Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages Pierre Colin : «les mecs commencent à se dire que c’est aussi à eux d’assumer la contraception» 2/2

En 1978, des hommes créent l’Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine (ARDECOM). Pour la première fois en France la question de la contraception masculine se pose. En 2021, il reste un long chemin à parcourir pour que les hommes soient informés et acceptent de choisir une des méthodes de contraception. Pierre Colin est l’un des premiers avec Daniel et Philippe à utiliser un moyen de contraception masculine et se bat depuis plus de 40 ans pour que d’autres suivent cet exemple de solidarité et de recherche de l’égalité et de la remise en question des masculinités en direction des femmes. 

Au niveau des freins, il y a d’abord les mecs. Moi je suis vieux et donc je vois qu’il y a une évolution des mentalités chez les mecs plus jeunes qui s’occupent plus des enfants, des bébés. Ils ne prennent pas encore beaucoup les congés parentaux mais ils les amènent à la crèche, ils font la bouffe, ils font un peu de repassage, pas beaucoup le ménage mais quand même… Et donc la contraception, cela reste le dernier bastion parce que c’est quand même toujours les femmes qui s’en occupent !
Pendant longtemps on a dit que oui, c’était normal étant donné que ce sont les femmes qui doivent faire une IVG suite à une grossesse non désirée, donc ce sont elles les premières concernées et en se contraceptant, elles sont sûres d’elles-mêmes, mais ça commence à bouger et les mecs commencent à se dire que c’est aussi à eux d’assumer la contraception.

Je pense qu’il y a une belle évolution et je pense aussi que la vasectomie est en train de progresser. Nous étions à 0,8 % il y a 5 ans et maintenant nous sommes à 1 %. Il y a donc une évolution et on voit de plus en plus d’hommes qui n’ont pas d’enfant qui se font vasectomiser. C’est peut-être aussi parce que la société est de plus en plus pourrie et qu’ ils ne veulent pas mettre au monde des enfants qui auront à subir les catastrophes écologiques ou les guerres mondiales et donc c’est vrai qu’il y a une demande croissante.

Manque de dynamisme et d’intérêt chez les docteur·es

Un des freins principaux, c’est le manque de dynamisme et d’intérêt chez les docteur.es. Il y a longtemps Cecile Ventola a rédigé une thèse comparant le système anglais et le système français au niveau de la contraception, et effectivement, en Angleterre, il y a eu une politique toujours eugéniste afin que les pauvres du Common Wealth ne submergent pas l’Angleterre. Ils ont développé la vasectomie et ont donc 20 % de vasectomisés. En Espagne, ils ont 10 % de vasectomisés. La France est loin derrière !

Après la guerre de 14-18 et ses millions de morts, il y a eu une volonté de politique familiale d’incitation qui a été très forte et qui continue encore en fait. Et la particularité en France, ce sont les gynécos, qui n’existent pas dans les autres pays et qui font qu’en général ce sont des femmes qui parlent aux femmes et les mecs ne sont jamais interpellés, ils ne sont jamais invités à venir aux consultations. En Angleterre, par exemple, la/le généraliste est obligé·e, comme elle/il est payé·e par l’Etat, de faire signer le couple, (parce que c’est le couple qui vient), sur le fait que la femme et l’homme ont bien pris connaissance de toutes les méthodes de contraception, y compris, le retrait, la capote et la vasectomie !

Du coup, il y plus d’Anglais qui se disent qu’ils n’ont pas envie d’enfant ou qu’ils en ont trois et que ça suffit, au lieu d’avoir une ligature des trompes, ils font une vasectomie qui dure 10 minutes et puis voilà !

Donc les docteures sont beaucoup responsables de ça ! Il n’y a pas de formation spécifique pendant les études de médecine sur la reproduction mâle et sur les méthodes de contraception masculine : seulement deux sessions par la Société d’Andrologie de Langue Françaises( SALF), soit une trentaine de docteur·es formé·es. Le point positif est que l’Etat reconnaît ces formations sur les méthodes thermique et hormonale. Les docteur·es ne connaissent que l’appareil reproducteur de la femme et très peu celui des hommes. Il est donc normal que cela ne leur vienne pas à l’esprit, quand un mec ne veut plus d’enfant, de leur proposer une vasectomie.

Et les mecs aussi c’est pareil ! Nous n’avons pas du tout conscience de notre corps, nous avons une machine qui doit fonctionner, qui doit tourner. Il y a une prise de conscience plutôt perverse qui est que pour être beau, il faut avoir des muscles et donc les mecs prennent de la testostérone pour avoir des gros muscles, pour faire de la gonflette. Mais nous ne savons pas en tant que mec ce qu’est un·e urologue ou quun·e andrologue.
Nous y allons quand nous arrivons pas à bander ou à cause de la prostate quand nous vieillissons mais c’est tout, l’andropause, on en parle si peu !

Et donc l’équivalent des gynécologues « qu’on voit régulièrement » est inconnu pour les hommes. Et en plus de ça, les urologues et andrologues ne sont pas très curieux des méthodes contraceptives pour les mecs.

Il y a eu un papier très intéressant de l’Association Française des Urologues (AFU) sur la contraception masculine et sur les méthodes que l’on va sans doute voir émerger. Il y donc aussi une reconnaissance « officielle » des urologues.

Les andrologues et urologues commencent donc un petit peu à bouger et à reconnaître qu’il y a une contraception masculine.
Mais les mecs qui nous écrivent et qui nous appellent nous disent qu’il y a quand même beaucoup de docteur
·es qui disent que cela n’existe pas, que c’est pas fiable etc. Il y a parfois une meilleure information des hommes par les hommes que par des médecins ! Incroyable..

C’est ce qui diffère de l’époque 75-78, où il y avait un militantisme (MLAC) pour se battre pour l’IVG, pour la contraception féminine etc. Il y avait alors un certain nombre de docteur·es partant·es pour essayer de suivre les mecs.

Il y a très peu voir pas d’industriels qui sont intéressés par la contraception masculine. Il y a même eu des ruptures d’approvisionnement de testostérone pour faire les piqûres. La boîte qui faisait ça a été rachetée par Bayer qui considère que ce n’est pas rentable donc  Bayer abandonnerait presque la fabrication. C’est un peu incompréhensible. Nous nous avons toujours été réticents à aller voir les labos pharmaceutiques mais je pense qu’un jour il faudrait qu’on les rencontre  pour essayer de comprendre pourquoi, vu qu’ils vendent à 30 millions de femmes des méthodes de contraception, pourquoi ils ne vendraient pas à 10 millions de mecs une contraception .

La vasectomie n’est pas intéressante pour eux, effectivement, vu que c’est du one shot. Une fois que c’est fait, c’est fait ! Donc ce n’est pas rentable. Alors que prendre une pilule, ça se renouvelle. Là ils pourraient au moins renouveler la contraception hormonale. Mais pour le moment, ils doivent considérer que le marché n’est pas intéressant donc ils ne produisent pas un produit pour une centaine d’ huluberlus.

Un rapport de force entre les associations, l’Etat et les labos.

Pinkus a sorti la pilule pour femmes parce qu’il avait des femmes en marche qui exigeaient une contraception. L’entreprise a utilisé des femmes portoricaines pour tester la pilule. Elles en ont subi les conséquences. Et les femmes américaines ont eu une contraception, puis le monde entier.

Il y a eu un rapport de force entre les associations, l’Etat et les labos.

Aujourd’hui, on essaie de faire monter un peu la pression ! D’où l’appel du 6 mai, où nous demandons à ce qu’il y ait une information sur la contraception masculine. Nous avons déjà rencontré le ministère de la Santé et le ministère de l’Egalité entre les femmes et les hommes plusieurs fois. Et à chaque fois elles/ils découvrent en disant « Ah oui ! C’est intéressant ! on ne connaissait pas, c’est bien que vous existiez ». Nous leur disons : « nous avons peu de moyen, pas de subvention, nous n’avons rien. Donc est-ce que vous pouvez nous aider à diffuser  l’information ?« 

La plupart des centres de planifications sont quand même payés par les départements, par les sénatrices/sénateurs. S’il y avait une publicité payée dans chaque département, cela permettrait d’avoir dans les écoles et tous les centres de planification (9 % sont gérés par le Planning Familial) une information sur la contraception masculine et une éducation à l’égalité femmes/hommes pour la prise de responsabilité et de risques par les garçons et les filles à égalité pour ne pas avoir d’enfants.

Les choses commencent un petit peu à changer. L’ANCIC va faire une plaquette sur la contraception masculine. Il y a un gros boulot d’information à faire. C’est ce qu’on demande au ministère. Elisabeth Moreno ne nous a même pas répondu !.

La deuxième chose que nous demandons c’est que les docteur·es soient formé·es, qu’il y ait des formations comme celle de la Société d’Andrologie de la Langue Française (SALF), qu’elles soient beaucoup plus popularisée auprès des docteures.
Le troisième point : qu’il y ait une reconnaissance des moyens contraceptifs et donc qu’on ait l’AMM pour l’hormonal et qu’on ait une certification pour l’anneau, pour les jockstraps. 
Pour l’instant, nous sommes « hors la loi » dans la mesure où n’avons pas un label Communauté Européenne.

Mais par exemple, pour le Covid, nous sommes toujours en phase expérimentale avec des effets secondaires sans suivi systématique de la cohorte de dizaines de millions de citoyennes ! La mise en vente sur le marché de produits sans certificat CE peut se faire en faisant « signer » à la/au patiente une reconnaissance en pleine conscience des risques qu’elle/il prend après information la plus objective par le corps médical !

Nous demandons un encadrement pour valider les méthodes thermiques et hormonales. Surtout que l’OMS a déjà reconnu la méthode hormonale ! Nous sommes costauds au niveau de l’hormonal.  Au niveau du thermique, c’est vrai qu’il n’y a pas eu énormément de cas. Nous avons eu une centaine de cas qui ont été suivis et qui ont abouti à une reconnaissance au niveau international mais c’est vrai que nous n’avons pas le marquage CE.

Nous sommes dans une demande forte sur ces 3 axes avec le ministère qui est un peu sourd à la demande « populaire » de contraception masculine.

Le 7 octobre prochain, nous avons une réunion avec Santé Publique France. Nous allons parler de leur responsabilité et de la notre dans la mise en garde des utilisateurs du fait que ces méthodes ne sont pas entièrement validées et que c’est à eux de faire le choix en toute conscience. Nous apporterons la preuve que nous mettons en place un suivi de tous les patients pour avoir un référencement et pouvoir observer les résultats, les évolutions et les effets secondaires etc. Nous sommes prêts à être encadrés par des professionnel·les des CHU, des universités, du CNRS etc.

Nous voulons partager à égalité la responsabilité contraceptive.

Pierre Colin co-fondateur d’ARDECOM

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