Articles récents \ France \ Société Dr Catherine Maestro : « IL EXISTE UNE AUGMENTATION DE L’INCIDENCE DU CANCER DU SEIN »

En France, 33 femmes décèdent par jour d’un cancer du sein. Pourtant, détecté tôt, ce cancer guérit dans 9 cas sur 10. Près de 50% des cancers du sein sont diagnostiqués entre 50 et 69 ans et environ 28% sont diagnostiqués après 69 ans. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent en France et représente la première cause de décès par cancer chez la femme. (*) Alors que le dépistage est pris en charge à 100% par la CPAM, beaucoup de femmes peinent à se rendre dans les centres de radiologie agréés pour réaliser une mammographie de dépistage organisé et bénéficier de la deuxième lecture des clichés. La Dr Catherine Maestro, impliquée dans le dépistage organisé du cancer du sein depuis la période expérimentale (en 1989), ancienne cheffe de service de radiologie au Centre de lutte contre le cancer à Nice participe à la deuxième lecture des mammographies. Elle nous éclaire sur les idées reçues.

Pourquoi, encore de nos jours, y a-t’il autant de femmes qui meurent d’un cancer du sein malgré les programmes nationaux de dépistage ? Pensez-vous que perdurent encore les idées reçues ?

Oui, il existe encore beaucoup d’idées reçues sur la mammographie. La première est la douleur à la compression sur le sein par l’appareil de mammographie. Il s’agit davantage d’une sensibilité que d’une douleur réelle et cela est nettement amélioré par les appareils récents. L’interruption de l’examen pour cause de douleurs insupportables est anecdotique. L’éventuelle douleur demeure minimisée par une explication de l’acte et une mise en confiance de la patiente.

La 2ème idée reçue concerne l’irradiation. Il faut savoir que les doses sont faibles et l’irradiation est négligeable, sans danger pour la patiente d’autant que l’examen est réalisé tous les 2 ans.

3ème idée reçue, le dépistage organisé est de qualité inférieure au dépistage individuel. C’est faux. On utilise les mêmes appareils et le dépistage est supérieur car il y a une deuxième interprétation (deuxième lecture) qui « rattrape » des lésions que le premier radiologue n’aurait pas vues. De plus, si le premier radiologue identifie une anomalie il pratique immédiatement les examens complémentaires nécessaires (le plus souvent une échographie mammaire) comme en dépistage individuel (il n’y a donc pas de perte de temps). Les appareils sont contrôlés semestriellement et les personnels de santé ont une obligation de formation spécifique à la réalisation et l’interprétation des mammographies

Autre idée reçue est celle du dépistage organisé qui induirait des «sur-diagnostics» et donc des traitements abusifs. Il s’agit de lésions peu évolutives mais bien de cancers ou de lésions à risque d’évoluer en cancers et il faut certainement les traiter.

Le dépistage organisé est-il encore utile vu les progrès des thérapeutiques ?

La diminution de mortalité est bien liée aux progrès des prises en charge thérapeutiques mais ceux-ci sont d’autant plus efficaces que le cancer est détecté à un stade précoce par la mammographie permettant un meilleur pronostic et également des traitements moins mutilants. Parfois, des cancers surviennent entre deux dépistages. Celui-ci est réalisé tous les deux ans et les lésions ne sont pas diagnostiquées lors de la mammographie de dépistage. Ce sont, généralement, des cancers rapidement évolutifs qui apparaissent entre deux mammographies (cancers d’intervalle) ou non vus ni par le premier lecteur ni par le second (faux négatifs)

Quel est le profil socio-économique et psychologique des femmes qui ne se font jamais dépister ?

Nous retrouvons celles qui manquent d’informations et celles qui reçoivent de fausses informations. Toutes les femmes sont concernées.

A partir de quel âge faut-il se faire dépister ?

Le dépistage organisé s’adresse aux femmes dont l’âge est compris entre 50 et 74 ans. Depuis quelques années l’âge au diagnostic est plus tôt et un dépistage à 45 ans serait à conseiller dans le cadre du dépistage individuel avant de rejoindre le dépistage organisé. Après 74 ans, les femmes doivent continuer à faire les mammographies car des cancers peuvent tout à fait survenir à un âge plus tardif.

D’après les chiffres de Santé Publique France, une femme sur huit développera un cancer du sein au cours de sa vie. 61214 nouveaux cas sont diagnostiqués par an. Comment expliquer ces chiffres qui vont en augmentant ?

Il existe une augmentation de l’incidence du cancer du sein. Les facteurs sont multiples : l’environnement, l’obésité, la sédentarité, les perturbateurs endocriniens, les facteurs hormonaux … 5 à 10% des cancers sont dits familiaux survenant dans un contexte de mutation génétique : le radiologue, le gynécologue, le médecin traitant identifient ces patientes et proposent un dépistage personnalisé à ces femmes.

Comment peut-on faire pour réaliser sa mammographie de dépistage ?

En principe, tous les 2 ans de 50 à 74 ans, les femmes reçoivent une invitation de la CPAM06 pour réaliser une mammographie dans un des centres agréés du département des Alpes-Maritimes. Si elles n’ont pas reçu cette invitation, elles peuvent contacter la CPAM au 3646 ou contacter le Centre Régional du Dépistage des Cancers (CRCDC).

Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine

(*) : Chiffres 2023 Santé France

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