Articles récents \ Matrimoine Journées du matrimoine : la part des femmes dans l’Histoire

Nous sommes le 19 septembre, la  « Cité Audacieuse » accueille un événement dans le cadre des journées du Matrimoine organisées par H/F Culture IDF. Aux côtés d’un seul homme, une dizaine de femmes s’apprêtent à nous partager un ensemble d’archives, d’écrits et d’ouvrages élaborés par des femmes. Invisibilisées et oubliées, faire entendre à voix haute la place des femmes dans l’Histoire est une ressource primordiale pour constituer notre héritage culturel commun, mixte et égalitaire. Elles/il se sont mis·es dans la peau de femmes oubliées de l’Histoire: directrices de théâtres, entrepreneuses, comédiennes, scénaristes, réalisatrices, autrices, actrices, traductrices, adaptatrices, peintres… 

Christine de Pizan philosophe, poétesse et autrice de La Cité des dames, a vécu au XVème siècle. Elle est considérée comme la première femme de lettres de langue française qui a pu vivre de ses écrits.

Connue pour ses poésies, ses peintures (aujourd’hui disparues) et surtout pour ses pièces de théâtre, Françoise Pascal (XVIIème) sera quant à elle, la première femme dont l’œuvre dramatique est jouée par des troupes professionnelles. « La bienséance de mon sexe ne m’a permis de voir l’Académie que sur quelques livres dont les règles nous instruisent bien moins par les yeux que par les oreilles (…) »  affirme-t-elle. Elle côtoie l’élite lyonnaise, ce qui lui permettra d’assister à de nombreuses pièces de théâtre et s’instruira ainsi des pratiques théâtrales de son temps.

Louise Labé, poétesse française écrit en 1555 une lettre à son amie Clémence de Bourges. Elle y encourage les femmes à s’émanciper : « ne pouvant de moi-même satisfaire au bon vouloir que je porte à notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes, je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses Dames d’élever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaux, et s’employer à faire entendre au monde que si nous ne sommes faites pour commander, si ne devons-nous être dédaignées pour compagnes tant dans les affaires domestiques que publiques de ceux qui gouvernent et se font obéir. » 

Dans un extrait de Femmes et littératures Joan DeJean (XXème siècle) nous livrent de précieuses informations sur la place exponentielle prise par les femmes dans la création littéraire dès les années 1690. On compte désormais 19 romancières au milieu de la décennie. De 1687 à 1699, 33% des romans qui paraissent en France sont écrits par une femme. En 1698, les femmes sont à l’origine de 37,5% de la production et à leur apogée, en 1695, elles représentent 47% de la production annuelle. Ces romans sont des créations personnelles. Le temps de la collaboration avec des hommes est largement révolu. De manière générale, les femmes ont moins tendance à publier anonymement comme elles le faisaient plus tôt dans le siècle, elles adoptent le nom autrice qui montre que leur œuvre a belle et bien été écrite par une femme. Dans les années 1690, les pseudonymes masculins sont passés de mode. Jamais sous l’Ancien Régime les femmes n’ont autant été sur le devant de la scène littéraire qu’au cours de ces années-là.

Intégrer les œuvres de femmes dans la mémoire collective : une Histoire non exclusive et moins partiale

Les femmes ont dû prouver qu’elles pouvaient plaider des causes, soigner des pneumonies, devenir juge, écrire des articles et des romans, professer la littérature et la physique, entrer en politique. Que les femmes détiennent toutes ces « compétences » n’étaient pas apparues comme une évidence aux yeux des membres de la société. A celles et ceux dont le travail est d’étudier, enseigner, publier… il leur revient de mettre en évidence la place qu’occupe, de droit, les femmes dans l’espace culturel et plus largement public. Derrière les programmes scolaires vides de femmes, les festivals « 95% messieurs », les catalogues de jouets en rose et bleu, les demi-mesures législatives, certain·es ont décidé, d’autres ont accepté et d’autres encore protestent.

Cet événement met bien en lumière que notre matrimoine est un moyen et une clé qui permettent aux femmes comme aux hommes de comprendre avec exactitude l’Histoire. Le souvenir des créatrices d’hier doit aider à légitimer celles d’aujourd’hui dans la quête d’une scène artistique égalitaire. Il convient d’accompagner les générations actuelles à incarner des rôles sociaux plus inclusifs en leur laissant la possibilité de se reconnaître et de se déterminer dans des modèles aussi bien féminins que masculins. Ne se référer à aucun des deux genres en particulier, mais seulement à une personne en tant que telle peut s’envisager comme la suite logique de ce processus.

La représentation théâtrale s’achève par les paroles d’Eliane Viennot, historienne et professeuse émérite de littérature française de la Renaissance : « Il s’agit d’exiger que cette Histoire soit enseignée, que cet héritage soit exhumé, nommé, partagé. Les jeunes générations doivent pouvoir disposer d’autres modèles de femmes et d’hommes, d’autres versions de l’Histoire de France, d’autres références culturelles et politiques que celles dont on nous a abreuvé·es, d’autres façons d’écrire et de parler que la pathétique loi du « masculin qui l’emporte ». Déconstruire cette culture est indispensable pour rompre les amarres avec le monde où l’on considérait les femmes comme une sous espèce de l’humanité, une espèce au service des hommes… »

A ce titre, les journées du Matrimoine permettent de renouveler notre regard sur l’Histoire, les Arts et plus largement modifier nos représentations collectives ancrées dans les mœurs et qui, si elles tendent à le devenir, ne sont pas encore assez inclusives.

Chloé Vaysse 50-50 Magazine

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