Articles récents \ Île de France \ Société Rapport sur les Violences vécues par les femmes et par les hommes en IDF

L’enquête Virage, dirigée en 2015 par l’Institut National d’Études Démographiques (INED), nous montre que les femmes sont plus victimes de violence que les hommes et ce dans tous les domaines… Cette enquête francilienne est globale et porte sur les violences interpersonnelles (psychologiques, verbales, physiques et/ou sexuelles) subies dans les douze derniers mois et au cours de toute la vie, dans les différents espaces de vie: espaces publics, lieux d’études et de travail, relations de couple, cadre familial et entourage proche. Cette enquête Francilienne à récemment été présentée par le Centre Hubertine Auclert.

Les professionnels du scepticisme de l’égalité femmes/hommes remettent en question la réalité des violences faites aux femmes. Violences qu’ils décrédibilisent même en utilisant le prétexte du syndrome d’aliénation parentale ; d’où l’intérêt de produire des données territoriales pour mettre sur le devant de la scène la véracité de la parole des victimes.

Le problème majeur pour les victimes de violences est que la véracité de leurs paroles est très souvent remise en question lorsqu’elles dénoncent les faits et leurs agresseurs. Subir des violences quelles qu’elles soient et le fait de ne pas être écoutées provoque une double peine (d’où le #double-peine en ce moment sur les réseaux sociaux). Il est nécessaire de libérer la parole sur le modèle de #MeToo et surtout que les victimes soient écoutées, se sentent en confiance et soutenues dans ce qu’elles traversent. La libération de la parole est progressive, actuellement on assiste à de nombreux témoignages autour de l’inceste, ce qui se traduira par de prochains ateliers de sensibilisation dans les écoles intitulés : «L’inceste parlons-en !». La sensibilisation dès le plus jeune âge est primordiale pour prévenir les violences. La famille peut être un lieu sujet à l’apparition et à la présence de violences et l’école permettre sa représentation et son exutoire. L’enquête VIRAGE nous montre par exemple que les filles subissent cinq fois plus de violences sexuelles que les garçons au sein de la famille.

L’enquête montre que c’est au sein de l’espace privé, c’est à dire la famille, les proches, le conjoint et les ex-petits amis, que se produisent l’essentiel des viols et tentatives de viols. Les violences les plus importantes sont les violences post-séparation. D’où l’importance de prendre en compte les dangers que représentent ces situations de séparation et l’influence que le maintien de la coparentalité peut exercer sur la continuité de l’exposition des femmes et des enfants au danger. En effet, malgré les dénonciations, les condamnations restent très minoritaires… Concernant les démarches auprès de la justice familiale, après la séparation, pour statuer sur la garde des enfants et/ou pour une demande de divorce, on constate que les institutions ne prennent pas toujours bien en compte le contexte de violences. Pour moins d’une femme sur dix, la justice familiale a décidé d’organiser les rencontres avec les enfants dans un espace médiatisé, en prenant en compte le danger pour la mère et ses enfants bien qu’elle soit inadaptée dans le contexte des violences conjugales car le rapport de domination et d’emprise instauré par le partenaire violent empêche la victime de pouvoir s’exprimer librement. Depuis la loi du 30 juillet 2020, la médiation est désormais clairement interdite dans ce contexte.

85 % des Franciliennes et 82 % des Franciliens ont déjà parlé des violences subies dans la famille. Il faut aussi reconnaître que les premières violences racontées ne sont pas les premières violences vécues. Les victimes parlent, à leurs proches et même à des professionnel·les de santé mais les certificats médicaux ne sont pas donnés systématiquement. De plus, même quand les victimes portent plainte, ce n’est pas le début de la libération, cette plainte les met souvent en danger car elle n’implique pas la mise en œuvre de protection immédiate. Si l’auteur des faits l’apprend, il n’hésite pas à se venger… Il est donc nécessaire de renforcer la formation de tous les professionnel·les et de mieux les outiller pour prendre en charge les victimes de violences ; en donnant des certificats médicaux systématiquement, en aiguillant vers des associations spécialisées et en plaçant les victimes dans des hébergements d’urgence sans attendre qu’il soit trop tard…

Les Franciliennes déclarent des faits de violences psychologiques, physiques et/ou sexuelles tandis que les hommes déclarent des faits essentiellement de nature psychologique et/ou physique. Les femmes subissent ces violences graves ou très graves, cumulées et fréquentes, c’est à dire toutes les semaines voire presque tous les jours. Tandis que les hommes déclarent le plus souvent des faits isolés. Les violences conjugales concernent toutes les catégories sociales. Les femmes sans emploi, isolées socialement, et celles qui ont subi des violences pendant leur enfance sont plus exposées. Concernant les violences dans le cadre scolaire et universitaire on observe une différence, les violences physiques sont différenciées entre les femmes et les hommes: les hommes déclarent plus de trois fois plus de violences physiques dans le cadre de leurs études que les femmes (3,6% contre 0,9%), et des violences plus fréquentes, la majorité des femmes déclarent un fait unique. Les violences sont mêlées à l’importance des rapports de domination liés à l’âge, qui s’imbriquent avec ceux liés au genre et à la précarité.

Les agresseurs sont majoritairement des hommes dans toutes les situations

Les Francilien·nes déclarent plus de violences qu’au niveau national. Cela peut s’expliquer par la plus grande taille de l’agglomération et son nombre important d’habitant.es. On observe également une précarité plus grande dans la région. Il y a une concentration de personnes plus diplômées et plus jeunes dans la population Francilienne, car on recense un nombre important d’étudiant.es. Cette population jeune et diplômée dénonce plus facilement les violences car elle est plus éduquée et sensibilisée autour de ces sujets, ce qui fait que le niveau de tolérance des violences est moins important. Ce niveau de tolérance est variable selon, entre autres, l’âge et le niveau d’études.

On remarque également un usage différent de l’espace public entre les Franciliennes et les femmes en France en général. Les modes de déplacement dans l’espace public en transports en commun et à pied sont beaucoup plus fréquents pour les femmes en Île-de-France notamment à cause de la nécessité d’utiliser les transports pour les trajets domicile-travail, ce qui expose d’autant plus aux violences. Les faits graves subis par les Franciliennes ont lieu le plus souvent dans les transports (43%) et dans la rue (40%), alors que la rue arrive en première position au niveau national. Le fait d’être «seule» expose davantage les femmes, cela s’inscrit dans une représentation traditionnelle associant le fait que femmes non accompagnées d’un homme sont plus susceptibles d’être agressées sexuellement. Alors que les espaces publics ont historiquement et socialement été occupés par les hommes et que la présence des femmes y est souvent «tolérée», les violences à leur encontre agissent comme un rappel à l’ordre de genre. Souvent ces situations se produisent en présence de témoins, qui occupent également de fait les espaces publics en même temps. C’est un élément sur lequel les campagnes de prévention pourraient utilement s’appuyer !

Enfin l’enquête montre que les violences touchent les femmes tout au long de leur vie et affectent leur santé. Il est donc important d’agir contre ces violences en mettant en place des politiques publiques !

Camille Goasduff 50-50Magazine

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