Monde Législatives en Pologne, pas de miracles pour les femmes

Parlement polonais

Parlement polonais

Les élections législatives du 9 octobre dernier sont les premières en Pologne depuis l’application du système de quotas, qui oblige les partis à présenter 35 % de femmes sur leurs listes électorales. La loi sur les quotas a été adoptée en janvier 2011, à l’initiative du Congrès des femmes, fondé en 2009, qui avait déposé à la Diète un projet citoyen, exigeant la parité.

Sur les listes des candidats au Parlement, il y avait 42 % de femmes, soit deux fois plus qu’aux précédentes élections, mais beaucoup d’entre elles étaient placées en situation d’inéligibilité, en bas de liste.

Est-ce que le résultat de 23% des mandats, en hausse de 3 points, obtenus par des femmes à la Diète est une raison de se réjouir ? En fait, c’est le retour au pourcentage atteint par la Chambre basse dans les années 1981/1985. S’ensuivit, dans les années 1990, une chute libre du taux de représentation des femmes en politique.

Le résultat obtenu par les candidates au Sénat est encore moins encourageant : seules 13 sénatrices siégeront à la chambre haute du Parlement, qui compte 100 sièges. Ce chiffre rapproche la Pologne de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan (15%).

Des femmes en tête des listes ont été élues

« Ce n’est pas un résultat satisfaisant. Il montre que le projet citoyen de parité tel qu’il a été proposé par le Congrès des femmes – au lieu des 35% décidés par les députés – aurait permis d’obtenir de meilleurs résultats pour les femmes », a déclaré Magdalena Sroda, philosophe de l’université de Varsovie et membre du conseil du Congrès des femmes, soulignant la nécessité d’adopter le système dit de « fermeture éclair », qui assure une alternance d’hommes et de femmes sur les listes électorales.

Les partis qui ont réservé aux femmes des places éligibles sur leurs listes ont assuré un succès électoral à leurs candidates : 34 % de députées pour le Parti civique (PO), 17% pour le parti Droit et Justice (PIS).

Bien que l’Alliance de la gauche démocratique (SLD) présentait 44 % de candidates, leur position en bas de liste a donné un résultat inférieur à 15% d’élues. Le Parti paysan (PSL) a introduit seulement 2 députées à la Diète, soit seulement 7% du nombre total de leurs parlementaires.

Preuve que pour obtenir l’égalité politique il ne suffit pas d’assurer la parité sur les listes électorales, mais qu’il est nécessaire de garantir une véritable équité dans l’ordre des places. L’expérience d’autres pays où des quotas ont été introduits montre qu’il faut du temps pour traduire le mécanisme juridique en une augmentation réelle du nombre de femmes au Parlement.

La question des droits des femmes a peut-être des chances d’être de retour au Parlement  grâce à l’entrée à la Diète polonaise du Mouvement de Palikot. Avec 10 % des sièges, le succès électoral de ce parti venu de « nulle part » est réellement la surprise de ces élections. Un pari réussi, malgré le silence des médias sur ce parti et son leader et la tactique de dénigrement employée par les partis concurrents.

Janusz Palikot, son leader charismatique, excentrique et controversé, est un ancien membre de la Plateforme civique et l’enfant terrible, démissionnaire en 2011, de la Diète. Il affiche un anticléricalisme farouche, ce qui est peu commun chez les politiciens polonais. Le programme de son parti comporte, en outre, une exigence forte de séparation de l’Eglise et de l’Etat ainsi que le soutien à la cause des femmes, notamment concernant l’IVG, la contraception et l’éducation sexuelle, et à celle des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, et transgenres).

Une militante des droits des femmes, un militant des droits des homosexuels et une transsexuelle à la Diète

C’est grâce à ses listes que les icônes de ces causes ont pu obtenir des mandats. Comme Wanda Nowicka, pionnière de la lutte pour les droits sexuels et reproductifs et présidente depuis 20 ans du planning familial polonais, Robert Biedroń, qui fut président de la Campagne contre l’homophobie, et Anna Grodzka, activiste transsexuelle, devenant l’unique députée transsexuelle au monde.

La victoire du Mouvement de Palikot, ajoutée au mauvais résultat du parti pro-clérical Droit et Justice, constitue un échec pour l’Eglise catholique en Pologne. Mais il faut prendre en considération aussi le fait que l’anticléricalisme de Palikot est récent et que ses opinions expriment surtout un goût pour la liberté des mœurs. Ce riche homme d’affaires est par ailleurs partisan des paradis fiscaux !

Si les hiérarques catholiques polonais se sont réjouis de la défaite historique de l’Alliance de la gauche démocratique (8,2%), ils n’ont pas réellement réagi à la victoire de Palikot.

Une féministe militante des droits sexuels et reproductifs, un activiste du mouvement homosexuel et une transsexuelle siégeant à la Diète : une bouffee d’air frais  au pays de Jean-Paul II ?

Nina Sankari, collaboratrice Pologne – EGALITE

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