Mixité professionnelle : une utopie ? Au Cnes, Valentine a la tête dans l’espace et les pieds sur terre

Valentine Bonifacie

Un grand sourire, une énergie palpable, Valentine Bonifacie, 56 ans, deux mariages, six enfants est technicienne au Centre national d’études spatiales de Kourou en Guyane.

Lorsqu’elle était enfant, en Guyane, « la vie était dure, très dure ». Pour aider sa mère, Valentine se levait dès 5h du matin pour faire des gâteaux qu’elle allait ensuite déposer chez un commerçant.

Sa grand-mère était sage-femme, c’est sans doute pour cela qu’elle n’a eu que quatre enfants, sa mère, secrétaire de mairie, en a eu neuf.

Valentine était l’aînée des filles, un rôle difficile qu’elle a sans doute fui en se mariant extrêmement jeune, à 15 ans. N’ayant pas encore l’âge légal, elle a dû demander une émancipation pour faire un « mariage d’amour » avec une parisien d’origine italienne qui faisait alors son service militaire en Guyane.

Le premier enfant est arrivé l’année de ses 17 ans, elle a eu le quatrième à 22 ans. A l’âge où l’on finit ses études supérieures, elle a quatre enfants et commence des cours de comptabilité à l’école Pigier. Mais elle ne souhaite pas devenir secrétaire et suit des cours d’électronique et d’informatique le soir au Cnam. Elles sont alors deux filles pour trente garçons.

Cette battante poursuit ses études en prenant des cours de mécanographie au Cesi (école supérieure d’informatique) dont elle sort première. Forte de cette belle place, Valentine obtient un poste tout de suite, mais son souhait est de retourner en Guyane pour aider sa mère à payer les études de ses sœurs. Le Centre national spatial de Kourou est un gros pourvoyeur d’emplois en Guyane, Valentine est retenue sur un poste de secrétaire mécanographe, mais encore une fois elle a d’autres ambitions.

Femme et noire elle doit toujours prouver ses compétences

Au bout d’un an, elle se porte candidate au poste qu’elle occupe encore actuellement. A l’époque, on lui rétorque qu’« on n’embauche pas de femmes car elles font des enfants ». Têtue, Valentine s’accroche et obtient ce poste qu’aucune femme n’a jamais occupée avant elle. Elle restera la seule femme pendant très longtemps, aujourd’hui elles sont deux dans un service de quinze personnes.

Son travail est très technique, il consiste à suivre le lanceur de la fusée en temps réel, un poste-clé au centre de Kourou dont elle est très fière. Mais elle dit qu’en tant que femme et noire, elle a toujours dû travailler trois fois plus, prouver trois fois plus ses compétences.
A chaque changement de manager, il lui faut refaire des preuves.

Son premier mari, ne l’a jamais beaucoup soutenue, leur mariage n’a pas tenu longtemps, Son mari actuel, avec qui elle a eu deux autres enfants, partage les tâches domestiques. Valentine a aussi la fierté d’avoir élevé six enfants qui tous ont réussi leurs études supérieures et occupent aujourd’hui des postes intéressants.

Lorsqu’on lui demande si son salaire est égal à celui de ses collègues, Valentine sourit et explique que si elle n’a jamais caché le montant de celui-ci, ce n’est pas le cas de ses collègues masculins. Elle en déduit malicieusement qu’ils sont plus élevés que le sien.

Un travail qui lui prend jusqu’à treize heures pas jour, un mari, six enfants, ce n’est pas suffisant pour Valentine, elle est aussi engagée dans le réseau de femmes Soroptimist.
Comment fait-elle ? « Question d’organisation ! », répond-elle simplement.

Caroline Flepp – EGALITE

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