Brèves Protection des mineur·es face aux crimes sexuels : on n’y est toujours pas !

La proposition de loi “visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels a été adoptée par la commission des lois du Sénat le 21 janvier 2021. Si elle apporte quelques avancées, comme la création d’un crime sexuel sur mineur·e de 13 ans, elle laisse de côté nombre de problèmes et de revendications portées depuis de nombreuses années par les associations féministes et de protection de l’enfance.

La criminalisation de tout rapport sexuel avec pénétration d’un·e adulte sur une mineur·e de 13 ans est insuffisante pour deux raisons :

  • elle instaure pour la première fois un âge-seuil pour consentir à un acte sexuel avec un adulte, mais trop bas. Un enfant de 13 ans ne peut pas consentir librement. L’âge à retenir doit être celui de la majorité sexuelle, soit 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste et de rapport d’autorité de l’auteur sur la victime.
  • elle oublie d’inclure les agressions sexuelles (soit toute atteinte sexuelle sans pénétration, commise avec violence, contrainte, menace ou surprise), cas dans lesquels l’enfant de moins de 13 ans devra toujours prouver son consentement, ce qui constitue un scandale absolu.

Nous ne comprenons pas l’absurdité de cet “oubli” : le sujet ne ressort même pas dans les échanges qui ont eu lieu lors de l’examen en commission, la question de l’agression sexuelle d’un·e adulte sur un enfant n’a pas effleuré les sénateurs et sénatrices : c’est effrayant !

Par ailleurs, en plein #MeTooInceste, les avancées pour protéger les victimes restent plus que modestes. Dans le cadre du nouveau crime sexuel sur mineur·e de 13 ans, l’inceste relève d’une simple surqualification pénale sans incidence sur la peine encourue. En revanche, il constitue enfin une circonstance aggravante dans le cadre du délit d’atteinte sexuelle sur mineur·e de 15 ans, mais toujours pas une infraction spécifique qui ne saurait présumer d’un consentement de l’enfant.

Il est odieux et aberrant qu’un acte incestueux d’un adulte sur un enfant relève du simple délit où l’enfant, qui a entre 13 et 14 ans, est considéré comme consentant, dans la mesure où il n’a pas pu prouver son absence de consentement.
Un·e mineur·e de moins de 18 ans ne saurait consentir à un acte sexuel avec un parent.

Autre abandon : toujours pas d’imprescriptibilité pour les crimes sexuels sur mineur·es.

Et toujours rien sur l’outillage et la formation des professionnel·les en contact avec les enfants à détecter les violences. Toujours pas de formation initiale et continue dans la justice, ni dans la police, deux institutions qui ne sont déjà pas formées à traiter correctement les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes.

Aucune formation à la victimologie et à la traumatologie des experts psychiatres auditionnés dans des enquêtes pour violences sexuelles sur mineur·es et qui rendent des rapports totalement erronés, remplis de poncifs patriarcaux. Cette formation est absolument urgente et indispensable !

Et bien entendu l’absence de moyens est toujours la grande absente des débats et notamment de la communication gouvernementale : le président Macron, qui s’est exprimé ce samedi 23 janvier, n’en a fait aucune mention. Les lois ne peuvent être appliquées sans moyens. La justice ne peut s’exercer correctement sans moyens. Le fléau de la correctionnalisation des viols (80% des cas) est en partie due à l’engorgement des tribunaux d’assises qui poussent les victimes à accepter la correctionnalisation du viol qu’elles ont vécu (entraînant la requalification du viol en agression sexuelle).

Pour finir, le président a demandé au ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti et au secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, « de mener une consultation qui devra déboucher rapidement sur des propositions ».
Les propositions vous sont faites depuis bien longtemps par les organisations compétentes, monsieur Macron. Il vous suffit de les écouter. Ce qui éviterait de reporter encore et toujours leur mise en application.

Les Effronté·es 

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