DOSSIERS \ Femmes, travail, violences: pour changer l’équation Hélène: « ma DRH m’a expliqué que mon poste avait été donné à celui qui m’avait remplacé pendant mon congé maternité »

Les femmes enceintes employées bénéficient d’une protection légale qui leur garantit de retrouver leur poste au retour des congés maternité. La loi garantit aux salariées une protection de l’emploi, interdit toutes discriminations en raison de la situation de famille ou de la grossesse. Dans les faits, ces droits sont régulièrement remis en cause par l’employeur, souvent de façon sournoise. Les salariées sont ainsi victimes de harcèlement discriminatoire. Hélène qui est cadre dans une entreprise de la région Ile de France, expose les discriminations dont elle a été l’objet au retour de son congé maternité.

Vous avez eu un bébé, Comment avez-vous organisé votre congé maternité ?

J’ai arrêté le plus tard possible. Il me restait 2 semaines de congés que j’ai utilisées après mon accouchement en plus de mon congé maternité.

Comment s’est passé votre premier jour de retour au travail ?

Le retour a, en quelque sorte, commencé le vendredi avant que je reprenne réellement le travail le lundi. Ma DRH m’a expliqué que mon poste avait été donné à celui qui m’avait remplacé pendant mon congé maternité. Au début, je me sentais perdue, je ne savais pas trop si je voulais récupérer le poste. Je me suis dit alors que j’allais en discuter avec mes employeurs. En fait, mes employeurs avaient déjà pris leur décision sans m’en parler. J’ai eu le week-end pour réfléchir et quand je suis retournée au travail, je suis tout de suite allée voir le délégué du personnel, qui a été très bien. Je me suis renseignée sur mes droits, je me suis rendue compte qu’ils n’avaient pas le droit de faire ça, même si j’étais en période probatoire, la période probatoire ne pouvant être arrêtée en raison d’un congé maternité, ce qui était le cas. Je connaissais à peine mon nouveau chef, je ne l’avais vu que 5 jours. Quand la DRH m’a demandé de faire un point, j’ai demandé à ce que le délégué du personnel soit présent. Le délégué du personnel n’a pas trop parlé pendant la réunion, mais j’ai senti que le fait qu’il soit là a fait changer le discours. Le discours n’était plus «on t’enlève ton poste», mais «on te donne le choix entre deux possibilités : soit tu gardes le poste que tu avais avant, cheffe d’équipe, soit tu récupères le poste que tu avais avant d’être cheffe d’équipe.» De plus, ma DRH était enceinte de 6 mois.

Quelques mois après, j’ai refait le point avec elle ; elle m’a demandé, «alors ça va ? Ton retour de congé maternité s’est bien passé ?» Je lui ai répondu : «mis à part mon retour au travail où vous n’avez pas été super sympa, ça va.» Et elle m’a redit que mes employeurs ne voulaient pas du tout m’enlever mon poste, bien que j’ai dès mon retour qu’ils avaient engagé celui qui allait prendre mon poste de cheffe.

Est-ce que tes collègues t’ont traitée différemment ?

Mes collègues m’ont fait comprendre que j’avais la légitimité pour ce poste de cheffe d’équipe, de ce fait, ils ont tout de suite respecté tout ce que je disais. En revanche, une fois que ma situation a été clarifiée avec mon chef sur le fait que je reprenais ce poste, j’ai eu l’impression qu’il fallait que je refasse mes preuves vis-à-vis de mon chef que je ne connaissais pas. Avec le retour de congé maternité, rien n’a été facile. Finalement je pense que j’ai refait mes preuves. J’étais en période probatoire à mon poste de manager, et il a été confirmé par la suite.

Vous êtes-vous sentie sur la sellette ?

Oui. Heureusement qu’il y avait les collègues qui savaient que j’avais la légitimité pour ce poste.

La DRH enceinte, ça n’a rien changé ?

Elle me prenait pour une «conne !», c’est tout, ni sympa ni méchante, j’avais l’impression d’être prise pour une imbécile. En revanche, je suis très contente de m’être battue pour récupérer mon poste. Cela m’a fait beaucoup de bien de le récupérer. Je pense que si je m’étais laissée faire, ça m’aurait fait du mal à long terme.

Quel est l’impact psychologique, d’après vous, de ce genre de situation ?

Je me suis dit que si je ne faisais pas tout ce qui était possible pour retrouver mon poste, je le regretterais toute ma vie, que j’étais une mère maintenant, qu’il fallait que je sache me battre pour ce qui était bien pour moi, que si j’y arrivais pour moi, j’y arriverais pour mon fils aussi.

Vous n’êtes pas la seule dans ce cas-là, pensiez-vous, aussi, aux autres femmes qui se battent au retour de congé maternité ?

J’y ai pensé parce que j’avais une collègue qui allait partir en congé maternité aussi, et de ce fait, nous en avons beaucoup parlé ensemble. Son retour de congé maternité s’est bien passé. Je me demande si le fait de lui en avoir parlé l’a aidée, si le fait de m’être battue pour ma place a fait bouger les choses par rapport à mon chef. On avait le même chef, c’est une petite structure, une trentaine de personnes sous l’autorité de ce chef. Tout se sait.

Est-ce que votre bataille a servi à quelque chose ?

Quand je suis allée voir le médecin du travail, j’ai d’abord dû demander un rendez-vous avec lui parce qu’il avait oublié de me convoquer, ce qu’il doit faire au retour d’un congé maternité. Je ne sais pas si c’était volontaire ou pas.  Au début, on m’a dit qu’il n’y avait plus de disponibilités, et bizarrement, 2 jours après l’avoir demandé moi-même, j’ai eu un rendez-vous.

C’est important de connaître ses droits. Comment avez-vous appris vos droits ? Est-ce grâce à votre délégué du personnel ?

Je suis allée me renseigner sur internet, et c’était très bien ; il y a beaucoup de personnes qui se retrouvent dans ce cas, de ce fait, j’ai trouvé beaucoup de réponses sur internet.

Avez-vous recherché sur le site du ministère du Travail ?

Oui, il y avait des informations  sur le site du ministère effectivement, et puis, il y avait d’autres sites de droit consacrés au retour de congé maternité. Mais après, je me suis rendue compte que s’il n’y a personne pour nous aider à connaître nos droits, c’est assez compliqué. J’ai eu de la chance parce que j’ai eu le délégué du personnel qui me soutenait, mais sans délégué du personnel je ne sais pas comment tout cela ce serait passé. Je pense que c’est très difficile de s’y retrouver sans quelqu’un qui vous soutient à l’intérieur de la boite. Parce qu’on ne sait pas s’il faut laisser faire, je pense que beaucoup de femmes se retrouvent dans ce cas-là, on se demande quelles sont les procédures et ce n’est pas facile de les trouver.

A posteriori est-ce que vous vous êtes dit, «si je ne l’avais pas fait, cela aurait été une forme de souffrance, qui serait restée ?» Lorsque les femmes partent en congé maternité, et qu’elles ne retrouvent pas leur poste, est-ce une souffrance ?

Oui, parce qu’on a l’impression de ne pas être reconnue, d’avoir été effacée, alors qu’on ne peut pas donner la vie et travailler en même temps. De plus, il faut le temps pour se remettre de l’accouchement. Je pense que tout le monde, mon chef y compris, est très content que quelqu’un puisse s’occuper des enfants après la naissance. Nous ne partons pas en vacances, nous nous  absentons pour donner la vie, ce qui est quelque chose de magnifique. L’entreprise l’oublie un peu, elle est inhumaine dans certains cas.

Le médecin de travail m’a dit que la situation que j’avais vécue était fréquente. Il a ajouté, que j’avais quand même de la chance parce que j’avais retrouvé une chaise et un bureau. Il n’avait pas l’air de dire qu’il fallait faire quelque chose de spécial, pour lui la situation, que j’avais vécu, avait l’air normal.

Je me rends compte, qu’il y a moins d’inspectrices/inspecteurs du travail, donc ces cas-là passent au travers du filet. Le médecin du travail ne s’occupe pas de l’aspect psychologique de la santé.

 

Propos recueillis par Brigitte Marti 50-50 Magazine

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