Politique Omerta brisée sur l’affaire Mahéas : un effet de l’après-DSK ?

Jacques Mahéas, sénateur de Seine-Saint-Denis et maire PS de Neuilly-sur-Marne, a été condamné le 1er juillet 2009 pour des agressions sexuelles commises entre 2002 et 2003 envers la gardienne de la mairie. Son recours en cassation a été rejeté le 3 mars 2010. Reconnu définitivement coupable par la justice, il est pourtant toujours sénateur-maire PS. Et a voté la loi de juillet 2010 contre les violences faites aux femmes…

A l’occasion d’une campagne lancée en 1999, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) avait déjà demandé à la majorité des partis politiques français de se prononcer sur leur position officielle en matière de prévention des violences sexuelles et de sanction de membres ou élus de leur parti qui les commettent. Initiative réitérée en janvier 2009 à laquelle seul le Parti communiste a répondu.

Depuis la confirmation de la condamnation de Jacques Mahéas, l’association, saisie par la gardienne de la mairie de Neuilly-sur-Marne dès 2003 et partie civile avec l’association Femmes solidaires auprès de la plaignante, interpelle le PS à plusieurs reprises (courriers, réponses aux bons vœux du PS à l’association…). Notamment par un courrier à Martine Aubry, première secrétaire, daté du 8 mars 2010.

Le silence plane jusqu’au 20 avril dernier, date à laquelle Benoît Hamon, porte-parole du PS et Gaëlle Lenfant, secrétaire nationale aux droits des femmes, écrivent à Martine Aubry pour demander l’exclusion du parti de Jacques Mahéas. Une décision prise à la suite de l’interpellation publique par l’AVFT lors de la réunion du 6 avril au cours de laquelle Benoît Hamon présentait les engagements du PS en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
D’après un article de Médiapart daté du 2 juin, Martine Aubry aurait saisi le 27 mai la commission des conflits du PS en vue d’exclure Jacques Mahéas.

L’affaire DSK devient l’occasion pour tous les partis de prendre position en matière de condamnation pour violences sexistes et de faire le ménage dans leurs rangs.
L’UMP a réagi rapidement après les plaintes pour harcèlement sexuel de deux employées municipales contre Georges Tron, maire de Draveil (Essonne) et ministre de la Fonction publique démissionnaire, dès l’enquête préliminaire.
Roger Marty, maire UMP de Sainte-Colombe (Seine-et-Marne), condamné par la cour d’appel de Paris en 2007 pour harcèlement sexuel et agression sexuelle à l’encontre d’une employée municipale n’a jamais exclu de l’UMP.

Toujours en poste et toujours éligibles

Pour Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’AVFT, l’affaire Mahéas constitue un arrêt intéressant pouvant faire jurisprudence sur l’usage de la contrainte morale en matière d’agressions sexuelles. Demeure la question de l’absence de sanctions administratives. La justice maintient dans leur fonction des élus délinquants sexuels et préserve leurs droits civiques.
« Les peines complémentaires sont diversement prononcées, il n’y a pas de caractère automatique à l’application de sanctions administratives suite à une condamnation pour agressions sexuelles. C’est une des revendications de l’AVFT. De plus, les parties civiles ne sont pas autorisées à demander d’exclusion administrative »
, explique Marilyn Baldeck.

Mêmes combats en direction des pouvoirs publics. L’AVFT mène en effet campagne depuis quelques années pour que des sanctions soient prononcées par les partis politiques, la justice, mais aussi les préfets.

Dans un communiqué du 3 juin, les associations AVFT, Femmes solidaires et l’Egalité c’est pas sorcier reviennent sur l’affaire Mahéas : « Le préfet qui a le pouvoir de saisir le Conseil des ministres pour demander la révocation d’un maire en cas de trouble à l’ordre public, n’en a rien fait. Il signifie ainsi qu’en 2011, en France, l’ordre public s’accommode fort bien de la condamnation d’un maire pour agressions sexuelles et du maintien à un délinquant sexuel des pouvoirs de premier magistrat de la commune, de chef de la police municipale et de président du comité local de lutte contre la délinquance. »

Si l’affaire DSK a fait l’effet d’un électrochoc au sein du Parti socialiste et certainement dans les autres partis, il en sera peut-être de même pour la justice et les pouvoirs publics. Une affaire à suivre…

S’il est mis en examen suite aux accusations portées contre lui, Georges Tron serait le premier élu médiatique à être jugé après le scandale DSK…

Catherine Capdeville – EGALITE

print