Société Procès des viols collectifs à Créteil : un verdict clément pour les violeurs


Tribunal de Créteil © Cingularite — Flickr.— 

 

Le verdict est tombé dans la nuit de mercredi à jeudi. Dix des quatorze hommes poursuivis pour des viols collectifs, sur les deux jeunes femmes, dans des cités de Fontenay-sous-Bois, ont été acquittés par la Cour d’assises du Val-de-Marne. Les quatre autres ont été condamnés à des peines légères, allant de trois ans de prison avec sursis à un an de prison ferme.

Après trois semaines de débats à huis clos, la cour d’assises de Créteil a reconnu des viols sur une seule des plaignantes. Les jeunes femmes avaient 15 et 16 ans lorsque les faits ont été dénoncés. Les quatre condamnés l’ont été pour des viols commis sur Nina, qui a aujourd’hui 29 ans. Mais, les quatre hommes poursuivis pour les mêmes faits sur Aurélie, 28 ans, ont été acquittés.

Amar Bouaou, l’un des avocats d’un acquitté et d’un condamné a affirmé à l’énoncé du verdict : Aurélie « a menti ». Selon lui, « on évite un fiasco judiciaire, il fallait que des personnes soient condamnées ».

Les peines qui ont été prononcées sont bien en deçà des réquisitions du parquet qui avait demandé 5 à 7 ans de prison pour huit des accusés. L’avocate générale s’en était remise aux jurés pour décider du sort des six autres, évoquant un manque d’éléments à charge à leur encontre.

L’avocate des jeunes femmes, Me Laure Heinich-Luijer, a quant à elle souligné « l’échec » du procès. « Quelle peine aurait un sens, quand on entend que des coupables de viols en réunion sont condamnés à trois ans avec sursis, on s’interroge » a-t-elle déclaré.

Solidarité envers les jeunes femmes 

Dans un communiqué, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a exprimé son « émotion » suite au verdict et sa « solidarité » envers les deux jeunes femmes, qualifiant le viol de « crime » :

« Un viol commis en réunion ne mérite aucun diminutif. Les pouvoirs publics et la société doivent permettre aux victimes de mettre les mots justes sur la réalité qu’elles ont vécu ».

De son côté, Marisol Touraine, ministre des Affaire sociales a exprimé son « malaise » ce matin sur France Inter : « Face à une affaire comme celle-là [on ressent] beaucoup de malaise évidemment.  Il faut rappeler que les viols sont insupportables. Beaucoup de femmes n’osent pas aller porter plainte parce qu’elles redoutent la procédure judiciaire ».

Et sur Europe 1, Christiane Taubira, ministre de la Justice, a confié être « personnellement choquée par les tournantes » et par « les violences faites aux femmes ».  « Le temps est l’ennemi des victimes » a-t-elle ajouté.  Elle a  évoqué la possibilité d’un appel du parquet et des parties civiles qui ne porterait que sur les intérêts civils et pas sur le verdict. Mais selon sa circulaire générale de politique pénale, elle « ne donnerait – quant à elle – aucune instruction individuelle ».

« Porter plainte ne sert plus à rien »

La peur de nombreuses associations est que désormais les victimes n’osent plus porter plainte. Pourtant, chaque année, 75.000 femmes (1) sont violées en France. Seulement 10% d’entre elles osent porter plainte et seuls 2% des violeurs sont condamnés (2).

Aurélie, l’une des deux victimes qui n’a pas été reconnue comme telle, déclarait au micro d’ Europe 1 être « détruite une seconde fois ».

« Qu’est-ce que c’est six mois de prison pour une vie gâchée ? C’est ridicule. Autant ne pas les condamner », déplore Aurélie. «J’aurais dû ne pas porter plainte », regrette la jeune fille.

Osez le féminisme s’est dit « scandalisé » par le verdict du procès qui envoie « un message catastrophique à l’ensemble de notre société. Aux victimes de viol : porter plainte ne sert à rien ! Aux violeurs : il est permis de violer ! Il fait écho aux scandaleux dysfonctionnements de l’institution judiciaire dans ce dossier : instruction bâclée, absence de soutien et non protection des victimes. L’enfer que vivent les plaignantes depuis 10 ans est inacceptable ».

Femmes Solidaires affiche aussi sa colère  sur ce procès qui «s’achève sur un verdict désastreux et inadmissible pour les victimes en premier lieu mais également pour toutes les femmes ». L’association se dit «alertée » par «l’incapacité de la justice à faire face à ce type de dossier ».

Un jugement que le collectif national pour les droits des femmes rejoint en parlant de verdict « atterrant », dénonçant « l’incapacité de la justice française à prendre en compte les récits des victimes de viols » et appelle à un rassemblement lundi soir devant le ministère de la justice à 18h30, place Vendôme.

 

M C — EGALITE

 

(1) Source : Observatoire National de la délinquance


(2) Statistiques du Collectif Féministe Contre le Viol en concordance avec celles du ministère de la Justice.

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