Articles récents \ Tribunes Nursel Kilic : quelles perspectives communes de luttes contre les féminicides ? 

Depuis plusieurs années, nous nous sommes engagées, avec Femmes Solidaires, à lutter ensemble contre le féminicide. Nous avons agi en manifestant nos revendications dans les rues de Paris après le triple assassinat du 9 janvier 2013 où nous avons perdue Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez. Nous avons approfondi le sujet en organisant des conférences au Sénat pour dénoncer les commanditaires, réclamer justice pour faire lumière sur cette affaire, au sein même des locaux des institutions étatiques qui ont gardé le silence jusqu’à ce jour. Nous avons franchi les frontières en portant notre voix dans les instances onusiennes encore une fois pour montrer notre détermination à lutter cette fois ci contre le féminicide au niveau universel.

Nous avions, avant cela, une feuille de route qui comportait une expérience importante sur la lutte contre les violences faîtes aux femmes. Nous avons constaté, après plusieurs campagnes de sensibilisation mené sur différentes thématiques telles que les crimes d’honneur, le viol, la violence domestique, la violence étatique, les mariages forcés, la lapidation et l’excision, qu’il n’y avait qu’une seule définition de cette violence systématique  : LE FEMINICIDE. Cette terminologie apparue dans les années 60 en Argentine et employé par Diana Russel définissait parfaitement les pratiques et approches discriminatoires et meurtrières du système patriarcal à tous les niveaux et dans chaque coin du Monde où les femmes y étaient confrontées.

Aujourd’hui nous sommes toujours face à cette réalité par sa plus atroce reproduction. Les femmes kurdes, yézidies, arabes, turkmènes, syriennes, nigériennes, somaliennes et beaucoup d’autres sont encore entre les mains de bourreaux  qui ne sont autres que la représentation suprême du système patriarcal. Toutes les formes de violences agissent à travers ces actes inhumains. L’organisation de l’Etat Islamique et son jumeau Boko Harram continuent de sévir à l’instant où je vous parle. Les femmes, les petites filles sont encore séquestrées, violées, vendues dans les bazars de l’esclavagisme sexuel. Nous toutes les femmes de la planète, vous chères amies qui m’entendent, entendez vous que demain nous pouvons être l’une d’entre elles  ? Nous femmes qui nous disons porteuses des valeurs  du féminisme universel celui qui dénie tout intersectionalisation, avons le devoir d’agir.

Le Mouvement des femmes kurdes se base sur la fusion entre la théorie et la pratique des luttes, autrement dit des femmes qui subissent mais qui résistent, qui portent la devise de lutter malgré toutes les répressions, nous sommes à l’avant garde d’un nouveau projet de société. Ces femmes qui pour la plupart étaient hier des victimes sont aujourd’hui sur le front contre l’obscurantisme où qu’il agisse. Contre Daesh en Syrie et en Irak, contre le régime fasciste d’Erdogan en Turquie, contre le régime dictatorial en Iran. Et partout dans le monde contre la montée de la droite et des régimes qui font régresser les droits des femmes.

Comme meilleur atout nous avons entre les mains la garantie du changement de demain, la mobilisation, l’organisation mais surtout les structures populaires telles que les assemblées de femmes, les communes qui visent aux transformations des mentalités patriarcales. Par l’instauration d’un système d’autonomie démocratique, nous avons construit des structures basée sur la co-présidence, la représentation égale, à par entière des femmes dans l’arène politique à tous les niveaux. Et cela en respectant tous les composants de la société. Ce système est le noyau de la lutte contre la modernité capitaliste qui aujourd’hui encourage le massacre des femmes sous toutes ses formes.

Le Moyen Orient est actuellement le centre d’une 3ème guerre mondiale. Les femmes sont encore  utilisées comme butins de guerre. Nous les femmes de la planète devons dénoncer et se responsabiliser face à cette réalité qui est soumise à un embargo totale. Nous devons mutualiser nos forces pour universaliser notre lutte commune. Nous savons résister. Nous n’avons pas choisi d’être femmes mais nous choisissons de le devenir comme le disait Simone de Beauvoir et Sakine continuait en disant : « ma vie fut toujours un combat. »

Être femmes et une lutte de tous les jours. Soyons femmes ensemble contre le féminicide. Unissons nous.

JIN JIYAN AZADI : LES FEMMES, LA VIE, LA LIBERTE

 

Nursel Kilic – Représentation Internationale du Mouvement des Femmes Kurdes – Membre du Réseau International Féministe et Laïque (RIFL)

Intervention de Nursel Kilic lors de l’ouverture du Congrès de Femmes Solidaires des 13/14/15  octobre 2017.

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