Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Droits et santé des femmes à l’épreuve du Covid-19 : témoignages et perspectives féministes de la société civile ouest-africaine

Equipop a récemment publié une enquête réalisée d’avril à juin 2020 auprès d’une trentaine d’associations et d’activistes pour les droits des femmes de sept pays d’Afrique de l’Ouest.

Partout dans le monde, les associations et activistes mobilisées pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ont joué un rôle important dans la riposte face au Covid-19. Observatrices des impacts disproportionnés de la crise sur les femmes, lanceuses d’alerte sur les violations des droits et la détresse sociale, elles ont également participé à la prévention et à la prise en charge des conséquences sociales et sanitaires du Covid-19. En Afrique francophone, région du monde où Equipop a noué des partenariats solides ces vingt dernières années, les associations des droits des femmes ont été particulièrement actives. Ce rapport se fait l’écho de leurs voix et de leurs recommandations. 

 » La crise a exacerbé des situations inégalitaires à tous les niveaux », pointe Sylvia Apata, Secrétaire exécutive de l’organisation des Citoyennes pour la Promotion et la Défense des Droits des Enfants, Femmes et Minorités (CPDEFM) en Côte d’Ivoire.  » Les violences à l’encontre des femmes ont augmenté de façon significative avec l’isolement : violences économiques, violences physiques, mais aussi violences morales qui se traduisent par exemple par des injures ou des menaces de répudiation « . Les partenaires témoignent également des impacts de la pandémie sur la santé des femmes et en particulier sur leur santé sexuelle et reproductive du fait d’une diminution conjointe de l’offre et de la demande de services. Certaines catégories, comme les jeunes et adolescentes, sont particulièrement touchées et les effets à moyen terme s’annoncent lourds. 

Malgré cette situation, les réponses politiques et programmatiques apportées à la crise ont été peu sensibles à ces enjeux. Les activistes et associations d’Afrique francophone formulent un besoin criant : que les gouvernements et les bailleurs les écoutent, les impliquent et soutiennent les associations, particulièrement en temps de crise. Elles expriment également des espoirs pour qu’ils tirent des leçons des réalités vécues et fassent évoluer leurs pratiques en s’engageant dans le renforcement des services publics et du milieu associatif afin de participer à l’émergence de sociétés plus justes et résilientes. 

Quelles sont les grandes conclusions de cette enquête ? 

Et maintenant que fait-on ? Après avoir fait un état des lieux de l’impact de la crise vue par les activistes et associations des droits des femmes en Afrique de l’Ouest, trois grandes catégories de défis ont été identifiées : 

1. Défi collectif : pour limiter les retours en arrière, redoubler d’efforts pour renforcer les systèmes publics et s’engager dans la construction de sociétés égalitaires entre les femmes et les hommes. Il apparaît important que chaque acteur et actrice, gouvernement, bailleur, association et activiste renouvelle son engagement en faveur de réponses pérennes et systémiques en faveur de la lutte contre les inégalités femmes-hommes et pour les droits humains. Il s’agit notamment de garder en tête les objectifs définis en matière de santé publique et d’accès aux droits, avant l’arrivée de la pandémie, et de se battre collectivement pour conserver les moyens initiaux, voire les renforcer. 

2. Défi pour les gouvernements : co-construire les politiques publiques avec les associations et les femmes. Le constat dressé par notre enquête est formel : en temps de crise, les gouvernements doivent mieux intégrer les associations dans les discussions, les prises de décision et la mise en œuvre des actions. Cette co-construction de la réponse entre puissance gouvernementale et associations permettrait de rendre les mesures prises plus pertinentes et renforcerait la confiance et l’attention que les populations apportent aux messages et dispositifs de prévention. Par ailleurs, la prise de décision reste largement modelée par des systèmes patriarcaux. Les femmes sollicitées à l’excès dans les soins à apporter – comme au foyer, où la responsabilité des tâches domestiques leur incombe tacitement – restent peu représentées dans les espaces.

3. Défi pour les bailleurs : construire des relations de confiance avec les associations, réinventer les modalités de partenariats et maintenir leur soutien sur le moyen terme. Plus que jamais, une situation de crise montre les liens étroits existants entre les différent·e·s acteurs et actrices d’un écosystème. L’attitude des bailleurs et leur capacité à comprendre les enjeux “du terrain” conditionnent fortement la capacité des associations à être réactives et à apporter des réponses pertinentes aux publics qui en ont besoin. Ils conditionnent également les emplois des personnes qui travaillent dans ces associations et leur existence à moyen terme. Il ressort de ces échanges que certaines modalités de partenariat entre bailleurs et associations sont nettement plus bénéfiques que d’autres, et que la résilience des associations – comme leur utilité sociale – dans ce type de situations de crise est liée à la confiance et à la solidité de leurs relations avec les bailleurs ainsi qu’à la souplesse du cadre contractuel. 

Equipop

L’enquête

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