Articles récents \ France \ Société Stéphanie Schlienger : «J’ai voulu aborder l’égalité sous le prisme de la paternité»

Du 13 au 20 juin, la sous-préfecture des Hauts-de-Seine, Antony, organise Place du Père. Il s’agit d’une semaine thématique à l’initiative de Stéphanie Schlienger, adjointe au maire chargée de la petite enfance et de l’égalité femmes/hommes. Place du Père a pour vocation d’illustrer ce que signifie être un père aujourd’hui, notamment depuis la réforme du congé paternité en juillet 2021.

Quel est votre parcours ? Comment vous a-t-il conduit à ce rôle au sein de la mairie d’Antony ? 

J’ai travaillé 10 ans en tant que responsable marketing et communication au sein de grandes entreprises. Et puis, au moment où j’ai eu mes enfants, j’ai changé de carrière, je suis devenue professeure des écoles. Un métier qui me plaît également beaucoup et qui me permet davantage de concilier vie de famille et vie professionnelle, un peu dans la caricature du changement de carrière des femmes, pour le coup, dans les questions d’égalité. Après, j’ai rejoint la mairie d’Antony en tant qu’élue parce que je trouvais la ville très active et très agréable à vivre. J’avais envie de m’y investir et d’apporter mon expertise en marketing-communication, mais aussi mon expérience dans le milieu de l’éducation.

Pour ma première délégation, j’étais en charge de la petite enfance. Pour mon second mandat en 2020, j’ai demandé au Maire, Jean-Yves Sénant, de créer une délégation égalité femmes/hommes, parce que je trouvais qu’il y avait quelque chose d’important à faire. En plus, il y avait cette attente de la société civile après #MeToo. Nous avons aussi des devoirs en tant qu’employeur·e, le Maire d’Antony a accepté avec enthousiasme de créer cette délégation et m’a donné les moyens d’agir. C’est passionnant, il y a beaucoup à faire, beaucoup d’angles différents, aussi bien au niveau du grand public qu’en termes d’employeur·es. Nous avons de bons relais comme le Centre Hubertine Auclert. Ce qui est intéressant en tant qu’élue, c’est que c’est un travail très transversal, nous engageons tout le monde. Nous travaillons avec différents services, différentes institutions, ça concerne tout le monde et les enjeux sont forts ! 

La semaine du 13 au 20 juin, vous êtes à l’initiative de la place du Père, de quoi s’agit-il ?

J’ai voulu aborder l’égalité sous le prisme de la paternité. L’idée est de mettre en valeur les papas, le partage de la parentalité, qui est vectrice de plus d’égalité. J’ai donc créé un événement qui s’appelle La place du Père, qui arrive à la même période que la fête des pères, comme un clin d’œil. L’événement phare est une table ronde avec Pascal Van Hoorne, qui est le fondateur du site Histoires de Papas. C’est un jeune papa qui a repensé sa carrière en devenant papa de jumeaux et qui témoigne de cette expérience au sein de grandes entreprises et d’écoles.

Je pense que c’est intéressant de montrer ces exemples de paternité active, ce qu’on appelle  » les nouveaux pères « , pour faire changer le regard de la société sur la paternité. C’est un moyen d’impacter sur l’égalité femmes/hommes, en douceur et en profondeur. On voit que pour la jeune génération, c’est quelque chose d’essentiel. C’est un équilibre de vie professionnelle et personnelle qui n’est pas négociable. Il y a un vrai enjeu dont les entreprises doivent se saisir car elles ne vont pas avoir le choix. Je suis fière de ce projet car c’est un sujet de société important, un tel événement n’a jamais été organisé par une ville. C’est à la fois un message qui est porté à un niveau politique, mais aussi à d’autres niveaux : certaines crèches organisent des ateliers thématiques, de la baby-gym papas/enfants, des cafés des parents. Au niveau de notre espace jeunesse, des formations aux premiers secours seront proposées aux adolescent·es et à leurs pères. Notre cinéma joue le jeu en diffusant La Méthode Williams, un biopic sur le père de Vénus et Serena Williams. Différents types d’établissements sont partenaires de cet événement, ils vont mettre ce sujet au goût du jour et cela va permettre d’y réfléchir. 

Comment vous est venue l’idée d’organiser Place du Père ?

Je suis partie du rapport égalité, que toutes les collectivités doivent présenter chaque année, qui met en avant ce qui est fait en faveur de l’égalité femmes/hommes et contre les violences faites aux femmes. J’ai constaté, à partir de nos statistiques, que les pères investissaient un peu moins les médiathèques que les femmes. L’événement a aussi pour but de faire en sorte que les papas investissent ce lieu et prennent leurs places. Des lectures d’albums jeunesse sur la paternité sont organisées.

La coparentalité ne peut qu’être favorable pour tout le monde et vectrice de plus d’égalité. On sait que la différence de salaire se joue pour les femmes dès la prise de poste, à la sortie des études, et s’accentue avec le « risque » de grossesse. Si le « risque » est partagé dans la coparentalité, il n’y a pas de raison que l’égalité n’advienne pas au niveau familial.

Mes enfants sont plus grands, ce sont des adolescents, mais nous avons des retours de notre directrice de crèche, par exemple. Depuis le Covid, il y a beaucoup plus de papas qui viennent chercher les enfants à la crèche, à l’école, qui viennent aux réunions de parents. Nous n’avons pas encore de statistiques, c’est un ressenti et des retours que nous avons de la part des professionnel·les, mais il semblerait quand même qu’un changement s’est opéré entre cette génération et la précédente.

Pascal Van Hoorne en témoigne également. Il intervient dans des écoles de commerce où il rencontre des étudiant·es. Pour elles/eux, la conciliation entre la vie privée et la vie personnelle n’est pas négociable, les entreprises vont devoir s’adapter. Pascal Van Hoorne propose des outils pour les aider à s’adapter et à évoluer en douceur pour que tout le monde y trouve son compte. L’entreprise a un très grand rôle à jouer dans ce changement de culture. Et Antony souhaite participer à cette dynamique et cherche à l’initier. 

Que pensez-vous de la réforme du congé paternité ? Aujourd’hui, 28 jours sont proposés, dont sept jours obligatoires après la naissance de l’enfant. Est-ce suffisant selon vous ?

Le prétexte de cet événement était la fête des pères, qui est symbolique et plutôt sympa. Mais c’était également de prendre ce recul d’un an, depuis la réforme du congé paternité, qui a été instauré en 2002 et qui a été réformé en juillet 2021. C’est, je pense, une mesure favorable à l’égalité femmes/hommes. Mais quand on voit les lois en Espagne ou dans les pays nordiques, il y a sans doute encore beaucoup à faire. 

Depuis la réforme, au niveau national, sept papas sur dix prennent ce congé. Donc il y en a trois qui n’exercent pas leurs droits.

Est-ce que vous avez eu l’occasion de discuter avec des pères ? Ont-ils pris conscience qu’il ne s’agit pas de vacances, comme on l’entend parfois dans les médias à propos du congé maternité ? 

Les quelques pères avec lesquels j’ai eu l’occasion d’en parler réalisaient que ça pouvait être épuisant, difficile, surtout qu’ils ont ce regard de l’autre que les femmes ont peut-être moins. Ils peuvent ressentir une certaine forme de jugement. Mais pour tous, il s’agissait d’une expérience unique qu’ils ne regrettaient pour rien au monde. Sans parler des bénéfices évident pour l’enfant lui-même comme le souligne le Rapport des 1000 premiers jours.

Le cinéma Le Select, à Antony, propose des séances adaptées aux jeunes parents, qui peuvent venir avec des nourrissons, des pères viennent ils à ces séances ? 

C’est l’association Des Familles et des liens qui organise ces séances. Il peut s’agir de papas comme de mamans qui viennent au cinéma. Ça ne gêne personne, il y a un bébé qui est à côté, qui pleure éventuellement, à qui il faut changer une couche, c’est très convivial et ça permet aussi des rencontres entre jeunes parents, d’échanger après à la sortie du film ou avant. C’est vraiment quelque chose d’innovant et c’est très sympa pour les parents. Mais ce n’est pas réservé aux mamans.

Propos recueillis par Emilie Gain 50-50 Magazine

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