Articles récents \ France \ Politique Maud Olivier PS : « On sait très bien que les droits des femmes ne sont jamais acquis »

Maud Olivier est candidate aux élections législatives pour le PS dans la 5e circonscription de l’Essonne. Déjà élue à l’Assemblée en 2012, elle y a porté son combat féministe grâce à la Délégation aux droits des femmes dont elle était vice-présidente, notamment en faisant voter la loi d’abolition du système prostitutionnel en avril 2016.

Que pensez-vous de l’absence de ministère des Droits des femmes au sein du nouveau gouvernement ?

L’absence de ministère est un mauvais signe ; il fallait un ministère de plein exercice. On sait très bien que les droits des femmes ne sont jamais acquis. Dès que les droits des femmes n’avancent pas, forcément ils reculent… On a besoin d’un ministère qui soit très attentif à tout ce qui concerne les droits des femmes. C’est ce que j’ai tenté de faire en tant que députée, avec la Délégation aux droits des femmes. À chaque fois qu’un projet de loi ou qu’une proposition de loi était à l’étude, nous nous attachions à l’étudier sous le prisme de l’égalité femmes/hommes, ce qui nous a permis d’intervenir sur énormément de dossiers, tout du moins sur les plus importants. Cela nous a d’ailleurs valu quelques passes d’armes intéressantes avec le gouvernement car ce n’était pas toujours simple de faire entendre notre point de vue.

Certes, la nouvelle secrétaire d’État est rattachée au Premier Ministre, mais j’attends de voir… J’espère qu’elle ira jusqu’au bout des choses et qu’elle défendra les droits des femmes, en sachant qu’elle aura toujours à subir des résistances, qu’elles soient passives ou actives, comme cela a été notre cas lorsque nous avons écrit et fait passer la loi d’abolition du système prostitutionnel.

 

Que pensez-vous de la parité imposée par Emmanuel Macron parmi ses candidat-e-s à aux élections législatives ?

Je n’ai pas encore pris connaissance de la liste au niveau national mais dans notre département la parité est en effet respectée. Néanmoins, je me pose la question de savoir si les femmes sont en posture d’être effectivement élues, même si on ne sait pas encore comment les élections vont évoluer. Mais dans tous les cas, les candidates sont là. Quelles sont leurs chances ? Cela reste à voir.

 

Que pensez-vous de la grande proportion de candidat-e-s de la société civile investi-e-s par plusieurs partis ?

Il y a en France une envie de renouvellement. Je pense que « le renouvellement pour le renouvellement » n’a pas de sens. L’important est de trouver des personnes qui soient extrêmement intéressées par la société dans laquelle nous vivons, qui veulent changer les choses. J’estime que les candidat-e-s issu-e-s de la société civile devraient au moins avoir un fort engagement associatif, voire même un engagement municipal, parce qu’il faut savoir gérer et s’intéresser aux autres. Pour être député-e, il ne s’agit pas seulement d’arriver avec ce que l’on sait bien faire, il faut connaître les textes de loi, savoir faire des amendements, connaître et surtout porter les attentes de sa circonscription et non pas systématiquement se mettre en vedette.

Mais s’il y a des talents, tant mieux ! La société civile, je dis oui, mais en ce qui concerne les gens qui du jour au lendemain saisissent la balle au bond parce qu’il y a eu une opportunité… je demande à voir. Je trouve très bien que tous les métiers soient représentés, mais j’ai quand même l’impression, sans jugement de valeur, que cela ne concerne qu’une frange de gens qui a bien réussi et qui ne reflète pas vraiment la société française.

 

En ce qui concerne l’égalité femmes/hommes, quelles seraient les premières lois à proposer ou à amender à l’Assemblée ?

La loi du 4 août aborde déjà beaucoup de sujets. En revanche, pour moi, le premier chantier est de faire appliquer la loi et de faire en sorte que l’on donne les formations, notamment aux magistrat-e-s, pour qu’ils/elles fassent respecter la loi. Je prends pour exemple les violences faites aux femmes. La loi impose au mari de quitter le logement. Dans les faits, cela n’arrive jamais, en tous cas pas rapidement, dans la mesure où l’enquête dure très longtemps. C’est souvent la femme qui prend « ses cliques et ses claques », et qui doit se débrouiller avec ses enfants. Il faudrait qu’il y ait une mesure d’éloignement beaucoup plus rapide, et que les enfants soient systématiquement protégés. Les magistrat-e-s ont besoin d’être sensibilisé-e-s à la question, comme l’a d’ailleurs prouvé le cas de Jacqueline Sauvage, dont la condamnation était vraiment inacceptable.

Il en va de même pour la prostitution ; normalement le client doit payer une amende. Je ne vois pas pourquoi certain-e-s magistrat-e-s le laissent s’en sortir avec un simple rappel à la loi. Pourquoi ne pas appliquer immédiatement la loi ? Que je sache, quand vous êtes mal garé-e, vous ne pouvez pas négocier l’amende.

Un autre chantier est la pornographie. On voit bien que la jeunesse actuelle se forme sur les questions de relations sexuelles beaucoup par internet, par toutes ces images qui donnent un aperçu de la sexualité qui ne reflète pas la réalité, et qui est souvent violente, rarement à l’avantage de la femme. Je pense que la pornographie n’est pas une bonne école pour les enfants. Cela serait bien qu’en continuité du travail qui est fait sur les violences faites aux femmes, on puisse aussi travailler sur la pornographie.

Enfin, le gros chantier que tout le monde connaît c’est l’égalité professionnelle. Cela fait tellement de temps qu’on en parle et que cela ne bouge pas… Aujourd’hui, les entreprises ne respectent pas la loi. Va-t-on vraiment un jour ou l’autre faire appliquer la loi ? Il faudrait que le recours collectif puisse être confié à des associations au sein des entreprises. La Délégation l’avait proposé, sans succès.

 

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous représenter ?

C’est un peu tout cela. Il y a aussi un petit goût d’inachevé. Il reste tellement de choses à faire ! Il y a eu une attente très forte par rapport à ce ministère des Droits des femmes, et il reste beaucoup de choses en suspens. Je suis contente de voir que ce sont maintenant des jeunes femmes qui reprennent le flambeau, et qui n’acceptent pas la situation telle qu’elle est. Nous étions très peu à travailler sur ces questions au sein de la Délégation… ce qui est très inquiétant pour l’avenir. J’aimerais justement passer le flambeau, former quelques jeunes femmes et hommes (même si ce sont rarement des hommes qui s’emparent activement de ces questions) et les guider pour faire bouger les lois et s’exprimer quand celles-ci vont à l’encontre de l’égalité.

 

Avez-vous rencontré des obstacles dans votre vie politique du fait d’être une femme ?

Oui, forcément. Mais je suis d’une génération où cela ne sautait pas aux yeux comme cela peut être le cas aujourd’hui. J’ai commencé la politique assez jeune, en tant que conseillère municipale. On m’a tout de suite confié des sujets connotés « féminins » : le social, un peu la culture… j’étais d’emblée cataloguée. Au bout de mon premier mandat, j’ai souhaité devenir maire-adjointe et travailler sur les questions d’urbanisme, notamment pour traiter la question de l’occupation de l’espace public par les femmes, souvent contraintes de raser les murs pour rentrer chez elles à partir d’une certaine heure.  Je me suis battue pour avoir le poste.  Une commission femmes existait déjà au sein de la mairie, qui m’a soutenue dans ma démarche. Pour le maire de l’époque, il n’était pas question de mettre une femme à l’urbanisme, mais il a fini par accepter. J’ai fait deux mandats à l’urbanisme, au terme desquels il était très fier de présenter son maire-adjoint aux affaires sociales qui était un homme, ainsi que sa maire-adjointe.

Par ailleurs, au sein du PS, et comme dans tous les partis, il y a des têtes, des ténors, qui ont tendance à s’imposer au détriment des femmes. Toute jeune élue, je prenais la parole mais je n’étais pas très écoutée… Ce que racontaient beaucoup de femmes, c’était que dans les réunions publiques ou politiques, quand une femme prenait la parole, aussitôt trois hommes se levaient pour aller se faire un café. Je l’ai vécu aussi.

À l’Assemblée, on se méfie de moi (rires). Mon côté féministe « impressionne » un peu. Néanmoins, au sein du parti, les mentalités ont beaucoup évolué. Les jeunes hommes élus à l’Assemblée ne sont plus aussi machos que les générations d’avant. Je n’ai jamais été attaquée personnellement car je pense que mon étendard féministe m’a protégée. J’ai en revanche dû m’élever pour défendre certaines camarades députées quand elles l’ont été, en refusant par exemple de rentrer dans l’hémicycle. Je pense notamment à Véronique Massonneau, face à qui un député faisait des cris de poule quand elle parlait, ou encore Cécile Duflot et Najat Vallaud-Belkacem. On a souvent eu besoin de protester et de remettre les gens à leur place.

 

Propos recueillis par Mathilde Tobias 50-50 magazine

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