Articles récents \ Île de France \ Société Africa 93 :  « Pour nous Africa 93, c’est 30 ans de travail avec les personnes en besoin de La Courneuve en Seine Saint Denis, et 30 ans de précarité »

Une association comme Africa 93 qui soutient les femmes précaires dans les quartiers prioritaires de la ville est elle-même précaire, c’est ce que dit Mimouna Hadjam qui est l’âme de l’association depuis 30 ans. Qu’en est-il des promesses de financements à ces associations de quartiers qui sont au plus proche des besoins des femmes des quartiers ?

Les subventions sont de plus en plus difficiles à obtenir bien que l’association réponde sans faiblir aux demandes des femmes issues de l’immigration. L’association propose une mosaïque de services, d’ateliers et surtout une écoute pour des femmes qui sont souvent isolées face à des situations difficiles.

« Nous avons le sentiment de faire la quête. »

Aujourd’hui, Africa 93 fonctionne avec la subvention de La Courneuve amputée de 2000 € en 2017 et la subvention de la fondation des femmes. Ainsi, La Courneuve finance l’association à hauteur de 12 000 € cette année, ce qui doit couvrir les frais de fonctionnement.
Mimouna Hadjam qui a toujours été bénévole se souvient de la période où l’association recevait du Conseil Régional devenu Conseil Départemental, une subvention de 42 000 € pour les formations, « nous avions trois stages qui fonctionnaient, avec des cours tous les jours pour les femmes primo arrivantes. »
La transmission des idées laïques, féministes, antiracistes et sociales est inscrite dans les priorités de l’association car il s’agit bien de former ces femmes à l’ouverture, à l’autonomie, Le Conseil Régional sous la présidence de Jean- Paul Huchon soutenait un projet de formation à ces idées, formation en particulier d’animatrices/animateurs du service jeunesse.
Mais, explique Mimouna Hadjam, « En gros, on vit en fonction de la couleur politique de la ville de la région et du pays. »
Le 18 décembre 2015, la nouvelle présidente du Conseil Régional, Valerie Pecresse, est élue et porte un autre regard sur les associations comme Africa 93. Mimouna Hadjam, se souvient que l’association a répondu à des appels à projets sur la thématique « femmes en situation de grande pauvreté. » L’équipe a préparé des dossiers avec minutie, et n’a même pas reçu de réponse. L’équipe a réitéré sa demande de financement sur l’appel d’offre concernant « femme et laïcité, » pour le même résultat, même pas de courrier de réponse, bien que l’association soit en pointe sur ces thématiques. Que penser ? « Les associations féministes sont mieux financées à Paris, les associations féministes sont-elles acceptées dans les quartiers en banlieue ? » remarque la responsable d’Africa 93.
Depuis l’élection de Valérie Pécresse, l’association a perdu quatre salarié.e.s. François Vignal, très investi dans  l’association depuis de nombreuses années , est le seul salarié restant, en emploi aidé.  Aujourd’hui à temps partiel, avec la suppression des emplois aidés son poste est menacé.

 

Pourtant les projets pour répondre à la mission d’Africa 93 d’aide aux femmes continuent.

Bien souvent lorsque l’on parle des problèmes dans les quartiers, les femmes sont invisibilisées et les immigrées encore plus. Mimouna Hadjam observe que le respect du droit des étrangers est en régression, de plus pour les femmes étrangères, il s’agit d’une double régression. Les femmes immigrées sont pour 75% des « rejoignantes » c’est-à-dire mariées à un français, elles sont dépendantes et isolées.
Africa 93, s’est impliquée dans un projet de loi pour soutenir « l’autonomie des femmes étrangères. » La loi a été déposée par Marie-George Buffet le 26 mai 2016. Elle avait proposé 7 articles de loi,  2 ont été votés à l’Assemblée Nationale, ces deux articles ne sont toujours pas passés au Sénat. La loi a été redéposée en septembre 2017 à l’Assemblée. En attendant que cette loi soit votée, Africa 93 a conçu un projet de circulaire à faire passer dans les préfectures afin qu’une certaine bienveillance pour les femmes étrangères` victimes de violences soit appliquée. Pour le moment, cette circulaire est à  à la discrétion de chaque administration.
Africa 93 a, dans un premier temps, produit une brochure avec les témoignages de 12 femmes pour mieux faire connaitre le sens de la loi. L’association s’est très vite rendu compte que la brochure bien qu’étant un outil indispensable pour faire connaitre la loi ne suffisait pas et qu’il fallait aller plus loin.
L’association a donc réalisé un film documentaire intitulé migrantes et autonomes, pour soutenir la loi, pour garder une trace mémorielle de la lutte des femmes immigrées dans les quartiers, pour ainsi répondre à l’absence de visibilité de ces luttes. Une fois de plus, les financements pour ce genre de projets importants sont difficiles à obtenir, « nous avions eu des promesses de financements par des institutions et villes lors du tournage, montage du film, les promesses sont difficiles à tenir. » Néanmoins, la ville de La Courneuve pourrait débloquer des crédits pour ce projet.
Africa 93 s’affiche clairement laïque, féministe et antiraciste, c’est-à-dire ouverte à toutes et tous. Mimouna Hadjam remarque que la compréhension de l’antiracisme a bougé, certaines affiches sur les murs montrant le racisme et des figures féministes ont parfois été critiquées par les représentant.e.s des autorités publiques.
 

Africa 93 élabore des projets pour être plus autonome

Mimouna Hadjam et son équipe travaillent sur un projet convivial de café associatif, « on nous commande des repas que nous réalisons et livrons.  Ainsi nous aidons des associations et nous pouvons ainsi gagner quelques centaines d’€ »
L’équipe d’Africa 93 a voulu faire un vrai atelier pour que les femmes aient une formation et gagnent en autonomie. De nouveau il faut aller chercher des fonds. En 2016, elle en parle à la ministre Laurence Rossignol qui trouve le projet viable et intéressant, mais envoyée vers des membres de son cabinet, la barrière du silence se lève, difficile d’avoir des réponses. Puis c’est la visite à la préfecture, le projet est évalué positivement mais on ne peut rien faire pour Africa 93. Ce petit projet de cuisine excite peu les décideuses/décideurs, et pourtant ce serait bien pour permettre aux femmes de retrouver de l’autonomie. Le projet une fois lancé, serait auto géré, assurant le financement de la formation des femmes inscrites dans ce programme.
Les barrières sont nombreuses, elles sont politiques, économiques et le lieu de l’association n’est certainement pas neutre. Son ouverture à tous et à toutes est passée au scanner de l’analyse politique, mais pour Africa 93 le seul but est de continuer à apporter un soutien constructif répondant aux réalités des femmes immigrées qui viennent chercher secours. Mimouna Hadjam nous le dit « Nous avons bien compris que nous ne pouvions plus compter sur les subventions, notre idée était de créer un système auto financé, avoir un café cela serait un support pour permettre aux femmes d’avoir un lieu, pour organiser des expos, des formations, et nous sommes  bloqué.e.s ! »
 
Brigitte Marti 50-50 magazine
 
Proposition de loi pour l’autonomie des femmes étrangères 

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