Santé Deux mutuelles dénoncent le recul de l’accès à l’IVG et la contraception

Détail de l'affiche d'un centre de planification © Jean Drapp

Détail de l'affiche d'un centre de planification © Jean Drapp

La LMDE, la Mutuelle des étudiants, et la MGEN, Mutuelle générale de l’éducation nationale, ont lancé le 18 octobre un appel commun aux pouvoirs publics pour le droit des femmes à un accès universel et égalitaire à la santé. Les deux mutuelles entendent les interpeler notamment sur le recul de l’accès à la contraception et à l’avortement.

L’appel est soutenu par le Collège national des gynécologues et obstétriciens, la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale et par de nombreuses personnalités, dont Elisabeth Badinter, Isabelle Carré, Caroline Fourest, Gisèle Halimi, Françoise Héritier, Israël Nisand, Michelle Perrot, Fiametta Venner…

La pétition mise en ligne mardi dernier sur le site de la MGEN a déjà recueilli plus de 9700 signatures, qui seront remises aux pouvoirs publics au premier trimestre 2012.

Des droits inscrits dans la loi, pas dans les faits

Lors du lancement de l’appel au siège de la MGEN, les deux mutuelles se sont accordées pour dire que « si le droit et la liberté de choix des femmes sont inscrits dans la loi, ils sont loin de l’être dans les faits » et que les moyens et les organisations actuels du système de santé ne garantissent plus l’accès de toutes les femmes à ces droits fondamentaux.

En cause, les réorganisations hospitalières et les fermetures des centres d’IVG qui provoquent un accès inégal à l’interruption volontaire de grossesse sur l’ensemble du territoire. Dans certaines régions, il devient de plus en plus difficile d’obtenir un rendez-vous dans les délais légaux, du fait du manque de personnel ou du refus de certain-e-s praticien-ne-s de réaliser des IVG.

La MGEN et la LMDE déplorent en outre le nombre insuffisant de centres de planification et l’insuffisance de leurs moyens, ne permettant pas à toutes les femmes, notamment les mineures, d’accéder gratuitement et de façon anonyme à un moyen de contraception.

Par ailleurs, tous les moyens de contraception n’étant pas remboursés, les femmes n’ont pas réellement le choix de leur contraceptif. L’enquête Opinion Way (*) réalisée pour l’occasion a révélé que 50% seulement des femmes interrogées considèrent que le système de santé actuel permet aux femmes d’accéder à la contraception qu’elles souhaitent. Les femmes de 16 à 45 ans ont donné à 71% l’efficacité comme critère de choix de leur contraceptif, mais le critère de son remboursement est cité à 33%.

Un système de santé à deux vitesses

Autres chiffres marquants de cette enquête sur la perception des femmes de leur accès aux soins : 36% des femmes ont reporté ou renoncé à des soins au cours des 12 derniers mois – en raison de leur coût ou de l’éloignement géographique du lieu de soin –, 70% des femmes de 16 à 60 ans interrogées jugent que le système de santé est « à deux vitesses », 40% estiment qu’il ne permet pas à toutes les femmes d’être bien soignées.

Face à leurs propres constats et aux résultat de l’enquête, la MGEN et la LMDE demandent aux pouvoirs publics de défendre et garantir le droit à l’avortement sur tout le territoire, en garantissant l’accès aux structures de proximité et d’assurer des programmes d’éducation sexuelle dans les écoles, collèges et lycées, comme le prévoit la loi.

Les mutuelles demandent également à l’Etat de garantir un suivi gynécologique égal pour toutes les femmes, sur tout le territoire et à tous les âges de la vie, par la présence de praticien-ne-s formé-e-s et informé-e-s, assurant ce suivi sans dépassement d’honoraires. Brigitte Letombe, présidente d’honneur de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, s’étonne des résultats de l’enquête : « 53% des femmes de 50 à 60 ans n’ont jamais pris de traitement hormonal pour alléger les symptômes de la ménopause, alors que beaucoup de femmes en souffrent. Il faut se donner les moyens pour que le suivi gynécologique s’effectue tout au long de leur vie. »

Autre piste : développer la recherche dans le domaine des produits contraceptifs, pour diversifier l’offre et assurer la gratuité de l’ensemble des moyens de contraception. Notamment aux mineur-e-s. Israël Nisand, chef du service de gynécologie obstétrique du CHU de Strasbourg propose un arrangement entre les laboratoires pharmaceutiques et l’Etat : « Il suffirait que les labos vendent à prix coûtant les produits contraceptifs à l’Etat, qui mettra aussi la main à la poche. L’IVG et la pilule du lendemain sont gratuites mais pas la contraception. Nous faisons l’inverse de ce qu’il faudrait faire. »

Un thème réservé historiquement aux associations féministes

Ce type d’appel n’est pas nouveau, mais ce sont historiquement les associations de défense des droits des femmes qui alertent et les appels et actions se sont multipliés depuis le début de l’année.

Suite à la publication d’un rapport alarmant de l’Igas, trois associations ont adressé le 17 janvier un recours gracieux dans ce sens auprès du Premier ministre François Fillon.

Le 4 juillet 2011, dix ans après la loi avortement et contraception du 4 juillet 2001, le Planning familial dénonçait sa non application.

La Cadac, signataire du recours gracieux, appelait le 11 septembre les politiques à prendre en compte « les aspirations et les besoins d’une majorité de femmes de ce pays ». Après avoir appris qu’en région parisienne 71 femmes avaient été contraintes l’été 2011 d’aller avorter aux Pays-Bas faute de place dans les centres d’IVG de la région, la fermeture de l’Institut de puériculture de Paris et les menaces qui pesaient sur la maternité des Lilas (93).

Plus récemment, le 1er octobre, l’Ancic, le Cadac et le Planning familial ont publié le manifeste « Les structures que nous voulons pour l’interruption volontaire de grossesse ! ».

Alors pourquoi cette mobilisation de la MGEN et de la LMDE ?
« Nous sommes dans la filiation de la Mnef, qui affrétait des cars pour des femmes qui allaient avorter dans des pays limitrophes. La LMDE rembourse par exemple la pilule de 3e et 4e génération. C’est un combat pour les droits des femmes que nous ne pouvons pas laisser aux seules mains des associations féministes », a conclu Gabriel Szeftel, président de la LMDE.

Pour le président de la MGEN Thierry Beaudet, « en 2011, il n’est pas anodin de parler des droits des personnes et en particulier de ceux des femmes. Nous entrons dans une période électorale, et les hommes et les femmes politiques vont engager des débats. Ces droits à l’IVG et à la contraception doivent en faire partie ».

Catherine Capdeville – EGALITE

(*) Enquête Opinion Way réalisée en ligne du 29 septembre au 4 octobre 2011 sur le système Cawi au sein du panel Newpanel. Deux échantillons ont été sélectionnés : un échantillon national représentatif de 1002 personnes de 18 ans et + et un échantillon de 1033 femmes de 16 à 60 ans.


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