Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Discours de Marlène Schiappa, à l’ouverture de la 62ème session de la Commission de la condition de la Femme à l'ONU

Madame la Présidente,

Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités, chères et chers collègues, Excellences

2017 a marqué la fin du déni mondial face à l’ampleur des violences sexistes et sexuelles. 2018 ne doit pas être uniquement la fin d’une ère. 2018 doit être le début d’une autre. Nous sommes en l’an 1 après #MeToo.

En 2018, dans le monde, les droits des femmes sont attaqués par deux ennemis. Ces deux ennemis, en apparence antagonistes, poursuivent en réalité un même but : ce but, c’est la déshumanisation des femmes.

Dans des mégalopoles comme dans des zones rurales, l’obscurantisme veut tenir lieu de science. L’excision, la lapidation, les mariages forcés de petites filles, sont justifiés au nom d’une prétendue infériorité des femmes par rapport aux hommes. Au moment même où nous nous tenons ici aux Nations Unies, à New-York, des centaines de jeunes filles enlevées par Boko Haram ont disparu des radars. Des femmes Yézidies sont réduites en esclavage par Daesh en Irak. Les libertés des femmes sont menacées partout.

Un spectre nouveau hante l’Europe et menace l’Occident. Le populisme. Le populisme, instrument du nationalisme, c’est la loi du plus fort. C’est s’arroger le droit de parler au nom des peuples pour les réduire au silence. Les populistes et leurs alliés s’adonnent à une remise en cause permanente des droits humains, au premier rang desquels les droits des femmes. Paradoxe ultime, parfois, des femmes les incarnent ou les soutiennent, au mépris de la plus élémentaire sororité. La France, pour sa part, fidèle à l’héritage de Simone Veil, continuera de défendre partout, toujours, les droits sexuels et reproductifs et l’accès à la contraception.

A cet égard, la France ne peut que déplorer les décisions de ses alliés historiques la Hongrie, la Pologne, les Etats-Unis d’Amérique… de remettre en cause, plus ou moins insidieusement, l’accès à l’avortement.

Comme l’a dit le Président Emmanuel Macron : France is back. Non pas qu’elle soit partie, mais a parfois été trop en retrait par rapport à ce que le monde était et sera toujours en droit d’attendre du pays de Simone de Beauvoir. La France est de retour pour elle-même : pour la première fois, une grande cause quinquennale est décrétée, consacrée à l’égalité femmes-hommes. L’Etat ne veut plus laisser la société civile se mobiliser courageusement seule dans ce combat, car c’en est un. Une loi sera présentée ce mois-ci pour mieux condamner les nouvelles formes de violences envers les femmes, dans la rue comme sur le net : aucune zone de non droit ne doit subsister.

La France est de retour pour le monde : 50% de l’aide au développement sera consacrée à des projets en faveur de l’égalité filles-garçons d’ici 2022 et le soutien aux initiatives d’ONU femmes sera renforcé. A cet égard, je suis heureuse de vous annoncer, au nom de la République Française, l’augmentation de 10 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’initiative She decides, pour les droits sexuels et reproductifs.

Des études rapportent que l’égalité femmes-hommes au travail serait atteinte dans le monde en l’an 2234. Nous refusons de patienter encore plus de deux siècles. Notre but, et je sais que les nations représentées aujourd’hui le partagent, est de ramener cette date au plus proche de nous – en France, à la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est ce que nous devons aux jeunes filles d’aujourd’hui, c’est ce que nous devons aux prochaines générations. C’est pourquoi nous travaillons sur ce sujet avec nos partenaires Américains et Canadiens. C’est pourquoi nous organisons avec l’Inde et le Sénégal un partage sur la santé des femmes et des filles en zones rurales. C’est pourquoi nous avons travaillé hier sur l’autonomisation politique des femmes avec la Suède. La France peut compter sur le concours d’alliés puissants engagés nationalement et internationalement pour les droits des femmes, et je veux vous dire à chacun que vous pouvez aussi compter sur la France.

Voici ce qu’est la diplomatie féministe à la française.

Le choix est le principal droit. Choisir de se marier. De divorcer. De se cultiver. D’avoir des enfants. D’avorter. De créer une entreprise. De se présenter à une élection – d’en gagner, parfois. De passer son permis de conduire. De voyager. De circuler librement.

De vivre, tout simplement.

Ces choix ne doivent pas être des privilèges. L’autonomisation des femmes de zones rurales, qu’elles créent des entreprises ou qu’elles ramassent du sel sur les rives du Lac Rose au Sénégal, qu’elles travaillent dans une bergerie de Corse du Sud, ne consiste pas à choisir pour elles mais à leur permettre d’accéder librement à chacun de ces choix, en toute conscience.

Il faut parfois des générations pour escalader quelques petits centimètres de droits pour les femmes mais il suffit de quelques secondes d’inattention pour tomber d’un seul coup de plusieurs kilomètres patiemment grimpés.

Les femmes de tous les pays nous regardent et nous demandent, membres des Nations Unies, de ne minimiser, de n’excuser, de ne justifier, de ne tolérer aucune atteinte aux femmes, nulle part, jamais.

La France est de retour. Le féminisme aussi.

Marlène Shiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes – 12 mars 2018

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