Articles récents \ France \ Politique Pour l’instauration d’un véritable paradigme paritaire et inclusif dans la fonction publique

Je me suis intéressée dans mon dernier travail à l’égalité des sexes et des genres dans la fonction publique. Dirigé dans un cadre universitaire, ce travail se veut le plus complet possible sur les discriminations subies par les femmes, les personnes LGBTQIA+ et les minorités racisées dans l’accès aux plus hauts emplois publics en France. Retour sur un sujet plus que jamais d’actualité.

Pour l’État français, les injonctions à l’égalité entre toutes les femmes et tous les hommes apparaissent aujourd’hui comme une nécessité absolue. Cela n’a pas été toujours le cas et les derniers évènements de l’actualité peuvent en confirmer. Depuis ses origines, l’État n’a pas développé de sensibilité à l’égard des femmes, laissant les considérations féministes de côté tout au long du XIXème siècle. Malgré elles, les administrations publiques ont dû se saisir de l’enjeu paritaire face à de nouvelles demandes sociales. Incapables de proposer des dispositifs de résolution durable de ces inégalités, d’autres enjeux sont venus se greffer à la cause féministe comme les revendications de la communauté LGBTQIA+ ou de celles des personnes racisées.

Pourtant, dès les années 1970, les Gender Studies apparaissent en France et font rayonner les nouvelles injonctions à davantage d’égalité entre les femmes et hommes. La France devra attendre la loi du 6 juin 2000 pour qu’enfin la parité de représentation des deux sexes soit instaurée à tous les scrutins de liste. Pourtant, du côté des administrations, le plafond de verre à l’égard des femmes se fait de plus en plus lourd les empêchant d’atteindre le sommet de la hiérarchie de leur domaine professionnel. La France se rend compte qu’elle dispose d’une reproduction quasi-systémique de la division inégalitaire et genrée du travail.

Face à cette situation, les années 1980 connaissent l’avalanche égalitaire des statuts généraux de la fonction publique sans proposer de solutions réellement opérationnelles. Les quelques prémices paritaires s’insèrent difficilement dans une nouvelle interprétation du principe d’égalité sans pour autant faire table rase du passé inégalitaire. Il faudra attendre la loi du 8 août 2016 pour enfin consacrer une perspective paritaire solide et ancrée dans les statuts de la fonction publique. Les pouvoirs publics se voient contraints d’élaborer une véritable stratégie de lutte contre les inégalités des genres et de sexes dans la formalisation de l’action publique.

Néanmoins, lorsqu’on s’interroge sur les inégalités des genres dans la fonction publique, on remarque à la fois une persistance chronique des discriminations mais également les très grandes difficultés d’application des mécanismes censés les résoudre. En 2013, les femmes ne représentaient que 10% des personnels dans la haute fonction publique et à peine 50% des postes à responsabilités de catégorie A. Les environnements publics, des administrations déconcentrées jusqu’aux bureaux feutrés des administrations centrales, restent malgré des tentatives réformatrices des lieux profondément illustratifs d’une division sexuelle du travail. Les besoins du service public restent des contributeurs inhérents des inégalités surtout à l’égard des femmes lorsque celles-ci souhaitent notamment concilier vie professionnelle et personnelle.

Refonder l’action publique pour mieux bâtir la fonction publique de demain apparaît comme un impératif vital pour enfin défaire les inégalités des genres. Le Gender Maintreaming, l’approche intersectionnelle ou encore l’écoféminisme doivent être perçus comme des outils incontournables pour résoudre les inégalités dans les trois versants de la fonction publique. Reconnaître enfin une approche féministe au sein de l’action publique permettra la construction d’un véritable paradigme paritaire dont la France a terriblement besoin en ces temps troublés. Pour sortir de l’égalité formelle entre les femmes et les hommes et atteindre l’égalité réelle, l’Etat doit s’armer de la question du genre dans ses productions administratives. Encore malade de pratiques sexistes, discriminatoires et LGBTphobes, l’Etat échoue à devenir exemplaire. Des fenêtres d’opportunités en matière d’égalité et de parité existent mais elles semblent réduites à des campagnes de communication savamment menées à des fins de renforcement de la légitimité de l’administration.

À travers ce travail inédit, la réalisation d’un état des lieux complets de la situation des femmes et des minorités de sexe et de genre dans la fonction publique a été réalisé. Souhaitant un renouveau dans les modalités de l’action et de la représentation publiques, il faut démontrer que l’État français reste pétri de profondes inégalités entre les sexes et les genres. Ainsi, malgré sa vocation égalitaire, le concours, mode incontournable du recrutement public, se retrouve gangréné par des comportements sexistes et discriminatoires. L’emploi public français s’illustre comme incapable de faire face aux nouvelles injonctions égalitaires et paritaires. Production des normes biaisées, patriarcat et résistances, la fonction publique doit profondément se réinventer pour tendre vers l’égalité entre tous les sexes et les genres pour enfin devenir représentative de la société qu’elle sert.

Maxime-Margaret Loiry de l’association Stop Homophobie, en charge des transidentités et de la diversité

Lire plus : Colloque “La Parité 20 ans après ! Genèse, acquis et perspectives”

print