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Le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF), au-delà de toutes les missions qu’on lui connaît : animations de prévention en milieu scolaire, accueils individuel et collectif dans les associations (contraception, IVG, IST), est aussi un organisme de formation et d’éducation populaire. La formation « Genre & Santé sexuelle » a pour objectif de partager et mutualiser des outils d’animation au sein d’ateliers, d’échanger des expériences et des compétences respectives à travers une approche d’éducation populaire. Cette formation qui se déroule sur quatre journées vise à s’approprier le programme « Genre & Santé sexuelle » à travers des débats, des questionnements et des partages d’expériences. Ces ateliers peuvent être investis en association ou autres structures sociales afin d’aborder les questions de genre et de santé sexuelle qui nous concernent tout.es. L’ensemble des différents outils présentés sont adaptables à la diversité des publics.

Douze participantes sont présentes. La formation commence par le «jeu de la ficelle.» Il consiste à lancer une bobine de ficelle à la personne de son choix, afin qu’elle se présente tout en gardant un bout de celle-ci. Le but du jeu est de faire connaissance et aussi, par les questionnements des animatrices,  de permettre à chacune d’exprimer ses ressentis, ses attentes pendant cette formation. Après cet exercice, chacune prend conscience de son engagement et de son rôle en tant qu’actrice au sein de la formation. C’est en effet la démarche d’éducation populaire : le «retour sur expériences» pour amener questionnements et débats. La photographie du jeu est très esthétique, la ficelle s’entremêlant en formant une étoile symbolisant le lien qui unit les participantes.

L’ensemble des formées définit ensuite le cadre de cette formation : règles de bienveillance, respect mutuel, prise de paroles, importance de l’écoute, de l’accueil des sentiments et des émotions de chacune.

Le premier atelier consiste à échanger en petits groupes sur le mot «féminisme.» Ce qu’il évoque et comment le définir. Pour cela, un outil nommé « les bulles », une feuille A3, est mis à disposition, au centre duquel doit figurer le mot questionné. Se pose d’emblée la question du nombre : faut-il écrire féminisme avec ou sans «s» ? Pluriel ou singulier ? Chacune s’exprime à tour de rôle et toutes sont d’accord pour convenir que l’absence d’un «s» n’entrave en rien l’inclusion de toutes les diversités féminines et féministes dans la définition à donner dans la deuxième étape de l’exercice. Autour de cette bulle centrale qu’est le « féminisme », d’autres bulles sont reliées, formant une carte mentale. Le remplissage est source de débat : qu’est-ce qui semble essentiel dans le féminisme, la lutte pour l’accès aux mêmes droits que les hommes, l’égalité, l’équité de toutes et tous, la lutte contre les violences, le libre exercice de sa sexualité … Une discussion intergénérationnelle passionnante fait prendre conscience à toutes de la pluralité des parcours de vie, des différents contextes dans lesquels chacune a grandi et de l’influence que ces parcours ont dans la manière dont chacune conçoit le féminisme.

Dans la peau d’un homme cisgenre

Le deuxième temps proposé est une réflexion individuelle : «si j’étais née de l’autre sexe, quelle aurait été ma vie ?» Une participante se met dans la peau d’un homme cisgenre. Elle semble perplexe à l’idée de cette introspection personnelle. Son sexe biologique de femme et son genre féminin ont-ils des impacts dans sa vie au quotidien? Cette condition entrave-t-elle certains de ses choix ?  Un silence pesant s’installe. L’ambiance chaleureuse et gaie du début de journée se dissipe et le temps introspectif semble long. Une participante s’exprime : «si j’avais été un homme, je ne me retournerais pas dans la rue pour vérifier qu’on ne me suit pas en pleine nuit, je voyagerais seule là où je rêve d’aller, je ne serais certainement pas là aujourd’hui dans une association féministe.» Colère, tristesse, joie, fierté et peine sont partagées et font prendre conscience de ce que signifie être une femme dans notre société. Malgré des témoignages parfois intenses et douloureux, les participante ne se sentent pas du tout victimes. Au contraire, toutes expriment la fierté d’être femmes.

Troisième atelier, une activité théâtrale par groupe de quatre: «je ne suis pas celle/celui que vous croyez !» Chaque groupe doit interpréter une saynète impliquant des stéréotypes de genre. Un rôle principal interprète une jeune femme de 16 ans qui annonce à ses parents qu’elle a pour projet de voyager seule et de financer son voyage au Maroc en faisant des petits boulots au cours de sa route. Difficile de ne pas tomber dans les clichés de genre ! Juste avant les interprétations, les formatrices avaient expliqué que chaque groupe devait changer le genre du personnage principal tout en conservant les dialogues initiaux. La scène devient alors totalement absurde, les dialogues n’auraient donc pas été imaginés s’il était question d’un jeune adolescent en quête d’aventure.

Une autre saynète met en scène une jeune femme de 30 ans qui raconte à ses ami.es qu’elle a rencontré l’homme de sa vie qui a 18 ans. Le changement de genre permet alors d’avancer un débat autour de la question de la domination dans les couples hétérosexuels et homosexuels en fonction des âges et des situations économiques. En effet, dans cette deuxième situation, l’homme plus âgé que sa partenaire est souvent valorisé alors que dans la situation contraire une femme plus âgée sera traitée de cougar.

Encore une fois cet atelier fait émerger des discussions, des questions : faire le choix de jouer les clichés ou au contraire en sortir totalement ? L’absurdité des différentes saynètes interprétées offre une prise de conscience du déterminisme social du genre au sein de notre société. Leur dimension saugrenue permet d’observer nos propres constructions sociales et ainsi de les déconstruire ensemble dans la démarche de l’éducation populaire.

Un atelier manuel, est proposé autour des mots qu’on utilise pour désigner le sexe. A disposition, de la pâte à modeler, des stylos, du papier pour «représenter un sexe de notre choix», en binôme. Place à la création, un binôme se lance dans la construction d’une vulve et de son clitoris en 3D, fière du résultat. Il s’agit ensuite d’écrire les mots qui évoquent pour chacune le mot vulve : «chatte, zigounette, foufoune…». Chaque création rassemblée fait l’objet d’une exposition et stimule le débat autour du vocabulaire employé : «petites/grandes lèvres» ou «lèvres extérieures/intérieures» ou «lèvres poilues». Vient un temps d’échanges autour des normes véhiculées par la pornographie, l’usage des labioplasties (1), la fonction du périnée et des techniques de musculation telles que les boules de geisha.

Des ateliers de réflexion questionneront les sens des concepts tels : «santé sexuelle», «prévention.» Penser individuellement aux mots «santé sexuelle», expliciter cette notion en 5 mots, puis les confronter à plusieurs. Les différentes confrontations d’idées réaniment en permanence le débat, l’argumentation, la négociation et enfin le compromis. Se demander collectivement le sens de «prévention» produit une profusion de paroles, de concepts : éducation, droit, santé, écoute, responsabilité, liberté de ses choix, sensibilisation… pour conclure sur un débat autour de la différence entre l’accompagnement et la prévention. En effet, la prévention ne se limite pas à transmettre de l’information, elle est tout aussi liée à l’écoute de l’autre.

Quelles sont les conditions idéales et les obstacles à l’écoute ? Pour répondre à cette question, des petits groupes se forment afin d’échanger sur les pratiques de chacune. Les réflexions tournent autour des conditions dans lesquelles l’écoutant.e et l’écouté.e se situent afin que l’échange soit optimal. Il s’agit, là encore d’une démarche d’éducation populaire, l’écoutant.e n’est pas dans un rapport hiérarchique avec l’écouté.e. L’écoutant.e se doit d’informer, sans pour autant orienter les choix. Son rôle est d’instaurer un climat bienveillant, de confiance dans lequel la personne écoutée pourra s’exprimer librement sans être interrompue, ni jugée. Les silences peuvent être nécessaires pour que l’écoutée trouve ses propres mots.

Afin de mettre en application l’ensemble des échanges, les formatrices présentent un atelier pratique écoutante/écoutée : «le jeu de l’étoile.» Les dernières piochent une situation à interpréter en 2 minutes sur des questions de santé sexuelle, genre et prises de risques. Toutes les propositions choisies sont le reflet de l’exercice professionnel des animatrices de prévention et conseillères conjugales et familiales. A tour de rôle l’écoutante deviendra écoutée et inversement.

Une participante débute l’exercice en tant qu’écoutante et son écoutée interprète le rôle d’une jeune femme dont les rapports sexuels sont systématiquement douloureux. L’écoutante la questionne sur ses propres questionnements, qu’est-ce qui l’a fait venir au Planning Familial ? Elle tente de comprendre son contexte de vie sans pour autant être intrusive : ses rapports sont-ils consentis ? Eprouve-t-elle du désir pour son partenaire ? En a-t’elle discuté avec la personne concernée ? De quoi aurait-t-elle besoin ? La première chose est de comprendre la situation, identifier les besoins, craintes de l’écoutée et d’apporter les informations souhaitées sans pour autant orienter ses choix. La diversité des propositions a rendu le jeu de rôle très formateur : comment réagir face une femme victime de violences conjugales ? `

L’âge idéal pour sa première fois

L’écoutante passe ensuite au statut d’écoutée, la situation qu’elle doit interpréter est la suivante : «je suis une adolescente de 14 ans et j’ai très envie de faire l’amour avec mon amoureux mais on m’a dit que l’âge idéal pour sa première fois était 16 ans, que dois-je faire ?» Les écoutantes tentent de comprendre sa situation, quel âge à son partenaire ? S’agit-il de sa première fois à lui aussi ? Est-ce qu’elle en a discuté avec lui ? Elles s’assurent que l’envie est partagée et l’informent de ses droits, lui demandent si son partenaire est mineur et s’il s’agit d’un acte désiré et consenti, l’âge idéal étant celui qu’elle se définit. Cette dernière situation fait l’objet d’un débat autour du sens des termes employés et des présentations normatives de la sexualité qu’ils illustrent.
Que signifie faire l’amour ? L’écoutée définissait-elle cette pratique par l’acte de la pénétration ? La pénétration précédée ou non par des dits “préliminaires” est encore majoritairement considérée comme l’unique acte sexuel légitime. Il est important de déconstruire ensemble ces idées reçues, en nous rappelant que les baisers, les caresses font pleinement parties de la sexualité.

L’atelier a pour objectif d’adopter une bonne posture d’écoute et non d’apporter des réponses et solutions types, car chaque situation est particulière. Encore une fois, à travers ce jeu de rôle, la démarche de l’éducation populaire est mise en œuvre : reconnaître que toutes et tous sont capables de créer, d’alimenter la connaissance et de participer au changement social. Cette démarche dynamique souhaite sortir d’un système de hiérarchie des savoirs en mettant l’accent sur la production de savoirs collectifs.

Dune Kreit 50-50 magazine

1 La labiaplastie ou nymphoplastie, parfois orthographiée labioplastie et quelquefois appelée réduction des petites lèvres ou réduction labiale, est une intervention de chirurgie plastique sur les grandes lèvres et / ou les petites lèvres, qui sont des replis externes de la peau entourant les structures de la vulve. Source Wikipedia

Pour toute information sur cette formation, vous pouvez contacter par mail la Fédération Ile-de-France du Planning Familial : mfpf.idf@gmail.com

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