Économie La Scop, un statut juridique qui convient aux femmes

Le comité d'administration de Coopaname © Jérémie Wach-Chastel

La création des sociétés coopératives de production date du 19e siècle. Récemment rebaptisées sociétés coopératives participatives, les Scop sont aujourd’hui au nombre de 2 000 et regroupent environ 40 000 salariés

De type SARL ou SA, les Scop sont des sociétés dans lesquelles les salarié-e-s sont les associé-e-s de l’entreprise. Ces dernier-ère-s détiennent au moins 51% du capital et 65% des droits de vote. Ils-elles participent donc aux choix stratégiques de l’entreprise. Régies par le principe d’une personne/une voix, les Scop se caractérisent par un partage équitable du pouvoir et des résultats entre les associé-e-s-salarié-e-s.

Ces entrepreneur-e-s d’un autre genre portent un vrai projet politique. Ils-elles ont un rapport au travail plus éthique que dans les entreprises classiques. Au sein des Scop, il existe des coopératives multi-activités : les CAE (coopérative d’activités et d’emploi).

La plus importante et la plus aboutie se trouve en Ile-de-France. Créée en 2004, Coopaname rassemble au sein de ses cinq établissements (1) plus de 500 personnes, des femmes et des hommes qui créent et développent leur propre activité. Ils-elles sont entrepreneur-e-s/salarié-e-s. 80 d’entre eux sont aussi associé-e-s. Une équipe de 20 permanent-e-s installé-e-s dans le 20e arrondissement parisien gère les services mutualisés de la coopérative (comptabilité, gestion administrative…).

Dans les locaux de Coopaname, on croise Elisabeth Bost. C’est elle qui a créé les coopératives d’activité et d’emploi en 1995. Elle vient tout juste d’écrire un livre sur l’histoire des CAE (2).

Les femmes moins soutenues par les banques et les pouvoirs publics

Les femmes sont nettement majoritaires à Coopaname, elles représentent plus de 60 % des membres de la coopérative. Si les femmes créent moins d’entreprises – en France, seulement 30 % des créations-reprises d’entreprises émanent de femmes – les modalités de création, le fonctionnement et les valeurs de la CAE expliquent sans doute le fait qu’elles sont nombreuses à se tourner vers ce type de structure juridique.

Des accompagnements individuels et collectifs, des formations, des ateliers (de communication ou de comptabilité, par exemple) permettent aux salarié-e-s de consolider leur activité mais aussi d’échapper à la solitude du chef d’entreprise. Des mesures qui rassurent sans doute les femmes, parfois moins sûres d’elles, mais surtout moins soutenues par les banques et les pouvoirs publics que les hommes. Des événements plus conviviaux leur permettent également de se rencontrer et d’échanger sur le développement de leur activité, sur leurs difficultés…

« Les entrepreneur-e-s apprennent au sein d’une structure qui les accompagne, leur offre du collectif et de la sécurité, contrairement à l’auto-entrepreneuriat », explique Anne Chonik, entrepreneure-salariée, associée et présidente du CA de Coopaname.

L’activité qui marche le mieux à Coopaname est portée par deux femmes qui travaillent à la création d’objets qu’elles vendent sur internet. Anne Chonik souligne que si Coopaname recrutait sur la viabilité financière d’un projet, en fonction d’un business plan, elles n’auraient jamais eu leur chance.

La CAE répond aussi à ce que certaines femmes peuvent rechercher : le travail à mi-temps, des horaires adaptables ou de la multi-activité. Anne Chonik cite le cas d’une coopanamienne qui est à la fois photographe et traiteure.

La parité inscrite dans les statuts

« Il est vrai aussi qu’il y a aussi moins de volonté de pouvoir chez les femmes, moins d’égo. Elles n’ont pas besoin de se définir comme chef d’entreprise. Ce qu’elles veulent c’est créer leur activité, créer leur emploi. Le titre d’entrepreneure leur suffit », explique Anne Chonik. Autant de raisons qui poussent les femmes à se diriger vers le mode Scop.

Les métiers exercés au sein de la coopérative sont d’une grande diversité. Les femmes sont graphistes, sophrologues, rédactrices, artisanes d’art, stylistes, psychologues, correctrices… ; les hommes sont consultants, tapissiers, web-designers, commerciaux, hommes de ménage, dépanneurs informatique, élagueurs…

La parité est inscrite dans les statuts de Coopaname. Aujourd’hui le CA est composé de 5 hommes et 6 femmes. Les membres de la coopérative ont pour principe de féminiser les noms. A Coopaname, on dit entrepreneure. Un exemple à suivre pour les entreprises ou les administrations où de nombreuses femmes se battent, encore aujourd’hui, pour être appelées Madame le directeur général ! « Le premier qui aurait un comportement sexiste se ferait jeter, y compris par le directeur général », rassure Anne Chonik.

Ce secteur de l’économie sociale reste marginal, mais en période de crise financière, il est en pleine croissance et a certainement un avenir radieux devant lui car il met l’homme – et la femme – au centre de l’économie.

Caroline Flepp – EGALITE

(1) Coopaname Paris-Est (Paris 20e), Coopaname Paris-Sud (Paris 13e), Coopaname Nanterre/Hauts-de-Seine (Nanterre), Coopaname Plaine Commune/Seine Saint-Denis (Aubervilliers), Coopaname Val-de-Marne (Chevilly-Larue et Bry-sur-Marne),

(2) Aux entreprenants associés – La coopérative d’activité et d’emploi, Elisabeth Bost, Editions REPAS/2011, 190 p.,16 euros.

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