Articles récents \ Culture \ Arts Fawzia Baba-Aïssa : "Sortir des cages a un sens positif, c'est le mouvement et la volonté de sortir de son enfermement"

Le Fonds pour les Femmes en Méditerranée accompagne et soutient depuis 10 ans les associations qui œuvrent à sortir les femmes d’un enfermement dans lequel elles sont maintenues, et leur permettre d’accéder au statut de citoyenne à part entière. « Elles ouvrent les cages » est le thème de la 7ème édition du concours photos. Les amatrices/amateurs des pays de la région méditerranéenne ont jusqu’au 10 avril pour envoyer leurs clichés. Fawzia Baba-Aïssa, chargée du développement et du mécénat au FFM explique le sens de ce concours.

Comment les participant-e-s doivent-ils interpréter le thème « Elles ouvrent les cages » ?
Il peut-être interprété de différentes manières : sortir des frontières (femmes réfugiées, migrantes), sortir de l’emprisonnement dans lequel on peut être, par exemple exercer des métiers occupés le plus souvent par des hommes, s’habiller en jupe quand d’autres portent le hijab, utiliser l’art urbain, graffitis pour exprimer sa révolte, sortir des stéréotypes, mettre fin aux violences subies (s’engager, militer, manifester). Nous parlons ici de toutes les sortes de cages : mentales, physiques, géographiques.
Sortir des cages a un sens positif, c’est le mouvement et la volonté de sortir de son enfermement et d’aller vers une liberté plus grande. Ce très vaste sujet peut englober beaucoup de choses : par exemple, le fait d’aller dans une manifestation, de traverser des pays pour se réfugier là où on sera en sécurité, ou encore de se confronter à sa famille.
Quels étaient les thèmes des derniers concours photos ?
Les thèmes déclinés tournent toujours autour de l’émancipation des femmes en Méditerranée et des formes multiples et variées que peuvent prendre leur luttes (individuelles ou collectives) pour y parvenir.
La seule condition pour y participer est d’être résident.e d’un des pays de la Méditerranée. Il y en a 21, donc vive la diversité !
En général, nous recevons des photos provenant de près de 14 pays différents : de l’Espagne et du Maroc à l’ouest jusqu’à la Turquie, la Syrie et les Balkans. Et bien sûr des rives nord et sud de la Méditerranée.
En 10 ans d’existence, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée a-t-il vu des progrès en termes d’émancipation des femmes dans ces pays ou au contraire, certains d’entre eux ont-il régressé dans ce domaine ? 
Cela dépend des pays. Dans la région méditerranéenne, il y a eu une forte régression ces dernières années en raison des guerres, de la montée des fondamentalismes et du conservatisme. En cas de guerre, les femmes sont toujours les premières touchées, car elles doivent continuer à assurer la survie de leur famille dans des conditions extrêmement difficiles, continuer à éduquer quand il n’ y a plus d’école, trouver de la nourriture même si elle vient à manquer. Elles sont par ailleurs souvent utilisées comme armes de guerre. Comme on le voit dans la région, de plus en plus de pays sont impactés par la montée des fondamentalismes: en Algérie, en Libye, au Maroc ou en Tunisie. A plusieurs moments, les fondamentalistes ont vraiment tenté de faire trembler les pouvoirs en place, qu’ils soient démocratiques ou totalitaires.
La photo est un art, mais les femmes artistes dans les pays de la méditerranée sont-elles libres d’exercer leur art et de l’exposer ?

Dans certains pays comme l’Algérie, la Tunisie ou le Maroc, elles ne sont pas interdites formellement de s’exprimer. Finalement, peu de pays interdisent légalement aux femmes d’être artistes mais le contexte fait que, souvent, elles ne peuvent pas s’exprimer. On ne favorise pas leur expression, on les dévalorise, on ne les encourage pas … Il existe naturellement des femmes cinéastes, peintres, chanteuses et elles tentent d’exister en tant qu’artistes mais à talent égal il est évident que cela est moins facile pour elles de percer et réussir que pour les hommes.

Ajouter à cela, il y a aussi une forme d’autocensure.

Quand les femmes vivent dans des sociétés qui nient leurs compétences, elles-mêmes finissent par douter de leur valeur. Souvent par manque d’estime et de confiance en elles, elles n’osent pas s’affirmer et finissent par manquer d’ambition et penser « petit », « étriqué ». Elles s’interdisent de rêver grand.

Des femmes choisissent-elles de s’exiler pour pouvoir s’exprimer ?

Oui, il y en a pour qui s’exiler est la seule façon de vivre et d’exprimer leur art car elles sont frappées de censure ou menacées de mort pour avoir transgressé les modes de pensée dominante. Nous en avons connu un certain nombre, d’ailleurs, durant les révolutions arabes.

Propos recueillis par Anne-Christine Frerejacque 50-50 magazine

Fonds pour les Femmes en Méditerranée
 
 

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