Articles récents \ France \ Société Une étude préoccupante sur l’entrée dans la sexualité des étudiant·es

En novembre 2020, l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), affilié à l’Institut national d’études démographiques (INED), a publié une enquête sur la santé sexuelle des étudiant·es. Cette enquête a été menée sur la base de 18 875 réponses de la part d’étudiant·es inscrit·es à l’université en France métropolitaine et outre-mer pour l’année 2015-2016. Les conclusions de cette étude sont préoccupantes, aussi bien en termes d’éducation à la santé sexuelle que d’éducation au consentement.

Le rapport présente, tout d’abord, les chiffres de l’entrée dans la vie sexuelle : « Alors qu’à 17 ans, la moitié des étudiantes et étudiants inscrits à l’université n’a jamais eu de rapport sexuel, ils ne sont plus qu’un quart dans ce cas à 22 ans. » L’université apparaît donc comme une étape importante dans la vie sexuelle des jeunes, ce qui renforce la nécessité de sensibilisation de ce public à la santé sexuelle et au consentement.

Parmi les étudiant·es ayant déclaré avoir déjà eu des relations sexuelles, l’enquête indique que : « la proportion de premiers rapports « acceptés mais pas vraiment souhaités » ou « forcés » est deux fois plus élevée chez les étudiantes (13 %) que chez les étudiants (6 %) ». Cette information est préoccupante parce qu’elle montre que la notion de consentement n’est pas assez diffusée auprès des jeunes, d’où la nécessité de renforcer l’éducation sexuelle au collège, au lycée et à l’université. 

Des rapports sexuels « acceptés mais pas vraiment souhaités » ou « forcés » ne s’appellent-ils pas des viols ? Aucun commentaire n’est fait à ce sujet de la part des rédactrices/rédacteurs du rapport. Cette euphémisation dérangeante se poursuit dans la suite du rapport.

Un rapport « pas vraiment souhaité, voire contraint » est un viol

Le rapport établit une corrélation entre les conditions du premier rapport sexuel et l’utilisation d’un préservatif. Il y est écrit : « alors que 16 % des étudiantes et 20 % des étudiants dont le premier rapport était « souhaité à ce moment-là » disent ne pas avoir utilisé de préservatif, ces proportions atteignent 26 % et 41 %, respectivement, lorsque le premier rapport n’était pas vraiment souhaité, voire contraint. » Une fois de plus, la formulation est dérangeante : un « rapport [qui] n’était pas vraiment souhaité, voire contraint » est un viol. 

En outre, il aurait été intéressant d’affiner les critères de la recherche, notamment pour savoir si, parmi les étudiant·es qui déclarent n’avoir pas utilisé de préservatifs, certain·es ont été victimes de stealthing. Le stealthing (furtivité en français) est une pratique répandue chez les étudiant·es qui consiste à retirer le préservatif pendant un rapport sexuel, que ce soit consenti ou non. Il faut savoir que le stealthing peut être considéré comme un viol en droit français

La nécessité d’une éducation à la santé sexuelle

Le rapport met, cependant, en avant des tendances intéressantes qui montrent que les pratiques à risque sont plus présentes chez les hommes, surtout lors d’une entrée précoce dans la sexualité, chez les étudiant·es issus des familles les plus modestes (revenus des parents inférieurs à 1 500 € par mois) et chez les étudiant·es étranger·es. 

Le rapport note également que, même s’ils ont moins recours au préservatif que les femmes, les hommes « sont aussi moins nombreux à déclarer avoir déjà eu une infection sexuellement transmissible (9 % versus 13 %) ». La raison : les hommes n’ont pas le même suivi régulier que les femmes en ce qui concerne leur santé sexuelle. Le rapport encourage les hommes à un dépistage systématique et précoce des infections asymptomatiques pour éviter les contaminations entre partenaires. Enfin, le rapport souligne de façon intéressante que la charge de la santé sexuelle et reproductive incombe aux femmes plus qu’aux hommes et qu’une responsabilisation des hommes est nécessaire pour un partage équitable des rôles. 

Une autre faille est à noter dans ce rapport. Aucune information n’est donnée sur l’orientation sexuelle des étudiant·es sondé·es ; les pratiques hétérosexuelles ont-elles été considérées comme la norme ? Si c’est le cas, ce rapport ne peut pas être totalement représentatif des pratiques sexuelles des étudiant·es…

Maud Charpentier 50-50 Magazine

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