Articles récents \ France \ Société Laetitia Martinez: «La visibilité des femmes dans notre histoire collective est une préoccupation fondamentale de nos politiques publiques»

Les femmes sont des citoyennes, des actrices à part entière de la vie sociale et politique de notre pays, il faut le rappeler et l’encourager, c’est ce que les Archives Nationales ont décidé de faire en appelant: Aux Archives Citoyennes ! La table ronde « politiques publiques et luttes contre les discriminations de genre » a réuni des femmes élues locales et une représentante du Haut Conseil à l’Egalité f/h. Laetitia Martinez, vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté en charge des sports, de l’égalité et de la citoyenneté se mobilise pour la visibilité des femmes et l’égalité de genre.
La visibilité des femmes dans notre histoire collective est une préoccupation fondamentale de nos politiques publiques.
De manière générale, les livres d’histoire et l’apprentissage accordent une place trop réduite aux femmes. D’ailleurs, seules 2% des rues portent des noms de femmes, qui sont généralement des noms d’impasses, de ruelles et assez rarement des noms d’avenues ou de boulevards.
En tant que collectivité, nous devons porter les femmes de nos territoires et leur donner plus de place dans notre histoire collective.
Dans ma région, nous avons inauguré, le 8 mars, une exposition, portée par Femmes d’ici et d’ailleurs, consacrée aux femmes, aux championnes, aux sportives qui font aussi partie de l’histoire collective. Elles sont malheureusement trop souvent oubliées des souvenirs et des médias. Souvenons-nous du jour où Florence Arthaud a gagné la route du Rhum 1990, le journal l’Équipe avait titré «Flo, t’es un vrai mec»!
L’enjeu est donc double: réinscrire les femmes qui ont fait l’histoire collective, et faire en sorte que les jeunes filles puissent se projeter, qu’elles aient des modèles dans notre environnement encore trop masculin.
Construire les politiques en chaussant nos lunettes de genre
Tous nos collègues doivent se poser les questions de genre qui concernent l’ensemble des politiques à conduire. En Bourgogne-Franche-Comté, nous tenons à cet engagement et nous l’avons beaucoup travaillé dans le domaine sportif dont je suis en charge. Notre but était de faire en sorte de pouvoir construire la politique sportive dans une perspective d’égalité.
Dans notre région, cela se traduit de différentes manières. Avec les ligues et les comités régionaux de sport, l’égalité femmes/hommes doit être un axe obligatoire dans la contractualisation. Les acteurs concernés ont bien compris les enjeux: quand une collectivité prévoit de construire un équipement sportif, on leur demande de réfléchir à la question des bénéficiaires de cet équipement et s’ils ne vont pas créer une inégalité entre les femmes et les hommes.
Cette année, dans ma région, j’ai donc mobilisé mes collègues pour que chacun.e s’interroge afin de valoriser l’égalité femmes/hommes dans ses politiques publiques. Le sport, la culture sont des domaines très importants, mais il faut aller encore plus loin. Nous devons nous poser la question de la place des femmes dans les métiers du numérique, l’accès des femmes aux métiers industriels, la déconstruction des stéréotypes, la place des femmes dans les formations secondaires qui relèvent de l’industrie.
Nous prenons conscience que cela concerne l’ensemble des domaines de notre action. Nous devons chausser nos lunettes de genre, apprendre à regarder le monde au travers des inégalités qui existent entre les femmes et les hommes, que l’on peut désormais chiffrer.
On le voit également dans les rapports humains, dans le sexisme au quotidien. Il est important de mobiliser l’ensemble de la société, les responsables politiques à tous les niveaux, le monde associatif, et les citoyen.ne.s autour de ce projet. De notre côté, nous le faisons autour de la parole publique, de nos politiques publiques et dans nos budgets.
Eduquer sur l’égalité et aider les jeunes filles à se projeter
Une étude a montré que c’est à partir de six ans qu’une petite fille pense qu’elle est moins intelligente, moins capable qu’un garçon. L’éducation sur l’égalité doit donc être prise en compte le plus tôt possible. La formation et la sensibilisation des personnels est fondamentale. Les professionnel.le.s au contact des enfants doivent pouvoir non seulement garantir l’égalité dans leur métier, mais aussi éveiller leur conscience pour ne pas reproduire les stéréotypes de genre profondément ancrés.
Nous pouvons mettre aussi d’autres actions en place; au Creusot par exemple, les temps périscolaires sont consacrés à des activités pour les enfants dès le plus jeune âge et nous faisons en sorte d’y garantir la mixité.
De même qu’à la cantine scolaire, nous insistons sur le fait que les tables soient mixtes et que tous les enfants débarrassent; l’apprentissage de ces réflexes du quotidien est fondamental.
Avec les jeunes plus âgés, nous travaillons sur d’autres sujets: la mixité des formations, aider les jeunes filles à se projeter dans des métiers que l’on dit masculins et vice versa …
L’exemple de la cour de récréation est extrêmement parlant : on observe que les garçons occupent environ 80% d’une cour d’école et les filles seulement 20%. Cela illustre que dès leur plus jeune âge, l’espace du champ des possibles des petites filles est plus restreint que celui des petits garçons.
Il est donc important de continuer à agir aux différents âges de la vie pour accompagner les jeunes et leur ouvrir les yeux sur cette problématique de genre.
 
Laetitia Martinez, vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté en charge des sports, de l’égalité et de la citoyenneté
 
50-50 magazine est partenaire de « Aux archives citoyennes! »

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