Brèves Loi sur la pornographie en ligne : une idée qui manque d’ambition

50% des enfants de 12 ans ont déjà vu un film pornographique en entier (support internet ou autre), et 75% ont déjà été exposés à des images pornographiques avant l’entrée au collège, soit avant 11 ans. Face à ce constat nous ne pouvions que commencer par nous féliciter que le gouvernement prenne enfin des mesures pour restreindre l’accès aux plateformes hébergeant des films pornographiques aux mineur·es, alors que le problème est pointé du doigt depuis longtemps sans jamais être pris en considération.

Jusqu’à présent, si les sites payants garantissaient le contrôle de l’âge par le biais des coordonnées bancaires – contrôle déjà limité car un adolescent mineur peut avoir une carte bancaire, les sites gratuits quant à eux, proposaient un pseudo-contrôle par une simple question : “avez-vous plus de 18 ans” à laquelle il suffisait de répondre oui. Les sénateurs ont voté, le 9 juin dernier, un amendement à la proposition de loi sur les violences conjugales pour renforcer la protection des mineur·es concernant leur exposition à la pornographie. […]

Plusieurs choses nous interpellent cependant : la facilité de contournement de la loi, par le biais d’un VPN par exemple, outil couramment utilisé et permettant de naviguer de façon privée et sécurisée, avec lequel il sera facile de tromper la plateforme. […] De plus, les fenêtres pop-up seraient selon une étude, à l’origine de 72 % des expositions accidentelles d’enfants au porno. Que nous propose-t-on pour y remédier ? Rien.

[…] Tout projet de loi visant à contrer ce problème devrait s’accompagner de mesures éducatives. Les effronté·es militent depuis longtemps pour un programme d’éducation contre le sexisme à l’école, incluant des cours d’éducation sexuelle, et l’apprentissage du consentement et du respect du corps de l’autre. Ces programmes auraient entre autres pour objectif de défavoriser l’envie des enfants et des adolescent·es d’aller chercher des contenus pornographiques, qui sont pour la très grande majorité d’entre eux des contenus violents et dégradants, avec une forte banalisation de ce qui était il y a quelques années considéré comme “hardcore”. […] On rappelle le scandale des viols de mineur·es, qui avait porté 300 associations luttant notamment contre la traite d’êtres humains à pétitionner pour la fermeture de Pornhub, recueillant les signatures de 192 pays. […]

Comme à l’habitude, le gouvernement se contente de mettre en place des mesures restrictives et répressives mais néglige l’éducation qui est pourtant primordiale. Les enfants ne vont pas chercher des contenus pornos par hasard. Ils se socialisent dans un environnement qui les y encourage : société patriarcale, culture du viol, femmes “à disposition” dans l’environnement publicitaire et audiovisuel, chansons aux paroles ultra-machistes, absence de discussion parentale sur le consentement et le désir ainsi que le respect du corps de l’autre. Le rôle de l’école est de pallier les failles de la société en éduquant les enfants à l’égalité entre les filles et les garçons.

Nous rappelons également que la Convention d’Istanbul ratifiée par la France en 2011, prévoit trois heures d’information sexuelle par an aux élèves (ce qui est un minimum), or le GREVIO, organe spécialisé indépendant chargé de veiller à la mise en œuvre de la convention par les États signataires, a récemment épinglé la France pour son manque d’application de cette disposition (et de bien d’autres).

Nous ne pouvons que nous étonner, face aux propos du président : “Nous ne pouvons pas d’un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l’autre, fermer les yeux sur l’influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes”. […] Il est étonnant de considérer qu’un genre qui violente les femmes et se passe de leur consentement – on rappelle la vidéo de Konbini où deux femmes témoignent des actes de violences et de viol qu’elles ont subis, ainsi que de leur droit à l’image bafoué par les plateformes qui avaient refusé de retirer les vidéos où elles apparaissent – puisse être considéré comme respectant les droits humains et la dignité humaine, et perdurer dans le plus grands des calmes. L’idée de cette loi mériterait donc d’être approfondie à plusieurs égards, seule, elle est insuffisante et trop peu ambitieuse.

Nous observons sur la toile des réactions stupéfiantes : certaines personnes semblent voir dans cette nouvelle étape dans la protection des mineur·es, une atteinte à leurs droits et leurs libertés. […] Les personnes qui formulent ces critiques ne semblent pas se soucier le moins du monde de la nécessité de protéger les mineur·es des contenus pornographiques. En arrière-propos nous y voyons, et certains ne s’en cachent pas, une défense du fameux “droit au sexe”, argument que nous combattons de manière générale mais qui nous scandalise encore plus quand il est question de protéger les enfants. […]

Nous rappelons au reste que la pornographie n’est pas une condition nécessaire à la masturbation. À bon entendeur…

Les Effronté·es

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