Articles récents \ Culture \ Théâtre Et pendant ce temps, Simone veille!

Au théâtre de la Contrescarpe à Paris, on peut voir un spectacle intelligent et drôle. Il parcourt l’histoire de ces 60 dernières années en nous évoquant la vie de trois femmes, puis de leurs filles, petites-filles et arrière-petites-filles, dont les vies se construisent autour de l’évolution des droits des femmes et des mœurs en France. Le personnage de Simone est là pour nous rappeler les combats menés pour faire progresser ces droits: voter, droit à la contraception et à l’IVG, travailler, avoir son compte en banque ou divorcer sans l’autorisation d’un père ou d’un mari… Le rire nous accompagne tout au long du spectacle qui épingle autant les travers des femmes que ceux des hommes qui partagent leur vie ou décident de leur sort.

 
Partant de témoignages recueillis auprès de femmes aux parcours très différents et de faits qui ont marqué la société française depuis la dernière guerre, cinq femmes, dont deux sont sur scène, ont écrit le texte de cette pièce jubilatoire et non dénuée de vertus pédagogiques pour celles et ceux qui pensent que ces droits sont acquis et inaliénables. Questionner l’égalité femmes/hommes est donc plus que jamais nécessaire pour faire reculer une domination masculine encore très agressive et avancer dans la construction d’une société à la fois plus juste et moins sexiste. Et pour penser le monde qui vient, il n’est pas inutile de connaître et comprendre ce qui a fait l’histoire des siècles précédents. Le faire avec humour n’en réduit pas la portée, bien au contraire.
Trois comédiennes pleines d’entrain évoquent leur vie quotidienne de mère, d’épouse, de femme et/ou de travailleuse dans les années 1950,70, 90 et 2000. Au départ chacune représente un profil type, issu de classes sociales différentes : la femme du peuple qui accumule les grossesses et s’oublie dans les corvées ménagères, la petite bourgeoise qui accède à la société de consommation avec Moulinex qui « libère la femme », et l’héritière spoliée par son frère et qui revendique l’égalité de ses droits.

C’est sur le banc d’un jardin public qu’elles échangent en surveillant leurs enfants, tout en leur transmettant leurs préjugés sur la façon dont doivent se comporter les filles et les garçons. Chaque époque se termine en musique avec un tube à la mode du moment dont elles ont réécrit les paroles de façon désopilante. La génération suivante poursuit la conversation en bénéficiant (ou pas) des expériences de leur mère et de l’évolution des lois que nous rappelle Simone, qui veille à notre instruction en s’appuyant sur des fiches qui semblent parfois avoir été corrigées par une main bien facétieuse.

 
Tous les pouvoirs mis en question
On voit à quel point l’émancipation des femmes reste entravée par un déterminisme social souvent très fort, et même revendiqué aujourd’hui encore par certain-e-s pour empêcher les jeunes filles de se construire en liberté. Les garçons accèdent plus facilement à la modernité et à la liberté d’agir pendant que les filles restent assignées aux traditions et aux archaïsmes, d’autant plus solides qu’elles en seront les fidèles gardiennes, d’où la nécessité de les convaincre dès le plus jeune âge qu’elles sont d’abord des objets sexuels à la disposition des hommes (que ce soit par le biais de la société de consommation qui les enchaîne précocement à leur image ou des codes de conduite imposés par les différentes instances religieux, toutes dirigées par des hommes.) Nos joyeuses égratignent tous les pouvoirs, se moquent de tous les préjugés et de toutes les coercitions, faisant la part belle aux messages publicitaires aliénants qui parasitent l’émancipation des femmes.
Le spectacle fait écho à des éléments de l’histoire de chacun-e, au cours d’une séquence ou d’une autre de son déroulement, et ce regard sur les relations femmes/hommes est sans frontière. La représentation à laquelle j’ai assistée était suivie d’une rencontre avec les comédiennes, et une jeune mexicaine présente dans le public et récemment arrivée en France disait sa joie d’y retrouver les problèmes et questionnements des femmes de son pays.
 
Marie-Hélène Le Ny, 50-50magazine
Théatre de la contrescarpe 
 

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