DOSSIERS \ L'égalité filles/garçons, ça commence à la crèche Former les professionnel-le-s de la petite enfance pour faire vivre l'égalité dans les crèches

Fondé en 2016 par Caroline de Haas et Pauline Chabbert, le Groupe Egae regroupe 2 entreprises de conseil, de formation et de communication à destination des entreprises, organisations internationales et collectivités territoriales. Leurs actions visent à « installer durablement l’égalité femmes/hommes dans les têtes et dans les faits. » Depuis mai 2014, le groupe Egae dispense des formations sur l’égalité filles/garçons pour les étudiant-e-s des métiers de la petite enfance. 

Les crèches fonctionnent comme un microcosme, elles reproduisent les inégalités de nos sociétés et en imprègnent les enfants avant même leur entrée à l’école. Il n’y a pas de formation obligatoire sur la lutte contre les discriminations et les stéréotypes dans les écoles de puéricultrices/puériculteurs, auxiliaires et éducatrices/éducateurs de la petite enfance. Depuis 2014, le groupe Egae a remporté les appels à projets de la région Ile-de-France pour sensibiliser les futur-e-s professionnel-le-s des crèches à l’égalité filles/garçons. Le programme prendra fin en juin 2018 et risque de ne pas être renouvelé par la région faute, semble-t-il, de volonté politique. Si le marché n’existe plus, les formations non plus. « Les écoles n’ont pas les moyens de nous faire venir alors qu’elles sont en demande de nos services » explique Eléonore Stévenin-Morguet, consultante et formatrice chez Egae. En effet, depuis l’ouverture de ce marché, les établissements franciliens peuvent bénéficier gratuitement de ces formations.
Sensibiliser aux stéréotypes sexistes dans la petite enfance
Pour le Groupe Egae, les formations doivent être des moments d’échange et de parole libre, pour mieux faire émerger les blocages de chacun-e-s et construire collectivement des solutions. Pour les futur-e-s auxiliaires de puériculture, la formation se déroule sur deux demi-journées séparées par une période de stage. Effectivement, « ce n’est pas suffisant » comme le souligne Eléonore Stévenin-Morguet.
La première séance est dédiée à l’identification des stéréotypes sexistes dans la petite enfance. Les habits, les jouets ou encore les dessins-animés des bambins sont décryptés sous l’angle du genre. Les études de cas choisis par la formatrice sont troublants tant ils sont banaux et hautement machistes. Par exemple, nous voyons 2 bodies de la marque « Petit Bateau » ; le premier est à destination des petits garçons, il affiche fièrement les qualités du futur roi « fort, courageux, déterminé ». Pour ce qui est du body fille, elle est affublée de qualités superficielles comme « jolie, coquette, têtue ». Pour faire réagir, et saisir le poids futur de la transmission de ces images, la formatrice demande aux étudiant-e-s : « Si vous aviez ces deux personnes en face de vous en entretien d’embauche, laquelle garderiez-vous ? »
 
boddi bateau1
 
Pour traiter efficacement du rôle des jouets pour enfants dans la construction de l’identité sexuée,  Eléonore Stévenin-Morguet s’appuie sur un extrait du documentaire de Patric Jean « La domination masculine » :
 

Au fil des études de cas, les étudiant-e-s peuvent décrypter plus facilement leurs outils de travail. La première partie de la formation se termine sur l’épineux sujet des livres pour enfants. Les livres des éditions Fleurus sont très largement distribuées et diffusées alors qu’elles transmettent des images rétrogrades de la société. Les étudiant-e-s sont invité-e-s à remplir une fiche pour la prochaine partie de la formation sur laquelle elles/ils pourront écrire leurs observations au cours de leurs stages et catégoriser les livres utilisés en « sexiste », « neutre » et « antisexiste ».

Les éditions Fleurus distingue leurs livres à destination des petites filles ou petits garçons. Ils font notamment un abécédaire différent selon les sexes, « car on n’apprend pas à lire de la même manière si on est une fille ou un garçon ! » ironise la formatrice d’Egae. Les petites filles restent à la maison, il y a en moyenne 2 fois plus de garçons héros et 10 fois plus de héros masculins quand il s’agit des animaux.
Changer les gestes et pratiques à la crèche
Dans la deuxième partie de la formation, la formatrice et les étudiant-e-s reviennent sur leurs expériences et leurs observations dans les crèches et maternités. Puis, ils font des études de cas sur les relations professionnel-le-s/enfants, enfants/enfants, et professionnel-le-s/parents. Il s’agit de trouver les bonnes et les mauvaises pratiques.
L’expérience du pyjama jaune
On met un bébé au centre de la pièce, il est observé par 3 groupes différents de personnes, il est habillé en jaune. Il y a autour de lui plusieurs sortes de jouets comme des jouets types filles (poupées), type garçons (camions) et neutres (hochets). Le bébé pleure, on demande aux 3 groupes pourquoi le bébé pleure. Ce qui est intéressant c’est que l’on ne leur a pas donné les mêmes informations sur le bébé. Le 1er groupe, à qui on a dit que c’était un garçon, répond que le bébé pleure parce qu’il a faim ou qu’il est en colère. Le groupe qui pense que c’est une fille, s’accorde sur le fait qu’elle est triste, qu’elle a peur ou a besoin d’un câlin. Par contre le 3ème groupe, qui n’a eu aucune information sur le sexe du bébé, ne sait pas quoi répondre et s’en remet aux jouets avec lesquelles il a joué pour deviner son sexe et alors reprend les suppositions des autres groupes.
Les étudiant-e-s rapportent souvent lors de cette formation que les pères sont en retrait, que les professionnel-le-s de la petite enfance ont aussi plus tendance à s’adresser aux mères. Dans les rapports professionnel-le-s/ parents, les mères vont rester plus longtemps et poser des questions sur les jouets avec lesquels a joué leur enfant alors que les pères vont avoir des échanges plus synthétiques et pratiques. Elles/ils observent que ce sont majoritairement les petites filles qui rangent les jouets. A partir de leurs observations, des études de cas et de la présentation d’expériences scientifiques (comme ci-dessus), les étudiant-e-s développent leurs bonnes pratiques et comptent en faire part à leurs futur-e-s collègues.
Charlotte Mongibeaux 50/50 Magazine
print