Articles récents \ France \ Économie \ Société Femmes et pouvoir : passer de l’ombre à la lumière

Créée à Lyon en juillet 2010, l’association Supplément Dame rassemble des femmes et des hommes qui s’engagent pour promouvoir une juste place des femmes dans l’économie et la société. Son « Think tank  3 », intitulé « Femmes et pouvoir » et  animé par Eve Maillet, a organisé en octobre une première conférence-débat intitulée « De l’Ombre à la Lumière ». Rappel des propos échangés.

La conférence-débat réunissait trois invitées :

  • Fouziya Bouzerda, avocate, adjointe au maire de Lyon, déléguée au commerce, à l’artisanat et au développement économique, conseillère déléguée à l’insertion par l’activité économique à la Métropole de Lyon ;
  • Marie-Françoise Potereau, cycliste de haut niveau, conseillère inter-fédérale au ministère des Sports ;
  • Nathalie Pradines, présidente de Comadequat Compagny et vice-présidente de la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon Métropole.

Ces trois femmes ont répondu à trois questions.

Avez-vous connu des obstacles dus au fait que vous êtes une femme? 

Même si les trois intervenantes travaillent dans des domaines bien différents, les obstacles évoqués par les unes et les autres sont à peu près identiques. A commencer par l’autocensure « Nous sommes nos propres freins », les propos tenus pour décourager les femmes : stéréotypes, mise en doute de nos capacités, ironie, critique de la féminisation des fonctions – pourtant inscrite dans la loi depuis 1988 -, interrogation sur la compatibilité vie professionnelle/vie familiale et même, parfois, des règlements excluant les femmes. Ainsi Marie-Françoise Potereau est allée jusqu’au Conseil d’Etat pour obtenir que le concours d’entraîneur-e ne soit plus interdit aux femmes. Elle a gagné, a obtenu la première place aux épreuves écrites mais,  malgré sa réussite au concours, elle n’a pas pu trouver de poste ! L’entre soi masculin continue de fonctionner, tant et si bien qu’elle a dû changer de fédération pour accéder à un poste d’entraîneure !

Quelles stratégies pour passer ces obstacles?

Les stratégies différent selon le domaine d’activité et le tempérament de chacune. Ainsi, Nathalie Pradines reconnaît qu’il lui arrive de jouer à « la blonde » : maniant humour et désinvolture, elle explique que sa situation familiale (cinquième d’une fratrie après quatre garçons) lui a permis de connaître très tôt les codes masculins.
Marie-Françoise Potereau,quant à elle, a surmonté erreurs et contrecoups émotionnels en se faisant aider. Pour sortir le sport de ses pratiques discriminatoires, elle met en place au ministère des plans de féminisation, soutient les sportives qui « osent », encourage des réseaux féminins interdisciplinaires et agit pour montrer les femmes sportives en profitant des espaces laissés par les mauvais résultats des hommes (comme aux JO de Rio).
Enfin, Fouziya Bouzerda  propose trois types de stratégies :

  • stratégie individuelle : pour cette femme brutalement licenciée quand elle a été enceinte, cela passe par la capacité à s’affranchir de son employeur, à se positionner sur ce qu’on a envie de faire, à ne pas se laisser avoir au quotidien (à travers le rite du café, par exemple), à s’émanciper pour devenir indépendante économiquement ;
  • stratégie collective : il s’agit de se mobiliser dans l’action collective, de rompre la solitude, de partager informations et soutiens ;
  • stratégie législative : la loi est indispensable pour avancer, car elle donne de la légitimité et impose des avancées.

Ce qui semble décisif aux trois témoins, c’est la confiance en soi, et cela renvoie à l’éducation familiale et à l’école. Les réseaux sont aussi un excellent outil pour porter une parole collective, positive, de solidarité entre les femmes et entre les générations.
Deux historiennes, Mathilde Dubesset, maîtresse de conférence honoraire à l’IEP de Grenoble et intervenante à l’Université catholique de Lyon (UCLY), et Bernadette Angleraud, professeure de classe préparatoire et également intervenante à l’UCLY – ont apporté leurs éclairages sur cette deuxième question.
 

Les apports de deux historiennes
L’arrivée des femmes aux postes de responsabilités et leur accès aux études supérieures restent un phénomène récent. Il faut garder en tête que Pierre de Coubertin avait exclu les femmes des Jeux Olympiques, que la première avocate en France date de 1900 et les premières députées, de 1946.
L’égalité avance, même si c’est trop lent. En 1997, il n’y avait encore que 6 % de femmes députées (comme en 1946 !), mais leur nombre a été multiplié par quatre depuis…
L’Histoire montre que les femmes ont su se faire une place dans des domaines réservés dès le 19e siècle en prenant des responsabilités dans le secteur social (à l’instar des filles Gilet ou Lumière), dans l’éducation ou le soin… On a aussi observé la mise en œuvre de stratégies familiales, par exemple quand il n’y avait pas de garçon pour hériter, comme chez les Lafont : la fille est devenu aviatrice, a fait des études de chimie, puis a collaboré avec son père sans prendre sa succession pour autant.
Enfin il était plus facile pour les femmes qui n’avaient pas d’homme (les veuves, en particulier) d’accéder à des responsabilités. Ainsi, à la tête de la Banque Morin Pons, se sont succédées plusieurs femmes.

Que faire pour « booster » la visibilité des femmes ?

Plusieurs pistes ont été évoquées par les trois intervenantes. La première consiste à  montrer des modèles et à oser afficher sa différence… La deuxième, à se battre pour défendre la visibilité des femmes, chacun-e à son niveau et quotidiennement : par exemple en changeant les noms de rues ou de bâtiments publics, en féminisant les titres et fonctions… Troisième et dernière piste : changer le contenu des livres scolaires, encore trop stéréotypés, pour ouvrir sur une approche non discriminante.
Danièle Soubeyrand 50-50  magazine
Supplément Dame
 
 
 
 
 
 

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