite écriture serrée, il trouve toujours une demi-heure à accorder à ceux qui lui en font la demande ; difficile pour lui de dire « non ». À 75 ans révolus depuis le mois de septembre, Mgr Gaillot à beau être en retraite, il ne s’arrête jamais. Entre une action avec le collectif Droit au Logement, un déplacement d’une journée à Anvers et le soutien aux sans-papiers, il s’installe à Paris à la Congrégation du Saint-Esprit où il aime la vie en communauté.

Cet homme de toutes les causes présente presque ses excuses de n’être pas plus présent aux côtés des femmes dans leur lutte pour l’égalité. « Je crois qu’il y a des manières de parler des femmes, d’en rire ou de faire de l’humour qui montrent qu’il n’y a pas d’égalité entre les hommes et les femmes. Mais je pense surtout que la cause des femmes doit être défendue par les femmes elles-mêmes ; moi, j’en parle et je les soutiens. » En présidant par exemple Plein Jour, l’association des femmes de prêtres qu’il souhaite soutenir dans leur « souffrance ». Ou en faisant la promotion du Comité de la Jupe, dont il écrit dans son livre que c’est une « association dynamique, animée par des chrétiennes (…) qui se bat avec intelligence pour donner toute sa place à la femme au sein de l’Église. » L’égalité dans l’Église : un autre combat de l’évêque qui rappelle que traditionnellement « le modèle de la femme, c’est le service, c’est d’être soumise, c’est d’être au foyer. Elles n’ont pas accès aux sphères de décision alors que si elles se mettaient en grève, l’Église serait à genoux. Elles sont indispensables, mais malgré tout ce n’est pas elles qui décident. » « Je ne vois pas pourquoi les femmes ne pourraient pas être ordonnées prêtres, je ne comprends pas pourquoi les hommes d’Église ne pourraient pas avoir le choix entre mariage et célibat. » Mais, là encore Mgr Gaillot reste confiant : « Je crois que ce qui fait changer profondément l’Église, c’est l’évolution du monde et de la société. Or, il y a un puissant mouvement de libération des femmes partout dans le monde et l’Église reçoit le choc de cette évolution. C’est long, mais ça viendra, je ne suis pas inquiet. »

Le livre qu’il vient de publier aux éditions Payot est pour lui un « message de libération ». Un message en faveur de tous ceux aux côtés de qui il milite depuis que l’Église de Rome l’a chassé du diocèse d’Évreux en 1995 ; une exclusion qu’il vit aujourd’hui comme une chance donnée par sa hiérarchie pour lui permettre de vivre son ministère là où il est vraiment utile, auprès des plus petits.

A notre question, sur la position du pape sur le préservatif , posée par téléphone quelques jours après cet entretien, Mgr Gaillot répond: « Le Pape infléchit son discours sur le préservatif.  La position officielle de l’Eglise n’était plus tenable. Je prends acte de ce changement timide. L’opinion publique retiendra que le Pape (et donc l’Eglise catholique) est maintenant pour le préservatif sans se soucier des nuances de son propos. Cette ouverture donne à penser que dans un avenir plus ou moins lointain des modifications du discours de l’Eglise seraient possibles qu’il s’agisse de la contraception, de l’homosexualité, des divorcés remariés… »

Geneviève ROY   ÉGALITÉ

Jacques Gaillot, Avance et tu seras libre, entretiens avec Elizabeth Coquart et Philippe Huet, Payot, 16€.

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