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A celles et ceux qui sont encore à la recherche de quelques cadeaux à offrir à celles et ceux qu’ils/elles aiment, voici quelques suggestions de lectures qui se font écho les unes les autres.

Sex Story
Côté BD d’abord, pour les plus grand-e-s et les adultes, la Sex story de Philippe Brennot et Laetitia Coryn aux éditions des arènes. Psychiatre et sexologue, Philippe Brennot est aussi directeur des enseignements de sexologie et de sexualité humaine à l’université Paris Descartes. Il connaît donc son sujet sur le bout des doigts.Impeccablement mis en image par le dessin facétieux de Laetitia Coryn (qui a déjà publié plusieurs albums dont La question de Dieu, Le péril vieux et Fenêtre sur cour d’école…,), ce bel album, sous titré La première histoire de la sexualité en BD, nous entraîne dans un brillant et instructif survol de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des mœurs et des croyances en matière de sexualité et d’affectivité. Si notre époque se croît savante et libérée en la matière, le sexisme ordinaire nous démontre chaque jour le contraire et nos lointains ancêtres ont encore bien des choses à nous transmettre concernant un érotisme joyeux et festif qui se construit sur un plaisir partagé et un respect mutuel. Toutes les sexualités ont coexisté dans l’histoire humaine, le 20e siècle ne semble pas avoir inventé grand chose à part la marchandisation des corps à l’échelle planétaire. Par contre il a souvent tendu des miroirs moralisateurs et/ou déformants à la multiplicité des pratiques sexuelles passées et présentes.
 
Culottées
Poursuivons avec un album tout public qui réjouira ses lectrices et ses lecteurs : Culottées, de Pénélope Bagieu. Sous-titré Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent, il annonce la couleur et remet les idées en place de tous ceux et toutes celles qui penseraient encore que le rose c’est pour les filles et le bleu pour les garçons ! De Lozen à Christine Jorgensen en passant par Agnodice, gynécologue athénienne née au IVe siècle avant J.-C., ces 15 femmes issues du monde entier gagnent à être (re)connues. Leur histoire nous fait du bien et nous rappelle que les femmes sont depuis la nuit des temps des êtres humains à part entière et que leur intelligence et leur détermination aussi changent le monde !
Love Story à l’Iranienne
Dernier album à découvrir Love story à l’iranienne de Jane Deuxard et Deloupy. Les auteurs sont allé-e-s en Iran écouter très discrètement les espoirs et les souffrances de la jeunesse qui ne peut témoigner de son quotidien à visage découvert. Cette jeunesse ne peut aimer librement et doit toujours se cacher ou dissimuler ses sentiments. Enfermée dans des carcans rigoristes, elle aspire à une liberté qui lui est inaccessible sous peine de mort ou d’emprisonnement. Entre soumission et rébellion, détournement et invention, la jeunesse iranienne rivalise d’imagination pour échapper à la police des mœurs qui patrouille en permanence afin d’éviter tout rapprochement entre les hommes et les femmes sans liens de parenté, et aux caméras de surveillance qui se répandent partout, des cafés aux universités. Le seul horizon pour les femmes reste le mariage et la société de consommation, que l’époux se doit de rendre accessible grâce à un compte en banque bien garni.
Une cage dorée peut être acceptable, voire même enviable pour certaines… pour les autres, en particulier les homosexuel-le-s, la vie peut tourner au cauchemar ! Interdits de sexualité et contraints de vivre dans des mondes séparés, les hommes vont voir des prostituées, et les femmes qui n’auraient su préserver leur virginité vont voir des chirurgiens pour la réparer, en espérant ne pas être dénoncées. La virginité reste le sceau de la valeur d’une femme, tout est fait pour le leur rappeler, et les en convaincre (les femmes comme les hommes) ! Les pendaisons restent nombreuses en Iran et suite à la répression féroce des révoltes de 2009, celkles et ceux qui ne se résignent pas rêvent davantage de quitter le pays que de se lancer dans des combats politiques. La jeunesse iranienne est éduquée, une grande partie fréquente l’université, un des seuls endroits ou filles et garçons peuvent se côtoyer, mais les débouchés professionnels restent rares et malgré une histoire et une culture riches et millénaires, « les jeunes ont la vie rude en Iran. Les gens qui le comprennent sont tristes et déprimés. Ceux qui sont heureux sont aveugles. » Un album qui nous rappelle la valeur de la démocratie, et la nécessité d’en prendre soin.
 
Manière de voir
Enfin pour terminer, achetez, lisez et partagez le numéro de décembre/janvier 2017 de Manière de voir, publié par Le Monde Diplomatique. Titré Femmes, la guerre la plus longue, il rassemble des articles qui traitent du sort des femmes aujourd’hui dans différents pays du monde.
L’article Rien n’arrêtera les Iraniennes est un contrepoint un peu plus optimiste au constat fait dans l’album Love story... Illustré par la magnifique série de portraits de l’artiste Gohar Dashti « Me, She and the Others », cet article raconte le combat de femmes qui ne se résignent pas dans un pays dont elles ne peuvent sortir sans l’autorisation d’un père ou d’un mari. Une footballeuse a du renoncer à un match du championnat d’Asie car son mari la préférait après de leur fils de 7 ans pour la rentrée des classes ! Des clichés d’une autre série de Gohar Dashti, « Today’s Life an War », courent tout au long de ce passionnant numéro qui fait la part belle aux femmes des 5 continents. Des œuvres de l’artiste espagnole Ouka Leele, figure importante de la movida madrilène, ponctuent également les articles tout au long du magazine. Issues de la série « Invraisemblances », ses compositions photographiques joyeuses et iconoclastes renvoient aux cauchemars de la ménagère de moins de 50 ans.
L’article « Je ne suis pas la femme arabe que vous croyez » de Sahar Khalifa rappelle aux occidentaux leurs lourdes responsabilités dans la prolifération d’un intégrisme religieux violent qui a été soutenu contre les démocrates et partis de gauche de nombre de pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient. La mainmise sur le pétrole et les ventes d’armes étaient plus importants que le respect des droits humains dans des pays qui, avec la décolonisation, revendiquaient la liberté et l’accès à la modernité. Les puissances de l’argent se sont alliées contre les aspirations des peuples qui en payent enore lourdement le prix aujourd’hui.
L’article de Nancy Fraser « Au-delà du deuxième sexe » nous invite, quant à lui, à penser la justice autrement, à transformer notre organisation sociale pour nous attaquer aux causes de l’injustice plutôt qu’en faire un traitement superficiel et cosmétique souvent contreproductif. Enfin tous les lecteurs et lectrices de Manière de voir sont invités à (re)lire La domination masculine de Pierre Bourdieu. Elle n’a malheureusement pas pris une ride . Mais une femme avertie en vaut deux ! Et le plus tôt sera le mieux. Offrez donc de saines lectures à Noël !
 
Marie-Hélène Le Ny 50-50 magazine
 
 
 
 

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