Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages RSI : Reste Salariée Idiote !

Qu’est-ce qui m’a pris de conjuguer maternité et statut d’auto-entrepreneuse ?
La réponse : ma grossesse n’était pas prévue. En effet, quelle femme saine d’esprit opterait pour le régime le moins avantageux en cas de grossesse ?

Un jour, j’ai décidé de prendre ma vie en main, de cesser les aller-retour entre petits boulots en CDD et Pôle-Emploi, pour exercer un métier qui me stimulait et correspondait à ma qualification. N’étant pas motorisée, ne souhaitant pas déménager et pratiquant une activité peu répandue, je devais me tourner vers internet pour faire de ma passion/spécialité mon métier. J’ai ainsi entrepris, il y a un peu plus de deux ans, de lancer mon activité sous le statut d’auto-entrepreneuse.

Je n’avais jamais songé devenir mère, cependant l’annonce de ma grossesse changea mon point de vue du tout au tout. N’imaginant plus ma vie sans cet enfant, j’ai poursuivi l’aventure tout en ayant le sentiment que ma maternité allait être plus inconfortable que celle d’une salariée. Mais voilà, c’était ma réalité.
C’est un peu avant cette période que mon activité a enfin décollé. En effet, au démarrage, je n’ai pas vécu de mon entreprise (comme nombre d’auto-entrepreneurs j’imagine), et j’ai même exercé des petits boulots en parallèle. Cependant, quelques semaines avant ma grossesse, j’ai enfin convaincu des clients sérieux et ai fini par bien vivre de mon activité. En conséquence, et malgré l’aide au lancement de mon entreprise consistant en des taxes amenuisées, j’ai commencé à verser au moins 500 € d’impôts tous les trois mois.

Ce n’est sans doute pas énorme pour d’autres chef-fe-s d’entreprise, mais pour moi qui n’ai connu que le SMIC en CDD, puis mon activité aux débuts difficiles, c’est un succès. J’ai même l’affront d’avoir le sentiment de cotiser aux aides sociales. Seulement voilà, je ne rentre pas dans les critères du RSI pour bénéficier totalement des indemnités de congé maternité, fixés à un montant moyen de plus 3 806 € par an durant les trois dernières années (1) . Et devinez quoi ? Ne pas atteindre le plafond pour le RSI, ce n’est pas passer de l’aide pleine à l’aide médiane (comme c’est le cas des aides à la garde de la CAF par exemple), non, c’est passer du remboursement plein à dix fois moins. De 100 % à 10 %. C’est sec. Je me suis ainsi retrouvée avec un financement de mon congé maternité de 5,29 € par jour et non de 52,9 €, et cela sur une durée de…. 44 jours.

44 jours, dont 14 jours avant l’accouchement. C’est court. Ayant accouché avec 16 jours d’avance, j’ai donc travaillé jusqu’à la fin… et d’arrache-pied, car je savais que j’allais devoir subvenir à mes besoins durant mon arrêt professionnel.

Pourquoi si peu de temps ? Pourquoi un congé maternité cessant lorsque le nourrisson est âgé d’un mois, si l’accouchement survient à la date prévue ? Il semblerait que les femmes auto-entrepreneuses aient des enfants particulièrement indépendants et soient moins protectrices… Toute mère comprendra combien cette situation est déchirante et peut susciter un sentiment d’injustice.

Aujourd’hui quand je regarde ma fille, qui ne tient même pas encore sa tête, j’ai du mal à ne pas me sentir triste et angoissée à l’idée de la faire garder dans quelques jours. Bien que je ne doute pas des qualifications de mon assistante maternelle, je confie à une inconnue l’être qui m’est le plus précieux et que je sais fragile. Je ne serai pas là pour le consoler de ses pleurs angoissés de nouveau-né neuf heures par jour, cinq jours par semaine, et ça me déchire le cœur.

Ainsi l’acronyme RSI (Régime Social des Indépendants) correspond dorénavant aux trois mots que je dirais à une femme en désir de maternité, et que je me serinerais à moi-même si la machine à voyager dans le temps existait : Reste Salariée Idiote !

Marie-Caroline auto-entrepreneuse, maman 

(1) Sources : la RAM 

print