Non classé Primaire citoyenne / Huit questions à Martine Aubry sur l’égalité

Martine Aubry

EGALITE a adressé un questionnaire aux six candidat-e-s à la primaire citoyenne, qui aura lieu les 9 et 16 octobre prochains.
Les huit mêmes questions portent sur les intentions des candidat-e-s en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous les publions par ordre d’arrivée à notre rédaction, et jusqu’au 8 octobre, veille du premier tour de l’élection.

Les réponses de Martine Aubry, maire de Lille.

Après l’adoption des lois Roudy et Génisson, notamment, que comptez-vous faire pour une réelle application des lois sur l’égalité professionnelle ? Envisagez-vous des sanctions ?

La première loi que je soumettrai au Parlement, une fois élue présidente de la République, sera une loi sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Inscrite depuis près de 30 ans dans la loi, je veux que l’égalité professionnelle devienne, enfin, une réalité.

Cette loi et les plans d’action qui l’accompagneront, s’attaqueront fermement à l’ensemble des causes qui engendrent les inégalités professionnelles : inégalités de salaires, plafond de verre, temps partiels, contrats précaires, places en crèche, partage de la parentalité, orientation et formation …

Si les entreprises veulent conserver ou obtenir des allègements ou exonérations de cotisations sociales ou des allègement ou crédit d’impôt, elles devront avoir conclu des accords visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Les négociations devront être adossées au rapport de situation comparée fourni par l’entreprise, et remis à l’inspection du travail. Ces rapports comprendront de nouveaux critères précis et harmonisés.

La remise en cause du code du travail et les allègements des cotisations sociales sur les bas salaires ont contribué à développer les emplois précaires, qui concernent souvent les femmes, et n’ont pas permis de lutter contre le chômage. Je m’attaquerai en particulier aux temps partiels, occupés à plus de 80% par des femmes : ils constituent l’une des raisons principales des inégalités de revenus. Les entreprises d’au moins 20 salariés qui dépassent un seuil excessif de travailleurs à temps partiels ou employés en CDD (seuil déterminé par accord interprofessionnel et à défaut fixé par décret) seront pénalisées. Une action sera engagée avec les partenaires sociaux pour tendre vers la disparition des temps partiels de moins de 20 heures et pour que les entreprises facilitent la possibilité, pour les salariés qui le souhaitent, d’avoir un temps plein.

Il faudra aussi développer un service public de la petite enfance. Lorsque des parents ne trouvent pas de modes de garde adaptés, ce sont principalement les femmes qui s’éloignent du marché du travail, soit totalement, soit partiellement. Je lancerai l’ouverture progressive de 500 000 places d’accueil, notamment en crèches et le recrutement de professionnels formés. Et parce que, pour moi, la parentalité se partage dès le premier jour, je propose que le congé parental soit plus court et partagé à égalité par chacun des deux parents. Le montant de l’indemnité sera accru pour les bas salaires et plafonné. Le congé maternité sera porté à 20 semaines ; et le congé paternité sera remplacé par un congé d’accueil de l’enfant, obligatoire, d’une durée de 20 jours.

Une grande partie des écarts de salaires entre les femmes et les hommes s’explique aussi par le fait que la grande majorité des femmes n’occupe pas les mêmes emplois que les hommes. Les emplois à prédominance féminine sont souvent sous-valorisés. Comme cela a été fait au Québec, j’organiserai une conférence annuelle sur les classifications des emplois. Cette discussion devra permettre de comparer les emplois à prédominance féminine et ceux à prédominance masculine, sur des critères précis, afin que les rémunérations soient identiques lorsqu’on établit que le contenu de ces emplois est similaire (capacités, aptitudes, responsabilités, charges physique et nerveuse). Lorsque des écarts salariaux ont été déterminés à l’égard d’une catégorie d’emplois à prédominance féminine, des ajustements salariaux pour corriger cet écart pourront être versés, suivant les négociations salariales menées.

Enfin, des structures seront crées et des plans de formation seront mis en œuvre afin de s’assurer de l’application et de l’efficacité de ces mesures. Les inspecteurs du travail seront formés à l’égalité professionnelle. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, doté de moyens adaptés et rattaché au ministère des Droits des femmes et de l’Egalité, sera chargé de remettre un rapport annuel sur l’évolution de l’égalité professionnelle, l’application et le suivi des lois en la matière. Les délégations régionales aux droits des femmes pourront agir de manière indépendante afin de s’assurer, en lien avec les autres services de l’Etat, de la bonne application de la loi.

En raison des inégalités de carrière, les retraites des femmes sont en moyenne inférieures de 38% à celles des hommes. La récente réforme les a pénalisées encore plus. Comment prévoyez-vous de corriger cette inégalité ?

La réduction des inégalités de revenu entre les femmes et les hommes est un objectif que je placerai au cœur de la réforme des retraites : il faudra tenir compte des inégalités professionnelles, plutôt que de les aggraver comme l’a fait la « réforme » de la droite.

Je souhaite un régime qui donne la possibilité de quitter le monde du travail à partir de 60 ans, ce qui est une garantie de justice, notamment pour les travailleurs et travailleuses les plus fragiles. Je m’engage à rétablir l’âge de départ à la retraite à taux plein sans décote à 65 ans et à revaloriser les petites pensions, qui sont en majorité celles des femmes.

Malgré la loi sur la parité, les femmes ne représentent que 13,8% des élu-e-s des conseils généraux, 18,5% des députés, ou 14% des maires. Pour une réelle parité politique qu’adopterez-vous en termes de financement, cumul des mandats ? Reviendrez-vous sur la réforme des collectivités territoriales ?

Dès mon élection en 2012, je reprendrai le flambeau de la parité. Je souhaite généraliser une démarche contraignante afin d’atteindre une parité réelle, et l’étendre à toute la sphère publique, qu’elle soit politique, économique ou sociale.

Quelle égalité sociale pouvons-nous construire sans égalité politique ? De quelle démocratie parle-t-on quand les femmes sont encore largement exclues des sphères de pouvoir ? Ce progrès pour les femmes, je l’ai voulu au Parti socialiste, en réalisant la parité dans toutes nos instances, mais aussi le non cumul des mandats.

En 2012, le gouvernement sera paritaire au niveau de ses ministres et de ses secrétaires d’Etat ! La représentativité des assemblées parlementaires sera améliorée par l’introduction d’une dose de proportionnelle. Je ferai voter une loi qui supprimera tout financement public pour les partis politiques qui ne présenteront pas 50% de candidates aux élections législatives. De plus, les dotations publiques (attribuées aux partis qui auront présenté 50% de candidates et 50% de candidats) pourront être modulées en fonction des résultats effectifs aux élections législatives en termes de parité, ceci afin d’inciter les partis à donner les mêmes chances d’être élu, aux femmes et aux hommes. Pour promouvoir la parité et diversifier le profil des responsables politiques, les parlementaires ne pourront plus cumuler leur mandat et leur fonction avec la responsabilité d’un exécutif local. Enfin, je m’engage à supprimer le conseiller territorial prévu par la « réforme » territoriale et annonçant un grave recul de la parité.

J’étendrai le partage du pouvoir aux instances administratives et économiques, ainsi qu’aux grandes institutions de la République. La composition du CSA et celle des membres du Conseil constitutionnel devront respecter le principe de parité femmes-hommes. La parité s’appliquera aux conseils d’administration et de surveillance des entreprises de plus de 250 salariés et de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel ainsi qu’aux entreprises et établissements publics de l’Etat.

La Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) dénonce la baisse de financement pour les centres d’hébergement, d’accueil et d’écoute des femmes victimes de violences, et pourtant le nombre d’appels au 3919 a augmenté de 50,2% entre 2009 et 2010. Envisagez-vous des modalités et sources de financement nouvelles ?

L’espace privé n’est pas à l’abri des inégalités et de l’oppression. La violence est l’expression la plus dure de ces inégalités dans les rapports entre les femmes et les hommes. Notre société ne doit plus le tolérer. La parole des femmes doit être entendue, les professionnels seront formés, les campagnes d’informations menées, l’éducation des enfants et des jeunes renforcée.

Je ferai intégralement appliquer la loi votée en juillet dernier grâce à l’impulsion de parlementaires de gauche, et qui a permis des avancées majeures pour protéger les femmes victimes de violences. J’engagerai des mesures concrètes dans l’esprit de la loi globale votée en Espagne et proposées par les associations féministes en France. Je pallierai ainsi les manquements à la loi actuelle en engageant des actions de prévention et en débloquant des moyens pour développer les structures d’accueil pour les femmes victimes de violences conjugales et, si nécessaire, pour leurs enfants. Je favoriserai le financement pluriannuel des associations, en particulier pour celles agissant dans des domaines prioritaires telles que les violences faites aux femmes.

Je mettrai en place un Observatoire national sur les violences faites aux femmes chargé notamment de la formation des professionnels concernés pour les aider à prévenir les violences, les repérer et prendre en charge les victimes. Je souhaite que des accueils dédiés dans les commissariats et les tribunaux soient installés, pour améliorer la prise en charge et l’information des victimes dans le cadre de la procédure, et pour proposer un accompagnement psychologique.

Que ferez-vous pour favoriser un meilleur accès aux modes de contraception et à l’IVG ?

Les réformes de la droite ont entrainé la fermeture de dizaines de centres d’Interruption volontaire de grossesse, remettant gravement en cause le droit à disposer de son corps. D’après la loi, tous les hôpitaux doivent disposer d’un centre d’IVG. Je la ferai respecter.

Les mineures et les mineurs auront accès à la contraception de manière gratuite et anonyme. Et la gratuité de la contraception sera étendue au-delà de 18 ans, jusqu’à 25 ans pour les jeunes dépourvus de couverture sociale autonome.

Seriez-vous favorable à l’introduction de modules d’apprentissage à l’égalité filles/garçons dans toutes les structures éducatives, dès la petite enfance ?

Alors que la droite a cassé l’école de la République, je remettrai à l’ordre du jour l’éducation à l’égalité dans toutes les écoles.

De plus, je propose que pour tous les élèves, des heures d’éducation à la sexualité, à l’égalité et au respect mutuel, soient assurées, en lien notamment avec les associations mobilisées sur ces questions. Les acteurs éducatifs seront formés aux rapports entre les sexes, à partir d’un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre. Je considère également qu’il est crucial de veiller à ce que les manuels scolaires ne véhiculent d’aucune manière que ce soit les stéréotypes sexistes. Les inspections générales seront chargées de conduire une mission annuelle sur la réalité des discriminations dans les établissements scolaires et sur les actions menées pour les combattre (intervention des associations, programmes sur le vivre ensemble, projets d’établissements).

Afin de lutter contre la diffusion de stéréotypes sexistes, je propose aussi de renforcer le cahier des charges de l’audiovisuel public pour lutter contre la diffusion de ces stéréotypes et pour que la télévision publique, dans ses recrutements et dans la diffusion de ses programmes, veille à représenter la société dans son entier.

Y aura-t-il un ministère des Droits des femmes à part entière, si vous êtes élu-e? Quelle sera sa première mesure emblématique ?

Je ferai de l’égalité femmes-hommes une priorité. La République doit être une réalité notamment en termes d’égalité entre les hommes et les femmes. Afin de garantir la mise en œuvre et l’efficacité des politiques d’égalité, je prends l’engagement de mettre en place un ministère des Droits des femmes et de l’Egalité entre les genres.

Je l’ai affirmé à de nombreuses reprises, la première loi que je souhaite faire voter visera à construire enfin et efficacement, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Mais l’égalité doit se faire partout ! Il faudra aussi garantir rapidement à tous et toutes l’accès aux soins, à la contraception et à l’IVG, lutter contre les violences et le sexisme, promouvoir un meilleur partage de la parentalité, construire la parité, et dans tous les domaines, bâtir pour tous et toutes une société de l’égalité.

Pouvez-vous nous dire également quelle commission, dans votre comité de campagne, traite des questions d’égalité entre les femmes et les hommes ?

Afin que l’égalité femmes-hommes soit un sujet visible dans ma campagne j’ai décidé de nommer deux personnes spécifiquement en charge de cette thématique au sein de mon équipe de campagne : Caroline De Haas et Françoise Héritier.

De plus un groupe s’est constitué dans le cadre de ma campagne composé de féministes, chercheur-e-s, militant-e-s syndicales, associatives, etc., afin de travailler avec moi, sur les mesures à mettre en œuvre pour construire, enfin, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

print