Articles récents \ Île de France \ Société Les violences faites aux femmes, « une barbarie » qui touche toutes les femmes 1/2

Les femmes sont des citoyennes, des actrices à part entière de la vie sociale et politique de notre pays. Il faut le rappeler et l’encourager, c’est ce que les Archives Nationales ont décidé de faire en appelant : Aux Archives Citoyennes ! La table ronde « Lutter contre les violences faites aux femmes » a conclu cette série de réflexions sur les discriminations. Laurence Fischer, triple championne du monde de karaté et fondatrice de  #fightfordignity, Ghada Hatem, gynécologue et fondatrice de la Maisons des femmes de St Denis, Mimouna Hadjam, fondatrice et présidente d’Africa 93 ont partagé  leurs réflexions et leurs actions.
Pour que les femmes soient des citoyennes au sens large et des actrices de la vie sociale et politique du pays dans lequel elles vivent, il ne faut pas qu’elles vivent dans la crainte de violences.  
Il y a 22 ans, la conférence de Pékin a réuni 30 000 activistes pour la première conférence internationale demandant des droits égaux entre femmes et hommes et aborder la question des violences contre les femmes. Dans le monde, les violences ne sont pas nécessairement plus nombreuses parmi les femmes issues de l’immigration, mais elles connaissent des situations plus compliquées pour sortir de la violence et s’en protéger. Que faire pour changer les mentalités, alors que les femmes issues de l’immigration sont marquées par la stigmatisation de l’autre venue d’ailleurs et donc présumées responsables des violences qu’elles subissent?
 
Face à ces situations difficiles, des femmes se sont engagées pour les femmes.
Laurence Fischer, triple championne du monde de karaté, a développé des ateliers pour permettre aux femmes victimes de violences de reprendre le contrôle de leur corps et de leur confiance. Après avoir travaillé avec des femmes de zones sensibles en Afghanistan, et en république démocratique du Congo avec les femmes victimes de viol de guerre, avec son association #fightfordignity, elle a commencé des ateliers à la Maison des femmes de Saint Denis. Après seulement quelques séances, Laurence Fischer a vu les participantes s’ouvrir, et relever la tête. «C’est une expérience extraordinaire de voir ces femmes se réapproprier leur corps et être en mouvement, elles veulent revenir», précise Laurence Fischer.
Ghada Hatem est gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Delafontaine de St Denis. C’est en Seine Saint Denis que l’on observe la mortalité néo-natale la plus élevée de France en dehors des DOM-TOM; la pauvreté n’explique pas tout, la violence joue aussi un grand rôle.
Dans sa pratique au quotidien, elle a rencontré des femmes dans des situations de vulnérabilité aggravée: «Ce sont notamment des femmes qui ont eu des parcours migratoires assez atroces, en particulier celles venues d’Afrique subsaharienne».
Cela l’a amenée à s’interroger sur la façon dont elle pourrait exercer la gynécologie différemment, en prenant en charge les maladies des femmes en lien avec la reproduction, tout en ajoutant cette dimension vulnérabilité et violence.
Mimouna Hadjam, fondatrice et présidente de l’association Africa 93, créée il y a plus de 30 ans à la Courneuve, se bat au quotidien contre le racisme, pour le droit des femmes et le respect de la laïcité.
L’association Solidaire Femmes, le relais 77 vient en aide aux femmes victimes de violences en milieu rural. Au-delà de ces actions, l’association est engagée dans la prévention et la formation avec la justice, les forces de l’ordre, l’éducation, la santé, l’emploi et l’entreprise.
En croisant leurs expériences avec les juges en charge des dossiers de violences, elles se sont aperçues que les femmes ne livraient dans leur plainte que 15% de ce qu’il leur était arrivé. Dans ces conditions la/le juge, même de bonne volonté, a du mal à saisir la réalité des violences subies par la femme qui porte plainte. Ces interactions sont donc indispensables pour faire bouger les lignes.
 
La maison des femmes de Saint Denis : une prise en charge complète dans un lieu unique
C’est l’idée de Ghada Hatem. Les histoires de vie des patientes du département se mélangent bien souvent avec les histoires de migrations dont le viol fait partie.
«Cela devenait un métier un peu différent, et là j’ai trouvé la nécessité à créer un lieu pour accueillir ces femmes, en marge de l’hôpital», précise Ghada Hatem. Ce besoin était d’autant plus nécessaire qu’en Seine St Denis, 14% des patientes sont excisées.
C’est pourquoi Ghada Hatem a fondé la Maison des Femmes de Saint Denis, il fallait une approche plus holistique pour intégrer la dimension de vulnérabilité des femmes et apporter un parcours de soin moins hospitalo-centrée et plus cohérent.
C’est au cours de l’entretien avec un médecin pour un test de grossesse, une demande de contraception ou d’avortement que la question des violences va être abordée. Le récit se fait petit à petit, en toute confiance et la femme se verra proposer de revenir pour parler à un professionnel de ces violences et les prendre en charge. Ces femmes n’auraient jamais osé en parler d’elles-mêmes et ne se considèrent parfois même pas victimes de violences.
«Malheureusement, on ne manque pas de patientes, elles viennent assez facilement à la maison des Femmes. Le bouche à oreille joue beaucoup, surtout pour le planning et l’excision. Avoir un service aussi complet que celui qu’on propose avec un sexologue, une psychologue, des groupes de parole, des ateliers, c’est assez unique», ajoute Violette Perrotte, chargée de projet à la Maison des Femmes. Ce lieu propose en effet une prise en charge complète avec une unité du planning familial, une autre pour les femmes victimes de violence et une troisième pour les mutilations sexuelles.
Revenir dans un lieu qu’elles connaissent est beaucoup plus rassurant pour elles; les soignants vont se transmettre son dossier et elles n’auront pas à répéter leur histoire plusieurs fois. «C’est vraiment extrêmement apaisant et sécurisant pour ces femmes», conclut Violette.
 
Brigitte Marti 50-50 magazine, modératrice de l’atelier et Anne Christine Frerejacque 50-50 magazine
 
50-50 magazine est partenaire d’Aux Archives Citoyennes
 
 
 
 

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