Articles récents \ France Annick Coupé : une vie d’engagements

Annick Coupé obtient son bac à 17 ans puis entre à la Fac de lettres de Caen en 1970 où en dehors de faire la fête, elle milite au PCMLF, une organisation maoïste. Issue d’un milieu de petits commerçants gaullistes, mai 68 est passé par là. C’est la première étape d’un parcours qui confond syndicalisme et féminisme.

L’engagement syndical

En 1972, Annick Coupé décide d’arrêter ses études et de «s’établir» (1) comme caissière dans un super marché. Pensant y rester six mois, elle occupera ce poste pendant quatre ans. A cette époque, elle est syndiquée à la CFDT.

Puis elle devient institutrice dans une école maternelle à Paris, comme remplaçante. Elle n’a reçu aucune formation : au départ déstabilisée, elle restera enseignante pendant deux ans. Annick Coupé quitte alors les maos.

Elle entre sur concours à la Poste en 1978, aux services financiers, secteur majoritairement féminisé. Le syndicat CFDT est alors animé par des militant-e-s d’extrême gauche. Elle y prend des responsabilités et devient secrétaire départementale en 1982.

Puis en 1984, une crise interne éclate dans la CFDT Ptt au niveau régional: elle est mise sous surveillance par la Fédération. Les tensions s’exacerbent encore plus entre le national et des syndicats parisiens des Ptt et de la Santé à la suite du conflit des «camions jaunes» et de celui de la coordination des infirmières qui éclatent à l’automne 1988.
Au congrès national de Strasbourg en novembre de cette année-là, Edmond Maire parle de «moutons noirs qui n’ont plus leur place dans la CFDT.» Les sanctions tombent : plusieurs centaines de militant-es seront exclu-e-s de la CFDT, viré-e-s manu militari de leurs locaux.

Ils décideront alors de créer un nouveau syndicat à la fin de l’année 1988 . Annick Coupé sera parmi les co-fondateurs de la Fédération SUD PTT et en devient la première secrétaire générale. En région parisienne, sur 5000 syndicalistes de la Poste, un tiers adhère au nouveau syndicat.
En 1995, le rapprochement se fait avec des syndicats d’autres secteurs et en 1998, l’Union syndicale interprofessionnelle Solidaires est créée. Des équipes militantes de la CFDT et de la CGT rejoignent la nouvelle organisation syndicale.
Annick Coupé quitte son mandat à Sud Ptt en 1999, reprend son travail à la poste jusqu’en 2002, année où elle devient porte parole nationale de Solidaires.

L’engagement féministe

Des militantes avaient proposé une commission femmes au sein du PCMLF mais avoue Annick «je n’étais pas très motivée à ce moment là. J’ai rencontré le féminisme avec mon premier IVG. Je connaissais des filles du MLAC qui étaient maos. C’était en 1974, un an avant la loi. J’ai dû aller à Londres avec plusieurs femmes pour avorter, mais c’était dans une ambiance assez détendue.»

Annick Coupé aura une fille qui a aujourd’hui 41 ans et qui explique-t-elle n’est pas militante. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été initiée très jeune puisque dans les années 70, on la rencontrait aux manifestations dans sa poussette !

Et puis un jour, son compagnon d’alors, un des dirigeants du parti mao lui donne une paire de claques. Elle pose le problème au sein de son organisation et la réponse arrive vite : «de toutes façons, c’est un dirigeant, tu ne t’es pas bien conduite avec lui.» La violence de cette réponse est aux prémices de son parcours féministe.

Elle rencontrera le mouvement des femmes, le MLF, à travers sa participation au Groupe Femmes des Chèques postaux, à la Coordination des groupes femmes entreprise, puis aux initiatives autour de la création de la Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception, de la manifestation pour les droits des femmes en novembre 1995, du Collectif National des Droits des Femmes, de la Marche Mondiale des Femmes…

A la CFDT, elle a animé la commission femmes, non mixte, de la région parisienne PTT, puis quelques années plus tard, au sein de SUD PTT, elle devient responsable de la commission femmes. Elle se souvient du débat sur le fait de la construire mixte ou non. La commission sera mixte mais sans hommes dans les faits.
Devenue porte-parole nationale de Solidaires, c’est encore elle qui impulse la commission femmes. Elle a toujours considéré que son engagement de syndicaliste était indissociable de son engagement féministe.

Depuis 17 ans, elle impulse les journées intersyndicales femmes avec des militantes de la CGT et de la FSU. Ces rencontrent réunissent chaque année plusieurs centaines de syndicalistes , en majorité des femmes ; elles traitent des inégalités femmes/hommes que ce soit dans le travail ou dans la société plus globalement. Ces journées contribuent à la prise de conscience féministe de nouvelles générations de femmes syndicalistes.

En juin 2014, lors du sixième Congrés national de Solidaires, Annick Coupé passe le flambeau à un binôme composé de Cécile Gondard-Lalanne qui devient également responsable de la commission femmes et Eric Beynel. C’est aussi lors de ce congrès que Solidaires, pour la première fois de son histoire, fait adopter une résolution globale spécifique sur les femmes.

Elle croit en une nouvelle génération de féministes qu’elle voit arriver dans les syndicats et dans de nouvelles associations. Elle parle d’une forte émotion lors de ce congrès car de nombreuses jeunes femmes sont venues la voir pour lui exprimer leur reconnaissance pour ce formidable travail accompli durant toutes ces années d’engagement et lui dire que grâce à elle, elles se reconnaissaient dans le féminisme.

Aujourd’hui à la retraite, le parcours militant d’Annick Coupé est loin d’être terminé, pour preuve nous l’avons croisée lors de divers manifestations récentes.

 

Caroline Flepp 50-50 magazine

1 Dès 1967, des étudiants et étudiantes venant de diverses organisations de la gauche extra-parlementaire se réclamant du maoïsme, arrêtent leurs études choisissent de «s’établir» en usine. Le terme établissement vient d’un texte de 1957 de Mao Tse Toung et désigne les intellectuels «appelés à servir les masses ouvrières et paysannes».

2 Historienne française. Elle fut premier prix d’histoire au concours général et la première femme à obtenir ce premier prix

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