Chroniques Sus aux 343 bourgeoises !

Alain Piot

Vous avez lu le manifeste des 343 (qui, en 2011, ne sont plus des salopes comme en 1971, mais des femmes).
Vous avez certainement étudié la liste des signataires où vous avez reconnu des noms célèbres, ou ceux de vos connaissances ou encore de vos amies…

J’ai voulu pour ma part examiner de près les commentaires que laissent sur internet les lecteurs de tel ou tel journal. J’ai dû laisser de côté les réactions des lecteurs de Libération (pourtant éditeur du manifeste) car ils s’invectivaient mutuellement sans parler le moins du monde du sujet ! Je me suis arrêté sur les commentaires des internautes du Figaro. Ma lecture terminée, une phrase du manifeste me revient en mémoire : « Nous avons parfois la sensation cruelle de nous réveiller avec la gueule de bois !»

Les lecteurs et lectrices du Figaro (la dominante est masculine) qui sont, comme chacun sait, de dignes représentants de la classe ouvrière et du progressisme social, attaquent bille en tête « ces bourgeoises en manque de célébrité », ces « guignolettes en furie », « ces bourgeoises nostalgiques », ces femmes qui « en dépit de leur réussite sociale, ne sont pas arrivées à un équilibre personnel et un bonheur familial rempli d’amour ».

Bien entendu, pour nos progressistes, ces bourgeoises mènent « un combat dépassé », elles « sont en retard d’une guerre », ce sont de « vieilles dames coincées dans leur passé » ; elles devraient savoir que « les violences sexistes sont de plus en plus souvent le fait des femmes »
Enfin, ce sont « des bien-pensantes complètement déconnectées des réalités de la vie quotidienne » ; qu’elles aillent donc dans les « banlieues », dans « les quartiers dits difficiles pour y travailler au lieu de finasser au bord de leurs piscines de stars has been ». Ou bien « qu’elles voyagent dans les pays où le droit de la femme n’est qu’une théorie abstraite ».
Et la leçon de morale nous vient en renfort : « L’accès à l’avortement n’est pas une libération en soi. » Un « frein à l’égalité hommes femmes est de manière insidieuse le nombre toujours croissant de familles monoparentales ». « Avant d’apprendre aux jeunes à baiser gratuitement [?], il faut leur apprendre à vivre la vie. » Et puis bien sûr nous avons oublié « la place de la religion » !

Devons-nous nous étonner de ce que, insidieusement, ce salmigondis d’arguments percutants glisse vers des thèmes chers aux internautes éclairés du Figaro : on ne sait pas très bien pourquoi, mais il est évident que l’islam est en embuscade quelque part. Sur les trente commentaires que j’ai lus, plus d’un quart voit « l’islamisme » grignoter nos positions. C’est là qu’il faut porter le fer de la lutte pour l’égalité.

Avez-vous lu le dossier – fort intéressant – publié par l’hebdomadaire Le Point le 31 mars dernier sur la droite Zemmour ? Nous sommes en plein dedans !
Et comme s’interroge un internaute (mâle) du Figaro : « La femme est-elle l’égale de l’homme ? » Vaste question n’est-ce pas ?

Alain Piot, sociologue

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