Articles récents \ Culture \ Arts Chamaï Winograd: « sur la galerie, on est aujourd’hui à 90 % de présence féminine »

TheCollectors.Art est une galerie d’art originale car numérique. Elle a pour objectif de proposer des œuvres d’art aux petites et moyennes entreprises afin de favoriser les échanges entre les salarié·es. La grande majorité des artistes sont des femmes. Chamaï Winograd qui vient d’un milieu d’artistes en est le fondateur.

Comment vous est venue l’idée de créer une galerie numérique ?

Il y a beaucoup d’artistes dans ma famille. Parmi elles/eux, il y a notamment l’un des fondateurs de l’Internationale lettriste Gil J Wolman qui m’a beaucoup inspiré. On peut découvrir son travail au Centre Pompidou, au Macba de Barcelone et dans d’autres centres d’art contemporain internationaux.
Moi, j’ai fait beaucoup de musique. Ma sœur travaille dans le cinéma, mon frère aîné est photographe et mon plus jeune frère est artiste plasticien. J’ai donc eu la chance de grandir dans un
milieu où la pratique artistique était encouragée et valorisée. Mon environnement familial m’a aussi donné le goût de l’entreprenariat. J’ai fait des études de commerce, un domaine un peu plus terre à terre puis travaillé dans la Tech’ en France et à l’étranger : Amsterdam, Londres, Tel Aviv… Il y a ensuite eu un moment dans ma vie où je me suis posé des questions. Je me suis interrogé sur ce que je souhaitais faire et j’ai alors essayé de marier deux univers que je connaissais assez bien, le monde artistique et le monde corporate. Un monde qui, il faut bien le dire, est malheureusement très souvent désenchanté.

Même dans les bureaux modernes et plutôt bien pensés en termes d’ergonomie, on a en effet vite l’impression d’évoluer dans un environnement aseptisé, déshumanisé. L’art a vraiment un grand rôle à jouer pour améliorer la qualité de vie au travail. Il permet aux salarié·es de s’approprier les espaces et d’y créer du lien entre elles/eux. Il s’agit de transformer le lieu de travail en lieu de vie et d’échanges. L’art constitue selon moi un formidable vecteur pour y parvenir.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

J’ai démarré TheCollectors.Art il y a un peu plus d’un an mais ce n’est encore que le tout début de l’aventure. Il y a une petite dizaine d’artistes avec lesquels je travaille aujourd’hui, essentiellement des femmes. Cela s’est fait naturellement. Je souhaitais que les femmes soient bien représentées sur la galerie. L’objectif était d’avoir au moins la parité. Dans les faits, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a qu’un seul homme ! Ce n’est pas figé mais sur les neuf artistes en contrat avec la galerie actuellement, il y a huit femmes. J’ai commencé avec trois artistes que je connaissais depuis très longtemps puis j’ai découvert les suivant·es, grâce à des recherches et à des recommandations de mon entourage. Quand je regarde une œuvre, je ne regarde pas si son autrice/auteur est une femme ou un homme. Cela me plaît? Je  contacte alors tout simplement la personne. Jusqu’à maintenant il s’agit très souvent de femmes.

Avec quels types d’entreprise travaillez vous ?

Je travaille avec des entreprises pour qui le bien-être de leurs salarié.es est essentiel. Il s’agit de petites et moyennes entreprises, des startups qui comptent moins de cinquante salarié·es. A terme, j’espère pouvoir travailler avec des entreprises plus grandes et toucher un maximum de salarié·es pour porter ces valeurs de bien-être et de bien vivre ensemble dans la sphère professionnelle.

Aujourd’hui, l’art en entreprise est malheureusement quasiment exclusivement associé à la défiscalisation. En réalité, c’est bien plus complexe qu’il n’y paraît et il y a beaucoup d’abus. Les salarié·es des entreprises concernées ne profitent généralement pas des œuvres. Ils/elles ne les voient pas.

Avec TheCollectors.Art, ce que je veux, c’est proposer des œuvres qui sont à la fois accessibles sur le plan financier mais également accessibles sur le plan des concepts. L’idée, c’est que les salarie·es se les approprient facilement et en discutent, créent ce fameux lien entre elles/eux.

Seules les entreprises achètent ou les salariées peuvent aussi acheter les œuvres d’art ?

La galerie s’adresse principalement aux entreprises. Mais si un·e salarié·e aime une œuvre, elle/il peut bien entendu l’acquérir sur le site. Les budgets sont très accessibles, en particulier pour de l’art contemporain, de 175 € à 330 €.

Il s’agit d’œuvres d’art digital, de photographies et de reproductions en édition limitée de 30 exemplaires, signées et numérotées par les artistes. Il y a donc cette notion de rareté bien qu’il ne s’agisse pas d’œuvres uniques. C’est un compromis qui permet de démocratiser l’art contemporain et l’accès aux œuvres en pratiquant des prix attractifs.

Les femmes sont-elles selon vous suffisamment représentées dans les galeries et les expositions ?

Il faut savoir qu’aujourd’hui, dans les écoles d’art, plus de 65 % des élèves sont des femmes. Mais quand on se penche sur le marché de l’Art , on s’aperçoit que les artistes représentés dans les galeries et les grandes expositions, sont essentiellement des hommes. C’est un rapport de 80 %, voire 90 %.

Les femmes se retrouvent ainsi au mieux à travailler dans les galeries pour présenter le travail des hommes. Sur des fonctions support donc, à servir la soupe en somme… Elles ne sont malheureusement pas là pour présenter leur propre travail. C’est aussi pour cette raison qu’avec TheCollectors.Art, j’ai voulu donner une vraie visibilité aux femmes artistes, dans les mêmes conditions que pour les hommes, au moins à 50/50.

De manière très concrète, sur la galerie, on est aujourd’hui à 90 % de présence féminine. Cette expérience, qui représente pour certain.es une première référence dans leur book, permettra à ces artistes, je l’espère, de décrocher des expositions et pourquoi pas de travailler avec des galeries physiques.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine

TheCollectors.Art

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