Non classé Hollande, Joly, Mélenchon et Poutou sur le gril des Féministes en mouvements

1300 personnes étaient présentes hier à la Cigale, à Paris. Les Féministes en mouvements (FEM), regroupant 45 associations, organisaient leur soirée d’interpellation des candidat-e-s à la présidentielle.

Par ordre d’apparition sur la scène, Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), Eva Joly (EELV) François Hollande (PS), et Philippe Poutou (NPA) sont passé-e-s sur le gril de militantes de FEM. Tous les candidat-e-s à la présidentielle étaient invités, à l’exception de Marine Le Pen, candidate du Front national.

Un public concerné, en majorité des femmes de tous âges, ont assisté à cette soirée particulièrement festive et enthousiaste, pimentée par les prestations d’Agnès Bihl, Didier Porte, Océane Rose-Marie – la lesbienne invisible –, Aldebert, Flavia Cuelho, du groupe Dialem…

Au premier rang, Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes sous Mitterand, Elisabeth Guigou, ex-garde des Sceaux, Sylviane Agacinski…

Le 15 février dernier, le collectif lançait une lettre ouverte aux présidentiables et entrait ainsi dans la campagne. L’occasion de préparer la sortie du manifeste Mais qu’est-ce qu’elle veulent encore ? Et d’élaborer 30 mesures « pour l’égalité maintenant ! ».
Et ce matin, FEM se réjouissait du succès de la soirée : « Cette réussite montre que le féminisme est bien vivant, il est résolument moderne et s’est invité avec succès dans la campagne. […] Le féminisme est bien un sujet politique ! »

On peut regretter que les mêmes questions n’aient pas été posées aux candidat-e-s. Seule Eva Joly a été interrogée sur la prostitution. François Hollande a bizarrement échappé à la question des violences faites aux femmes ou de la pénalisation des clients de la prostitution. Pendant sa prestation, l’intervention bruyante d’un groupe de féministes contre l’impunité des violences masculines, au cri de « DSK partout, justice nulle part », tombait à pic pour souligner la mauvaise gestion de l’affaire DSK par le parti socialiste.

© Claire Guiraud

François Hollande : « Le féminisme n’est pas derrière nous, il est devant ! »

La première question contourne gentiment le candidat : « Si je vous demande si vous êtes féministe, vous allez me dire « Oui, bien sûr ! », alors je m’interroge : pourquoi le programme du parti socialiste ne parle-t-il pas ouvertement de lutte contre le sexisme ? ». En habitué des chausse-trappes, François Hollande avoue « être, en tant que candidat socialiste, responsable des textes de mon parti… Mais, être également redevable devant tous ceux qui me soutiennent. Je ne suis donc pas né féministe, mais je le suis devenu ! C’est un processus qui fait qu’un homme décide de s’engager pour transformer la société. Et quand je dis cela, je ne parle pas seulement de l’égalité hommes-femmes, mais pour vraiment changer la société. S’il n’y avait pas eu le féminisme des années soixante et soixante-dix, rien n’aurait été possible. N’oublions pas que c’est Mitterrand qui le premier a créé un vrai ministère des Droits des femmes, puis Jospin, qui a inscrit le principe de parité dans la constitution. Quant au congé de paternité, c’est Ségolène Royal qui l’a décidé en 2002… Mais le combat n’est pas achevé et c’est le sens de votre combat. Si je suis élu demain, j’aurai tant à faire… Le féminisme n’est pas derrière nous, il est devant ! ».

Le candidat répond alors à plusieurs questions concernant la petite enfance, le temps partiel et les retraites qui lui permettent de dérouler les propositions de son programme : la nécessité de revaloriser le réseau des assistantes maternelles ainsi que l’école maternelle, « grande fierté de la France », qui devrait bénéficier d’une partie des 60 000 postes promis à l’Education nationale ; un temps partiel qui devra être justifié à l’avenir par les entreprises le proposant et des cotisations chômage alourdies pour les entreprises y ayant recours ; une renégociation des retraites des femmes ainsi que, dès le lendemain de l’élection, la prise en compte du travail précoce.

Mais la réponse de François Hollande sur les crèches lui attire une réaction outrée du public : « Je ne peux pas aujourd’hui m’engager devant vous sur le nombre de places en crèche, c’est une question de finances. » Face aux sifflets généralisés, il ajoute : « Que diriez-vous si je vous faisais des promesses et que je ne les tenais pas ? Il y en a un qui est le spécialiste de ce genre de choses ! Moi, je ne veux pas devoir venir m’excuser devant vous dans cinq ans !… »

 

© Claire Guiraud

Eva Joly : « Un ministère de l’Egalité, plutôt que des Droits des femmes »

Pour la candidate écologiste, être féministe est une évidence : « J’ai passé toute ma vie à faire des choses réservées aux hommes ! J’ai choisi d’étudier les mathématiques. Puis, quand je suis devenue juge, je n’ai pas voulu des postes réservés traditionnellement aux femmes, j’ai donc choisi la finance ! » « Heureuse de voir aujourd’hui le féminisme bien vivant et de sentir ce soir que la relève est assurée », elle regrette néanmoins que les femmes supportent encore 80% des tâches ménagères.

Interrogée sur la nécessité d’un ministère des Droits des femmes, Eva Joly préfèrerait créer plutôt un ministère de l’Egalité qui traiterait de tous les sujets, aussi bien des retraites que de l’égalité professionnelle ou de la parité en politique. « Si une liste proposée n’est pas paritaire, elle ne sera tout simplement pas valable ! Même chose pour les entreprises qui n’appliqueront pas l’égalité des salaires : toute aide publique leur sera refusée ». La candidate envisage de n’exonérer les entreprises de charges que lorsque celles-ci proposeront des emplois d’un minimum de 30 heures par semaine.

« Les violences contre les femmes ? Elles sont totalement inacceptables ! » Eva Joly admet la nécessité de créer 4500 places d’accueil pour femmes victimes pour arriver à 6000 sur tout le territoire. Elle va pourtant affronter le courroux de la salle en répondant aux questions sur la prostitution : « Les femmes prostituées sont des victimes et je suis pour cela hostile à la loi qui fait d’elles des délinquantes. Je reviendrai donc sur la loi sur le racolage passif, je souhaite avant tout aider à leur réinsertion, mais je reste à titre personnel hostile à la criminalisation des clients. »

Sous les huées, la candidate cherche à expliquer sa conviction, basée sur des rencontres avec des spécialistes scandinaves qui réfléchissent aux conséquences de la pénalisation et au risque de fragilisation des femmes prostituées. Convictions hésitantes, semble-t-il, puisqu’elle finit par s’avouer « toute prête à en discuter. D’ailleurs EELV n’a pas arrêté sa position sur le sujet »

© Claire Guiraud

Jean-Luc Mélenchon : « Une campagne de l’extrême droite vicieuse envers les femmes »

Il y a chez lui une vraie réflexion féministe. Il parle de l’influence qu’a eu sur lui Colette Audry, militante socialiste et fondatrice du Mouvement démocratique féminin au début des années 1960, et il est le seul à évoquer une société sous domination masculine.

Pour la création d’un ministère des Droits des femmes, Jean-Luc Mélenchon appelle toutefois à la vigilance : « L’institutionnalisation de la lutte ne doit pas faire cesser la lutte ». Rappelant que, notamment en matière d’égalité salariale et de parité, les lois existent mais ne sont pas appliquées.

A son habitude, il profite de la tribune pour s’en prendre à sa meilleure rivale Marine Le Pen, qui « mène une campagne vicieuse, une campagne de harcèlement moral envers les femmes » et à Nicolas Sarkozy qu’il accuse « d’être contre les prières [musulmanes] dans la rue, mais laisse les catholiques prier devant les centres d’IVG ». « Il faut une guerre ouverte et frontale aux idées de l’extrême droite », véhiculées selon lui aussi par l’UMP : Nicolas Sarkozy ferme les CIVG en n’y mettant plus d’argent, tandis que le Front national veut instaurer le salaire parental et dérembourser l’avortement et parle d’IVG de confort.

Il promet à ce sujet, la réouverture des centres d’IVG, et la restauration du droit à l’IVG, « mais surtout le droit à l’information qui doit être vécu à l’école. Il faut reprendre le travail à zéro ».

« Quand on parle de pauvreté, on ne parle pas des femmes, alors que 80% des pauvres sont des femmes, que 80% des smicards sont des femmes […]. Ne pas parler des femmes c’est refuser de parler de l’exploitation de classes. » Interrogé sur la vie professionnelle des femmes, il parle de ses propositions de campagne : « Signer un document relevant le Smic à 1700 euros, ça prend 5 min ! Une augmentation du Smic implique une augmentation de tous les autres salaires. Et cela, tous les élus de gauche l’ont fait ! » Selon lui, revalorisation du Smic et suppression des retraites à moins de 1000 euros ne pourront que profiter aux femmes.

Premier à l’applaudimètre, il ponctuera sa prestation par un espiègle « si vous voulez tout ça, votez pour moi ! »

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© Claire Guiraud

Philippe Poutou : « rouvrir les centres d’IVG et rendre gratuit l’IVG et la contraception »

Homme de terrain, « évidemment féministe », Philippe Poutou aime les exemples et cite à l’envi l’usine Ford où il travaille. C’est là qu’il a vu « les filles cantonnées toute leur vie au travail à la chaîne parce qu’elles sont douées pour ça grâce à leurs petites mains. Alors que les hommes suivent des formations, peuvent devenir mécaniciens… ».

Pour lui, c’est en luttant globalement contre la précarité que l’on répondra aux besoins des femmes, davantage touchées par le temps partiel et les bas salaires. En proposant de réembaucher dans les services publics, notamment dans les secteurs de la petite enfance et du troisième âge, en rétablissant la retraite à 60 ans, en réduisant le temps de travail, en abandonnant le temps partiel subi et en revalorisant le Smic à 1700 euros.

« La parole d’en bas doit être prise en compte ! » Et il compte pour cela sur les réseaux associatifs et militants, y compris bien sûr ceux des féministes.

A une question sur la fermeture des centres d’IVG, il répond : « Plus les CIVG ferment, plus il y a de difficultés à avorter et de dépassements des délais ». Il promet alors la gratuité de l’IVG et de la contraception et l’allongement du délai pour avorter et la réouverture des CIVG et des maternités : « Nous avons perdu 179 centres d’IVG en dix ans et 800 maternité ont fermé depuis 1975 ».

Interrogé sur la laïcité, Philippe Poutou évoque l’épisode épineux de la candidate voilée du NPA et admet que le port du voile fait encore débat au sein du parti : « Il faut que la religion reste à sa place. Nous sommes contre le port du voile mais contre une loi qui stigmatise. Interdire le port du voile peut aggraver la précarité des femmes. »

Pour conclure, le candidat du NPA a répondu à la maladresse d’Yvette Roudy, qui au cours de la soirée attribuait les violences sexistes aux « voyous de banlieue » : « Il y a des voyous chez les riches aussi. Et le plus grand d’entre eux, c’est l’homme qui était vu comme le futur président ! »

Catherine Capdeville et Moïra Sauvage – EGALITE

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