Chroniques Le blog de Patric Jean : Quand on n’a (plus) rien à dire (à propos de Badinter)

Après ses saillies contre les féministes et sa défense de la gestation pour autrui, voilà qu’Elisabeth Badinter a trouvé une nouvelle voie pour faire parler d’elle dans les médias.

Dans une interview publiée par LeMonde des religions où elle disserte sur la fin des idéologies (sic), confondant éthique et morale, feignant d’ignorer la surreprésentation des fils d’immigrés musulmans dans des catégories sociales les plus défavorisées, taclant Martine Aubry, qui défendrait une philosophie qui nous « réduit au biologique » (on rêve !), elle en arrive à affirmer que parmi les candidat-e-s à l’élection présidentielle seule Marine Le Pen défend la laïcité.

On peut difficilement penser que Badinter se prenne tout à coup de sympathie pour les idées et une personnalité d’extrême droite. Pourquoi dans ce cas apporter une caution à une candidate qui ne manquera pas de s’en féliciter publiquement ?

On entend déjà Marine Le Pen asséner des horreurs, prenant Badinter à témoin.

Après avoir offert sa caution aux anti-féministes les plus violents (comme les masculinistes canadiens), voilà donc que Badinter l’offre à l’extrême droite française. Passé la surprise et outre la bêtise d’une pareille démarche, il est légitime de se demander pourquoi…

L’aveuglement de Badinter devant certaines réalités sociales n’est pas neuf et il semble légitime chez un membre de la très haute bourgeoisie manquant de curiosité. Comme l’écrit Jean Baubérot dans son blog, « quand on se situe tellement au cœur du système dominant, on a tellement intériorisé son fonctionnement et ses aliénations qu’on est même plus capable de percevoir intellectuellement la nécessité pour les dominés d’aller chercher ailleurs ».

Ne pas comprendre que la question des communautés se lit aussi à la lumière du colonialisme, du post-colonialisme, de la violence raciste qui en découle encore, de la violence sociale qui en est la conséquence, de la persistance de quartiers de relégation, d’un discours médiatique qui fait rimer violence avec étranger, tout cela peut déjà étonner de la part d’une historienne.

Mais l’entendre distribuer un bon point au Front national ne peut que laisser très perplexe.

A moins que, faute d’idées, faute de pensée, faute de tout, mais voulant toujours apparaître, faire parler de soi, faire le buzz, certaines personnes soient simplement prêtes à tout.

Et même au pire.

D’autre part, on peut se questionner également sur les raisons qui poussent la rédaction du Monde des religions à publier une pensée tellement bas de gamme, quand tant de chercheurs auraient des choses à partager.

Il suffit de voir la page internet en question pour s’en rendre compte : financée par la publicité, elle aussi recherche une notoriété qui pousse à la faute. Un people qui lâche une horreur provoquant le buzz plutôt qu’un intellectuel méconnu et qui donne mal à la tête.

Le culte du chiffre ne concerne pas que la police et les services du ministère de l’Intérieur. Les journalistes sont contaminés depuis plus longtemps encore. Le plus drôle est que parfois la pub qui défile sur l’entretien de Badinter vante les mérites des Assises de la chrétienté.

Car sur le monde catholique, pas un mot. La croix qui domine le Panthéon ou la Sorbonne ne gênent en rien la laïcité telle que comprise par Badinter et Le Pen.

En attendant, les radios, la presse écrite, les blogs, tous parlent de Badinter.

Peut-être était-ce le seul but recherché.

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