Économie Femmes au bord de la crise économique

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La crise touche-t-elle de la même façon l’emploi des femmes et des hommes ? « Les hommes sont plus affectés par les crises, car ils sont beaucoup plus nombreux à travailler dans l’industrie et le bâtiment, qui sont les premiers secteurs à encaisser le choc », explique Hélène Périvier, économiste à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques, centre de recherche en économie de Sciences Po). Ainsi, le chômage masculin s’est accru dès la mi-2008, alors que celui des femmes restait contenu. Par conséquent, la crise a accéléré un mouvement déjà observé depuis 2006 : le rapprochement des taux de chômage des hommes et des femmes, qui était défavorable à ces dernières. Les taux se sont mêmes rejoints en fin d’année 2009, à 9,6 % pour ces messieurs comme pour ces dames. Triste égalité des sexes !

Cependant, on ne peut pas dire que les femmes aient été totalement épargnées par la crise. Tout d’abord, quand un des conjoints – en l’occurrence masculin – perd son emploi, cela a des répercutions sur le ménage. « Du fait d’une perte de revenu à cause du chômage de l’homme, les couples réduisent leurs dépenses, notamment en services, ce qui impacte les femmes », affirme Hélène Périvier. Moins d’argent pour une femme de ménage ou une baby-sitter et c’est la femme qui engrange du travail supplémentaire. Car les femmes continuent à effectuer 17 heures de tâches ménagères et familiales de plus que les hommes ! Preuve que ces activités leur sont encore largement attribuées, malgré le fait qu’elles soient de plus en plus nombreuses à travailler.

Précarité et plans d’austérité

Ensuite, la crise a renforcé une des caractéristiques du marché du travail féminin : la précarité. Le nombre de femmes travaillant mais souhaitant travailler davantage a augmenté dès le début de la crise. Celui des hommes aussi, mais moins fortement. Résultat : comme les femmes étaient déjà beaucoup plus nombreuses que les hommes à être à temps partiel subi, l’écart s’est accentué en leur défaveur. De plus, on ne peut pas dire que les femmes soient complètement épargnées par le chômage. A partir de début 2009, le chômage féminin s’est mis à augmenter jusqu’en début 2010. Du coup, l’égalité hommes-femmes en matière de chômage en France n’aura pas duré longtemps. Le taux de chômage des femmes est à nouveau passé devant (9,7 % pour les femmes contre 8,9 % pour les hommes au 3e trimestre 2010 d’après l’Insee).

Enfin, la crise n’a pas dit son dernier mot. Si la première phase a été marquée par un chômage brutal et massif dans l’industrie et le bâtiment – essentiellement masculins –, la seconde phase est caractérisée par les plans d’austérité. Or, les coupes massives dans les dépenses publiques auront des répercussions sur les emplois des secteurs public et social, dans lesquelles les femmes sont très présentes. Elles paieront forcément le prix des réductions d’effectifs et des baisses de subventions. « La rigueur budgétaire qui va affecter les femmes est une décision politique. De même que celle de soutenir le secteur automobile en période de crise. La société n’accepte pas le chômage masculin mais tolère la mauvaise qualité de l’emploi des femmes. Cela montre que dans les mentalités, l’emploi de l’homme reste plus important que celui de la femme », conclut Hélène Périvier.

Claire Alet – ÉGALITÉ

Pour en savoir plus :

Chômage et emploi des femmes dans la crise en France, par Françoise Milewski, Lettre de l’OFCE (mai 2010) : http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/lettres/318.pdf

Les hommes et les femmes face à la crise, par Marin Cochard, Françoise Milewski et Hélène Périvier dans le hors-série d’Alternatives Economiques « L’état de l’économie 2011 », en kiosque le 14 février.

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