Mixité professionnelle : une utopie ? « Des hommes dans une crèche apportent un équilibre aux enfants »

Xavier Irigoin

Xavier Irigoin, 32 ans, est un des très rares hommes à travailler dans une crèche. Située dans le 11e arrondissement à Paris, cette crèche parentale accueille 22 enfants et salarie 8 personnes : 4 femmes et 2 hommes pour l’équipe éducative ainsi qu’une femme de ménage et une cuisinière.

Quelle formation avez-vous pour travailler dans une crèche ?

Je suis psychomotricien. En première année d’études, nous étions 10% d’hommes, ce n’est pas beaucoup, mais tout s’est vraiment bien passé. II n’y a jamais eu aucun problème.

Après mes études, j’ai travaillé dans un centre pour enfants polyhandicapés où le personnel était plutôt féminin. J’ai commencé dans le même temps une formation de théâtre car je m’intéresse aussi à l’art thérapie.

Après le centre, je suis arrivé à la crèche parentale où je travaille depuis 2006 à temps partiel comme psychomotricien. J’ai toujours eu l’idée de travailler dans la petite enfance par envie de transmettre.

En quoi consiste votre travail ici ?

Je fais un travail d’éveil, de stimulation, j’organise des parcours moteur. Je dépiste des troubles éventuels. Je participe aux différents temps de la crèche.

Je suis très heureux qu’il y ait un personnel mixte dans la crèche car il me paraît important que les enfants aient des repères féminins et masculins dès le plus jeune âge, qu’il y ait un équilibre dans leurs repères.

Je suis intéressé par le côté éducatif, pédagogique que nous menons à la crèche. Je m’y plais beaucoup. J’ai vraiment choisi ce travail en crèche auprès des enfants, j’aime le contact avec les petits enfants.

Comment avez-vous été accueilli par les parents de la crèche ?

Je n’ai pas senti de réticence de la part des parents, ils sont plutôt dans la confiance.

Certes, il y a tout d’abord un temps d’étonnement, mais ils sont vraiment contents qu’il y aient deux hommes dans cette crèche, mon collègue Medhi et moi. Cela apporte un équilibre aux enfants.

Comment sont vos relations avec les pères des enfants ?

Il y a beaucoup de pères qui participent à la vie de la crèche puisque les parents doivent être présents une demie journée par semaine et participer à des réunions.

De fait, je suis souvent avec des pères, certains jours les hommes sont mêmes majoritaires dans la crèche. Il nous arrive d’être quatre hommes et deux femmes. Les schémas classiques sont alors carrément inversés.

Certains pères ne participent jamais aux journées et ne viennent pas chercher leur enfant, mais c’est très rare.

Y a-t-il dans votre structure une volonté de lutter contres les stéréotypes sexistes vis-à-vis des enfants?

Nous avons des discussions sur ce sujet dans l’équipe et les choses sont assez claires pour nous. On évite les images préconçues habituellement portées sur les petites filles et les petits garçons.

Je suis toujours un peu étonné des réflexions de certains adultes qui s’offusquent par exemple qu’un petit garçon veuille se maquiller, mettre des chaussures à talons ou se déguiser en princesse.

Des filles jouent aux camions et des garçons jouent à la poupée, je me dis qu’ils seront papas un jour ces garçons.

Je me souviens d’une fois où un seul garçon de 3 ans jouait avec tous les autres enfants plus petits que lui. Des parents ont dit qu’ils trouvaient dommage qu’il joue avec des enfants plus jeunes. Pourquoi ? L’enfant était très content. On projette ce qu’on croit être la normalité.
On a beaucoup de leçons à tirer des enfants. Par exemple la bienveillance qui existe entre eux, quand un enfant est malheureux, qu’il soit fille ou garçon, il y a toujours un de ses petits camarades qui vient lui apporter son doudou.

Les enfants font bien la différence entre filles et garçons, mais ça ne les empêche pas de jouer ensemble, dans la mixité, d’instaurer entre eux de la relation, mais aussi de préférer parfois jouer en petit groupe de copines ou de copains, pour après se mélanger à nouveau sans problème, en ayant conscience des différences d’âges et de sexes.

Propos recueillis par Caroline Flepp – EGALITE

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