Économie L’égalité salariale entre hommes et femmes, un défi pour l’Europe depuis 1957

« Notre travail a-t-il la même valeur ? » C’est une des questions que posent les affiches de la campagne de la Commission européenne en matière d’égalité des salaires des hommes et des femmes. Depuis 1957, les législateurs européens se sont penchés sur le problème. Un casse-tête que l’Europe aimerait résoudre.

1957, signature du traité de Rome, le traité fondateur de la Communauté économique européenne (CEE). Ce que l’histoire officielle retient de ce traité, c’est qu’il a posé les bases de la construction économique et politique de l’Union européenne.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’il contient une disposition affirmant l’égalité entre femmes et hommes dans le domaine salarial. Selon l’article 119, en effet, « chaque État membre assurera pendant la première phase, puis par la suite maintiendra, le principe selon lequel les hommes et les femmes doivent, à travail égal, recevoir un paiement égal » (*).

Nous sommes en 1957, les femmes sont encore peu présentes sur le marché du travail, et l’énoncé de ce principe est une petite révolution : pour la première fois, le lien est fait entre l’égalité démocratique femmes-hommes et l’égalité économique. Pour la première fois également, un traité lie les Etats membres sur leurs obligations en matière d’égalité salariale.

Ce que l’on sait encore moins, c’est que cet article existe grâce à la France. La France, féministe ? Hélas non, puisqu’il s’agissait à cette époque de combattre les risques d’un dumping social. Ainsi, en contrepartie de l’abaissement des barrières douanières, la France a exigé l’adoption de cet article pour lutter contre la concurrence. Mais 53 ans plus tard, l’égalité salariale n’est toujours acquise…

Le principe « à travail égal, salaire égal » : une vieille invention européenne

L’égalité de rémunération est la première compétence dévolue aux institutions européennes par les Etats membres en ce qui concerne les droits des femmes. Et ces dernières vont utiliser ce fameux article 119 au maximum.

Au total, sept directives – lois européennes qui imposent aux Etats des résultats en leur laissant le choix des moyens – ont vu le jour entre 1975 et 2002. Elles font toutes désormais partie d’une directive unique datant de 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

Les institutions européennes sont parties d’un principe, « à travail égal, salaire égal », et l’ont étendu à la problématique plus générale de la présence des femmes sur le marché du travail. La directive de 2006 essaie donc de supprimer toutes les possibilités de discrimination entre femmes et hommes sur le marché du travail, qu’il s’agisse de la rémunération nette comme de l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. Dormez tranquilles chères citoyennes, l’Europe s’occupe de vous.

Un écart de rémunération qui semble incompressible

Sauf que… Sauf que, en 2008, l’écart de rémunération brute sur une base horaire entre hommes et femmes en Europe s’élevait encore à 18%. Et il stagne à ce niveau depuis presque 10 ans. La France est clairement au-dessus de la moyenne avec ses 19,2%. Et si nous prenons en compte la base annuelle, c’est-à-dire le temps partiel qui concerne une travailleuse européenne sur trois, nous aboutissons à 24%.
Les directives n’ont pas marché, alors l’Union européenne s’oriente vers une nouvelle approche.

Après la présidence espagnole focalisée sur la lutte contre la violence envers les femmes, la présidence belge, sous la houlette de Joëlle Milquet, vice-Première ministre et ministre de l’Emploi belge, s’est focalisée sur l’écart salarial. Au cours d’une conférence européenne organisée par la présidence belge en novembre 2010, de nouvelles pistes ont été lancées.

Il s’agit désormais, tout en appliquant effectivement la directive existante, de la doubler par des plans nationaux spécifiques à chaque Etat membre, visant à cibler les différentes causes de l’écart salarial. La présidence belge préconisait également de généraliser les systèmes de classification neutre des fonctions et de les rendre plus transparentes, et de lutter contre la ségrégation verticale en imposant des quotas de femmes dans les entreprises publiques et privées. Elle voulait également favoriser les mesures visant à concilier vie professionnelle et vie privée par le développement de congés parentaux et des services d’accueil d’enfants et de personnes dépendantes.

Ce qui frappe quand on étudie la question de l’écart de rémunération, c’est le poids des stéréotypes : la présidence belge et la Commission ont donc mis au point des programmes de sensibilisation à travers toute l’Europe pour lutter, dès l’enfance, contre la ségrégation professionnelle entre les sexes. L’avenir nous dira si ces nouvelles approches ont été efficaces.

Marie Ramot, collaboratrice UE – EGALITE

Allez faire un tour sur la calculatrice d’écart de rémunération, c’est édifiant !

(*) L’article 141 du traité de Maastricht rajoutera en 1992 la notion de travail de même valeur. Enfin, l’article 157 du traité de Lisbonne rajoute la définition d’une rémunération et les implications d’une telle égalité.

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