Articles récents \ France \ Société Avis du CESE : combattre les violences faites aux femmes dans les Outre-mer

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté, à l’unanimité, le 29 mars 2017 son avis « Combattre les violences faites aux femmes dans les Outre-mer ». Le CESE avait été saisi le 25 juillet 2016 par le Premier ministre, afin d’approfondir la question des violences faites aux femmes dans les Outre-mer. Un précédent rapport de 2014 « Combattre les violences faites aux femmes, des plus visibles aux plus insidieuses » démontrait que ces violences sont largement plus généralisées que dans l’Hexagone. Le CESE a été saisi pour répondre aux besoins de connaissances sur l’ampleur des violences faites aux femmes dans les Outre-mer afin de mener une politique publique cohérente dans ces territoires.

L’avis du CESE a été co-construit avec l’ensemble des territoires concernés et avec la participation d’actrices/acteurs publiques/publics et d’associations des Outre-mer et des conseiller-ère-s du CESE qui en sont issu-e-s, en particulier pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Saint-Pierre et Miquelon, territoires spécialement visés par la saisine.

En métropole, chaque année, 220 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences graves physiques et/ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire. Une femme meurt tous les 2,7 jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. En comparaison, les statistiques en Polynésie et en Nouvelle Calédonie démontrent que les femmes sont sujettes à 7 fois plus de violences que dans l’Hexagone.

Les violences faites aux femmes en Outre-mer, leurs formes et conséquences ont un caractère universel. Le CESE s’est penché sur les traits particuliers des stéréotypes sexistes et sexuels, les représentations sociales des rapports de domination de l’homme sur la femme. Il a également mis en lumière les lacunes dans la prise en charge des victimes, en particulier liées à l’insuffisance des structures d’accueil et d’hébergement ainsi que de la formation des professionnel-le-s.

Le CESE a proposé 40 préconisations concrètes, articulées autour de six axes, pour mettre fin aux violences faites aux femmes dans les Outre-mer, s’assurant de leur mesurabilité et de leurs suivis.

  • Améliorer les connaissances

Partant du constat qu’à l’inverse de la Métropole, qui a notamment développé l’enquête Virage sur les violences et les rapports de genre, il y existe peu de recherches sur l’ampleur des violences faites aux femmes dans les territoires d’Outre-mer, le CESE recommande de développer des outils pour améliorer les connaissances dans ce domaine afin de mieux combattre les violences. Le CESE préconise également de mettre en place un annuaire national des structures accompagnant les femmes victimes de violences.

  • Améliorer la coordination et la coopération des acteur-trice-s

Les territoires d’Outre-mer souffrent d’un manque de coordination. Il faut donc créer un observatoire territorial des violences faites aux femmes comme le préconise la loi de programmation relative à une égalité réelle dans les Outre-mer, du 14 février 2017.

Grâce à la mobilisation des compétences des collectivités et des professionnel-le-s qu’elles emploient, l’échelon territorial permet de mettre en place des actions touchant directement les femmes victimes de violences. La proximité avec le terrain et la capacité de s’adapter aux particularités locales renforcent l’efficacité des réponses proposées.

  • Conforter la formation professionnelle

Le CESE rappelle le besoin de former les professionnel-le-s notamment aux violences pyscho-traumatiques pour que les femmes soient mieux accueillies, ce qui suppose que les médecins, le personnel soignant, les forces de sécurité et les magistrat-e-s soient formé-e-s. Il s’agit de créer une culture commune afin d’améliorer le repérage des violences et la protection des victimes.

La violence d’un partenaire entraînent à court et long terme de graves problèmes de santé pour les victimes et leurs enfants. Une étude de l’OMS confirme que les femmes victimes de violences conjugales ont une probabilité deux fois plus élevée de connaître des problèmes de consommation d’alcool, de dépression et une probabilité quatre fois et demi plus élevée de se suicider.

  • Promouvoir la prévention et la sensibilisation

Pour mettre fin aux violences faites aux femmes dans les territoires d’Outre-mer, il faut briser les stéréotypes sexistes et sexuels et les représentations sociales des rapports de domination de l’homme sur la femme. Le CESE souligne le besoin de prévenir et sensibiliser la population et notamment les jeunes aux violences faites aux femmes.

Les campagnes de sensibilisation ont pour effet d’accroître les appels des femmes victimes auprès des associations et des services de police. En Nouvelle-Calédonie, la plateforme SOS Écoute a reçu 3 591 appels en 2015 et le flux d’appels a augmenté de 46% en 3 ans. Les pics d’appels correspondent à des campagnes de sensibilisation.

  • Consolider le parcours de sortie des violences

Les territoires d’Outre-mer manquent cruellement de moyens de sécurité pour les victimes et doivent donc faire l’objet d’un véritable rattrapage. Selon la dernière enquête réalisée par l’INSERM en 2003 une femme calédonienne sur quatre subit des violences, une sur huit des attouchements sexuels ou a été violée avant l’âge de 15 ans. 95 % d’entre elles ne portent pas plainte. La mise en sécurité des victimes, en Outre-mer, demande la création de lieux d’hébergement d’urgence, ainsi que la création d’un protocole de sortie vers un logement pérenne.

Face au nombre alarmant de femmes tuées chaque année, le CESE recommande le déploiement sur l’ensemble des territoires d’Outre-mer du Téléphone grave danger (TGD). Ce service existe déjà en métropole.

Il faut permettre aux victimes de révéler les violences, qu’elles ont subies ce qui sous-entend d’avoir des lieux d’écoute et d’orientation, et des intervenant-e-s sociales/sociaux dans les commissariats et les gendarmeries.

  • Augmenter les moyens mobilisés

Le CESE rappelle que les moyens budgétaires mis à disposition doivent permettre de mener une politique cohérente et adaptée dans les Outre-mer, comme dans l’Hexagone. Le budget accordé à la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut plus être le plus petit budget de l’État. Le coût des violences au sein du couple est estimé à 3,6 milliards d’euros annuels (coût du système judiciaire, soins, pertes de production dûes aux décès, incarcérations et absentéisme au travail entre autres).

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