France \ Économie Où est l'argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d'alarme.

Enfin ! Un rapport sur l’argent et les droits des femmes vient de sortir. Il aurait pu être intitulé le manque d’argent et les droits des femmes tant la situation de nombre d’associations œuvrant à l’égalité femmes/hommes est critique. Il aura fallu attendre 2016 pour que des institutions et des fondations, mais non des associations, se penchent sur cette question vitale demeurée si longtemps taboue, invisible.

ONU Femmes France, la Fondation des Femmes, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée, le Haut Conseil à l’Égalité femmes/hommes, et W4 (1) se sont réunis pour réaliser une enquête sur l’argent et les droits des femmes.
A la lecture de ce rapport, vous ne pourrez pas ne pas tomber de votre chaise. On savait le ministère des Droits des femmes le moins doté du gouvernement, on savait que les associations peinaient à trouver des fonds, mais savait-on que la France avait un tel retard sur le plan international, savait-on que les présidentes du HCE et du Conseil supérieur à l’Egalité Professionnelle étaient bénévoles ?
 
Les droits des femmes oubliées par l’Etat, les fondations, les Français-e-s …
Le budget du ministère des Droits des femmes demeure donc le plus petit budget de l’État. En 2016 il représente 0,0066% du budget de la France soit 26,9 millions d’pour 2016 en augmentation de 6,7 %. Il avait augmenté de 3,8% en 2014 et de 4,1% en 2015 .
En France, 5 grandes fondations d’entreprises françaises sont engagées en faveur des femmes : la Fondation L’Oréal, la Fondation Chanel, la Fondation Raja, la Fondation Elle et la Fondation Kering. Mais comme l’enquête le souligne, les sommes allouées ne représentent « qu’une goutte d’eau » dans les subventions distribuées par les fondations d’entreprises françaises.
Les Français-e-s donnent très peu aux associations qui luttent pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le rapport donne un exemple frappant : sur les 25 500 000 collectés depuis sa création par HelloAsso, un crowdfunding,  235 224 ont financé des associations en faveur des droits des femmes soit un peu moins de 1%.
 

Un exemple du faible degré de priorité politique donné au sujet : la réserve parlementaire

L’usage de la réserve parlementaire des député-e-s illustre bien le faible degré de priorité accordé par les responsables public-que-s à l’égalité femmes/hommes en France.
La réserve parlementaire est un ensemble de subventions d’État votées et modifiées en lois de finances initiales ou rectificatives. Bien que son existence même soit un sujet controversé, la façon dont elle est redistribuée donne une idée précise de l’engagement concret des élu-e-s nationaux/ales vis-à-vis d’une question particulière au niveau local. En effet, à travers leur réserve, les parlementaires soutiennent des investissements de proximité décidés par des collectivités locales et des activités menées par des associations. La réserve institutionnelle soutient des associations ou fondations menant des projets d’intérêt national et, traditionnellement, de grandes institutions ou juridictions françaises. Un-e député-e a la possibilité de proposer l’attribution de subventions à hauteur de 130 000 en moyenne (somme qui est revue à la hausse selon la position du/de la députée à l’Assemblée).
Le Fonds pour les Femmes en Méditerranée a examiné la distribution de cette réserve par les 577 député-e-s français-e-s. En 2014, la réserve parlementaire distribuée par les député-e-s s’élevait à 80,2 millions. L’étude montre qu’en 2014, 83 député-e-s avaient attribué des subventions à des associations ayant un rapport (même parfois lointain) avec la question de l’égalité femmes/hommes (tous les domaines ont été pris en compte : culture, social, juridique, sport…).
Le montant total de ces subventions était de seulement 537 712 en 2014, soit 1,45% de la totalité de la réserve parlementaire, et 1,7% en 2015.
L’étude montre qu’en comparaison, les député-e-s ont octroyé en 2015 une somme comparable (433 000 ) pour des clubs de basket (il faut préciser que les clubs féminins ne sont pas inclus ici).
Il est intéressant de noter que ces paradoxes peuvent être retrouvés même au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité de l’Assemblée nationale. Bien qu’un certain nombre de député-e-s de cette délégation s’engagent fortement dans le sens de leur mission et font un travail remarquable, d’autres peinent à traduire leur engagement dans les actes.
Sur 36 député-e-s composant cette délégation, seul-e-s 13 ont attribué des subventions aux associations œuvrant de près ou quelque fois de très loin en faveur de l’égalité femmes/hommes en 2014 et pour un montant total de… 170 000 sur les 4,6 millions de réserves parlementaires disponibles estimées.


 
La France, mauvaise élève sur le plan international
La Suède finance ONU Femmes à hauteur de 33 millions de dollars par an, le Royaume-Uni à hauteur de 22 millions et la France contribue pour … 1 million de dollars.
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L‘Espagnol consacre à la lutte contre les violences faites aux femmes un budget qui représente 0,54 € par habitant contre 0,33 € pour la France.
Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes et le Conseil du Statut de la Femme au Québec sont deux institutions indépendantes qui ont un budget  de 2,265 millions d’ et 25 salarié-e-s. En France, le HCE f/h ne possède pas de budget autonome et compte seulement 3 salarié-e-s. 
La part de l’aide publique au développement française consacrée à des financements multilatéraux dans les agences onusiennes est de 0,72% alors que la part britannique est de 4,19% et la part suédoise de 6,59%.
 
Des associations et des femmes en danger
Chaque année les violences conjugales coûtent 2,5 milliards d’. Ainsi pour les rédactrices  du rapport l’expliquent « ne pas agir, c’est mettre en danger des milliers de femmes, ce qui génère d’importantes dépenses pour les pouvoirs publics. »
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Les exemples d’associations en grandes difficultés financières sont légion.
Chaque année, une Femme un Toit (FIT) est obligée de refuser 400 demandes venant de jeunes femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
Des association de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) peuvent avoir plus de 30 financeurs différents pour un même service.
Depuis les dernières élections régionales, en région Auvergne-Rhône- Alpes, les Centres d’Information des Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), et l’Union régionale des CIDFF ont vu leurs subventions baisser drastiquement. La fermeture du CIDFF de l’Isère est d’ores et déjà programmée.
La maison des femmes de Montreuil, faute d’un financement pérenne ne peut plus développer l’ensemble de ses actions et a dû se concentrer sur une seule thématique, celle des violences faites aux femmes. 
 
Des solutions existent
Le rapport liste toute une série d’initiatives.
Augmenter et améliorer l’investissement public

  • Rendre les données et les informations transparentes.
  • Augmenter les financements publics spécifiques et transversaux.
  • Réallouer les retenues sur la dotation au titre de la parité.

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  • Conditionner les financements publics à des critères d’égalité femmes-hommes.
  • Utiliser la budgétisation sensible au genre comme outil d’égalité.
  • Accompagner les associations pour les aider à identifier les financements disponibles et surtout répondre aux cadres de financement imposés.

 
Transformer le rapport à la donation en faveur de l’égalité en France

  • Faire exister le sujet chez les bailleurs et valoriser ceux qui agissent.
  • Rendre visibles les actions des associations.
  • Accompagner les associations dans la révolution numérique et l’appropriation des financements innovants.

Les femmes auraient-elles de fortes appréhensions à rechercher et gérer des fonds, les femmes subiraient-elles des blocages culturels lorsqu’il est question d’argent, les femmes auraient-elles intégrées le non paiement de leur travail ? La réponse est oui. D’où l’intérêt de mettre les problèmes sur la table, de réfléchir ensemble, de dénoncer.
Voilà enfin une enquête salutaire qui peut vraiment changer la donne.
 
Caroline Flepp 50-50 magazine
 
1 W4 est une association humanitaire internationale, et la première plate-forme de crowdfunding en Europe, dont la mission est de promouvoir la protection des droits et l’émancipation des filles et des femmes à travers le monde.
 
Article déjà publié le 20 septembre 2016

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