Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Une journée ne peut suffire à insuffler les changements requis en faveur des droits des femmes

8 mars droits des femmes institut du genre en géopolitique

En ce 8 mars 2021, nous célébrons la journée internationale des droits des femmes. Or, la COVID-19 nous l’a rappelé : bien que les femmes assurent un rôle central dans nos sociétés, leurs droits restent fragiles et bafoués. Selon le Global Gender Gap Report de 2020, un siècle serait nécessaire avant d’atteindre l’égalité femmes-hommes dans le monde. Des prédictions à revoir à la hausse en raison des mesures prises contre les droits des femmes au cours de la pandémie. C’est pourquoi chaque jour doit compter. La société civile l’a bien compris. De par le monde, les initiatives féministes se multiplient face à des inégalités persistantes et trop souvent croissantes. Il est donc temps pour les États d’assumer leurs responsabilités et de soutenir le changement vers l’égalité, bien au-delà d’une journée de mobilisation et de sensibilisation.

Si les femmes se battent sans relâche depuis des siècles pour obtenir les droits qui leur reviennent, il aura suffi de 400 jours d’une crise mondiale pour qu’ils soient attaqués. Du Brésil à l’Inde, du Nigéria à la Russie, le fléau des violences au sein du foyer a frappé sans distinction. Au Mexique, en 30 jours de confinement, le taux mensuel de féminicides a été le plus élevé de ces cinq dernières années. De rares pays ont pris des mesures pour protéger les femmes et leurs droits. Toutefois, aucun État ne peut se targuer d’avoir agi à la hauteur des défis rencontrés par les femmes.

Durant cette pandémie, plusieurs gouvernements ont perçu l’opportunité de restreindre, voire d’interdire, l’accès des femmes à leur droit fondamental d’avorter. En Pologne, la lutte pour un accès plus libre à l’avortement dure depuis plus de 10 000 jours, mais seulement 90 jours ont permis à l’adoption d’un arrêt encore plus restrictif par le Tribunal constitutionnel. Aux États-Unis, de nombreux États mettent un point d’honneur à anéantir près de 36 500 jours de lutte ayant abouti à l’arrêt Roe vs Wade en 1973. Enfin, en octobre 2020, une trentaine de pays ont balayé des décennies de plaidoyer en faveur des droits sexuels et reproductifs en approuvant le consensus de Genève, attestant qu’il n’existe aucun droit international à l’avortement.

Ces atteintes portées aux droits des femmes dans le monde sont inadmissibles. Elles s’opèrent alors même que les sociétés reconnaissent que les femmes jouent un rôle essentiel dans nos sociétés, occupant majoritairement les métiers dits « de première nécessité ». Et bien qu’elles aient été le pilier de nombreuses nations durant cette crise, elles ont aussi été confrontées à une féminisation de la pauvreté accrue. Hausse du travail non rémunéré, baisse des salaires, déscolarisation forcée… La situation de nombreuses femmes dans le monde devient précaire et alarmante. Ces phénomènes sont tristement universels.

Toutefois, si l’Organisation des Nations unies promeut une action forte et multilatérale pour permettre l’égalité de genre en vue de construire un avenir équitable, les mesures prises – quand elles existent – sont avant tout nationales. En mars 2020, ONU Femmes recommandait des mesures gouvernementales à prendre pour limiter les conséquences de la COVID-19 sur les femmes – qui pâtissent le plus durement des crises. Alors que dans ce contexte, l’ONU continue d’impulser un multilatéralisme des droits des femmes, les gouvernements doivent encore démontrer un engagement politique ferme. En effet, quelles ont été les actions tangibles mises en place pour inclure une perspective genrée dans les politiques publiques ?

Au cours de cette période l’Union européenne s’est démarquée par un manque de convergence des décisions prises, comme en atteste la question de l’accès à l’avortement. Plusieurs entités du Conseil de l’Europe ont tenté d’apporter des réponses globales : via notamment un webinaire de l’Assemblée parlementaire traitant des violences pendant le confinement où les gouvernements ont été vivement encouragés à appliquer la convention d’Istanbul. Pourtant, chaque État-membre a instauré des mesures et des pratiques, indépendamment des autres.

Qu’attendent donc les pouvoirs politiques pour opérer un véritable changement en faveur de celles qui se sont avérées indispensables en période de crise ? Pourquoi persister à faire des promesses creuses lorsqu’il s’agit de remédier aux problèmes qui affectent la moitié de la population ?

Face à cette inertie des gouvernements et à l’impuissance des instances internationales, les femmes peuvent compter sur les actions et les réactions citoyennes et associatives qui dénoncent une négligence des conditions de vie féminines. En vue d’évènements internationaux, comme le Forum Génération Égalité, co-présidé par la France, les associations féministes échangent, travaillent et coordonnent leur plaidoyer. Elles font preuve d’une grande force collective et résilience, face à des financements insuffisants et le soutien inconsistant et peu ambitieux des politiques.

Loin de renoncer compte tenu de la situation sanitaire, la société civile a mis à profit l’activisme en ligne pour poursuivre ses actions et faire connaître ses revendications féministes. Toutefois, une action citoyenne, même de grande ampleur, ne peut compenser l’absence de mesures concrètes prises dans le cadre politique. Par ailleurs, si l’impulsion citoyenne oblige parfois les pouvoirs étatiques à promouvoir les droits des femmes, peu d’entre eux élaborent de véritables plans d’actions contre les inégalités de genre.

Au cours de cette période, l’Organisation des Nations unies, d’un côté, et les citoyens et citoyennes de l’autre, ont dénoncé ces inégalités et appelé à un changement sociétal et politique majeur. Face à cette demande pressante, les États se doivent d’assumer leur responsabilité et leurs engagements.

Dans quelques mois, aura lieu le Forum Génération Égalité dont l’objectif est d’accélérer la mise en œuvre des engagements mondiaux en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les États doivent entendre les voix qui demandent des changements radicaux et être au rendez-vous, la France, de par son rôle d’hôte du Forum, tout particulièrement.

Co-signataires :
Care France
le Fonds pour les Femmes en Méditerranée
le Planning familial
Amnesty International France
Humanity Diaspo : HAMRA Rana, Directrice exécutive
WECF France : Véronique Moreira, Présidente
Oxfam France
En avant toute(s)
ONE
ACT-DTOUR, Reine KOUETE, Présidente
Americans for Democracy and Human Rights in Bahrain (ADHRB)
Solthis : Serge Breysse, directeur général
Coordination SUD : Olivier Bruyeron, président
Sidaction

Institut du Genre en Géopolitique

Illustration : Yona Rouach.

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