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L’AMEPE (Agir pour la Mixité et l’Égalité dans la Petite Enfance) organise le 13 janvier 2017 un colloque pour soutenir la mixité en matière de formation d’éducatrices et éducateurs de la petite enfance. Témoignages, confrontation de différents exemples européens, contributions de chercheur-e-s et inauguration d’une exposition sont à l’ordre du jour d’un colloque qui tente le pari de la sensibilisation des acteurs et actrices de l’orientation scolaire, de la formation, et du recrutement.


Qu’est ce que  l’AMEPE ?

L’AMEPE est un réseau d’une trentaine de professionnel-le-s de la petite enfance, hommes et femmes, qui se réunissent régulièrement avec des groupes de soutien, de discussions. Nous avons une démarche de visibilisation et de sensibilisation auprès des actrices/acteurs du secteur comme d’un plus large public pour montrer que des hommes travaillent dans ce secteur, peuvent y avoir leur place mais qu’ils peuvent aussi rencontrer de nombreux obstacles. Nous souhaitons par ailleurs participer à redéfinir les formations petite enfance et les pratiques professionnelles sur un mode plus égalitaire et vers plus de mixité en combattant les stéréotypes de genre.
 
Quel est l’objectif de votre colloque mixité professionnelle dans la petite enfance ?
Ce colloque s’inscrit dans un projet qui vise à soutenir la mixité en formation d’éducatrices/éducateurs de jeunes enfants et dans les métiers de la petite enfance et qui nous a amené à rendre visite à nos homologues norvégien-ne-s en 2015 et à rencontrer d’autres actrices/acteurs européen-ne-s sur ces questions. Cette journée vise notamment à sensibiliser de nombreux actrices/acteurs de l’orientation scolaire, de la formation, du recrutement et de la gestion des équipes à l’importance de penser et travailler la mixité dans ce secteur. Une exposition inaugurée ce jour là viendra appuyer, illustrer le propos par de nombreux témoignages de professionnel-le-s.

Quelles sont les principales thématiques abordées ?

Avec Nicole Mosconi et Pascale Molinier, nous aborderons la question des masculinités dans la petite enfance et le travail du care. Que se passe-t-il pour les hommes qui travaillent dans ce champ professionnel ? Avec Jan Peeters et Tim Rohrmann, nos invités européens, nous aurons un état des lieux de cette question en Europe. Dans quelle mesure certains pays sont plus avancés, quels sont les arguments pour mettre en oeuvre des politiques et des actions pour faire monter en mixité le secteur de la petite enfance, comment font-ils pour y parvenir ?
Nous réunirons des professionnel-le-s, des chercheur-e-s, des actrices/acteurs de la formation et des acteurs associatifs pour réfléchir ensemble sur trois axes :
•L’orientation scolaire et la formation et comment agir pour lever les obstacles
•Le recrutement des hommes, le travail avec des équipes mixtes et comment accompagner ces changements
•Les perspectives d’évolution pour ce secteur en matière de mixité
 
 Vous faites venir des  chercheurs de Belgique et d’Allemagne, ces deux pays sont-ils plus en avance sur ces questions que la France ? 
En France en 2014 , nous avons des estimations d’après un rapport du CGSP  : « Toutes professions confondues, le taux moyen de masculinisation se situerait entre 1,3 % et 1,5 % dans les métiers de l’accueil et de l’éducation des jeunes enfants, soit de 9 260 à 10 500 hommes sur un effectif total de 683 869 personnes. Il atteint 3 % dans le seul périmètre plus restreint des structures collectives ( EAJE+ Ecole maternelle) soit 7 771 hommes sur un effectif de 259 869 personnes, dont 3 % d’hommes chez les éducateurs de jeunes enfants et 7 % d’hommes parmi les professeurs des écoles dans le pré-élémentaire. » 
En Belgique il y a eu des actions mais cela est moins significatif et les statistiques ne sont pas beaucoup plus élevées qu’en France (autour de 3% d’hommes dans ce secteur)… Mais Jan Peeters interroge ces questions et coordonne des recherches comparatives européennes dans la petite enfance. Il a pu participer à des travaux de recherches et des campagnes visant la promotion des hommes dans ces métiers et invitant à repenser l’accueil des pères dans les structures éducatives de la petite enfance.
En Allemagne il y a des programmes mises en oeuvre avec des résultats. Tim Rohrmann a été le coordinateur d’un programme appelé « Mehr männer in kitas » ( plus d’hommes dans les crèches) qui a donné lieu dans de nombreux länder à des projets pilotes financés par le gouvernement allemand et le FSE. Depuis le nombre d’hommes est passé de 15000 en 2010 ( soit en dessous de 4%) à plus de 30000 en 2016 ( soit environ 5% des professionnels) puisqu’une partie de cette augmentation du nombre d’hommes est dûe au développement des Kitas ces dernières années. En pourcentage national il y a environ 5 % d’hommes et cela varie beaucoup selon les länder : de 10,5% à Hambourg, 9,2% à Berlin à 2,8% en Bavière. Tim Rohrmann publie beaucoup sur ces questions et il est animateur d’un réseau international de recherche sur l’équilibre entre les sexes au sein de EECERA, l’Association européenne de recherche en éducation de la petite enfance.
Mais c’est en Norvège qu’on atteint le taux le plus haut, autour de 9%. Il existe des variations selon les municipalités et selon les structures d’accueil, jardin d’enfants. Ainsi à Asker une ville proche d’Oslo on compte 30% d’hommes dans le service petite enfance, certains jardins d’enfant à Oslo compte 40 à 50 % d’hommes. Nous avons rencontré des professionnels qui travaillent dans ces équipes à parité, qui se disent soulagés de ne pas être les seuls hommes et de pouvoir plus être eux-mêmes.
 
Aujourd’hui on incite les filles à aller vers les métiers dits d’homme mais pas l’inverse. La question de  l’orientation scolaire n’est-elle pas fondamentale ?
En effet l’orientation scolaire joue un rôle prépondérant mais elle est aussi le « reflet de l’idéologie de la différence des sexes » comme le souligne Françoise Vouillot, maîtresse de conférence au Cnam/Inetop et qui interviendra lors de notre colloque. Historiquement l’orientation s’est construite sur un principe de spécialisation des filles et des garçons dans des domaines différents. Il n’est pas simple d’inverser complètement ce système. Il faut former les adultes : professeur-e-s et conseiller-e-s d’orientation, et sensibiliser les parents qui ont une grande influence sur les choix de leurs enfants et sur les équipes pédagogiques. Par ailleurs les adolescents ne seront pas forcément les premiers sensibles à ces messages d’ouverture vers des métiers dits « féminins », seront ils de « vrais hommes » dans ce cas ? Choisir son orientation professionnelle, c’est envisager une identité pour soi et mais aussi pour les autres et le besoin de reconnaissance par les pairs et les adultes amène la plupart du temps à des choix assez conformes.
En dehors de l’orientation scolaire, Il est important d’envisager d’autres stratégies pour cibler des publics différents, des hommes un peu plus âgés et plus sereins quand à leur identité masculine, en réorientation ou reconversion. Ces actions peuvent apporter plus de résultats. C’est ce que font les Allemand-e-s et les Ecossais-e-s par exemple.
Et si la montée en mixité a lieu et permet de franchir des seuils, cela sera plus incitatif pour les plus jeunes.
 
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine
Les inscriptions peuvent s’effectuer en ligne. Pour plus de renseignements, contacter colloque.amepe@gmail.com
50-50 magazine est partenaire du colloque

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